La francophonie invisible dans la campagne néo-écossaise 

Les Néo-Écossais sont appelés aux urnes ce mardi 30 mai. Crédit image: Élections Nouvelle-Écosse

HALIFAX – Les Néo-Écossais sont appelés aux urnes ce mardi 30 mai. Les thèmes de l’économie, de la santé et de l’éducation ont dominé une campagne morne durant laquelle les enjeux francophones ont été absents de la place publique.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« Les enjeux des Acadiens n’ont pas du tout été abordés durant la campagne, ce qui est extrêmement inquiétant », lance la directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANÉ), Marie-Claude Rioux.

L’organisme porte-parole des 34 585 francophones de la Nouvelle-Écosse espérait que la campagne électorale serait l’occasion d’entendre les différents partis politiques sur la question des circonscriptions acadiennes protégées ou de les voir se positionner sur la révision souhaitée de la Loi sur les services en français (LSF).

« Ça a été silence radio, ce qui est forcément décevant. Les partis politiques ne devraient pas négliger les Acadiens car ils sont proportionnellement plus nombreux à voter », regrette Mme Rioux.

La FANÉ avait pourtant soumis un questionnaire à chaque parti et organisé un débat électoral, le 17 mai dernier. Si tous les partis politiques ont répondu au questionnaire et que les candidats Lisa Roberts, pour le Nouveau Parti démocratique (NPD), Michel Samson, pour le Parti libéral de Nouvelle-Écosse (PL) et Chris d’Entremont, pour le Parti progressiste-conservateur (PC de Nouvelle-Écosse) étaient présents pour le débat, aucune proposition nouvelle n’est vraiment ressortie.

« Il a juste été question de mettre en place un comité de députation acadienne, une idée que nous avions déjà lancée il y a plus de trois ans. Mais sinon rien de concret… »

Selon le professeur de sciences politiques à l’Université Saint-François-Xavier, Yvon Grenier, la raison est avant tout électoraliste.

« Les partis politiques ont marché sur des œufs sur la question des circonscriptions. Les libéraux l’ont repoussée aux calendes grecques. Ça s’explique peut-être par le fait qu’il y a peu à gagner électoralement. »

La FANÉ dit donc se préparer à travailler avec tous les partis politiques, peu importe le résultat et sans savoir quel parti serait le plus favorable à l’avancée de ses dossiers.

« Le plus important, c’est de garder les voies de communication ouvertes avec les trois partis politiques », souligne Mme Rioux.

 

Trois circonscriptions à surveiller

Les Acadiens auront à l’œil les trois circonscriptions nées de la disparition des circonscriptions acadiennes protégées, soit Cape-Breton-Richmond, Argyle-Barrington et Clare-Digby.

Selon M. Grenier, celles-ci ne devraient pas connaître de grands changements, ce qui garantirait le maintien des deux Acadiens, le libéral Michel Samson et le progressiste-conservateur Chris d’Entremont, à l’Assemblée législative.

Marie-Claude Rioux
La directrice générale de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANÉ), Marie-Claude Rioux.

Mais pour la FANÉ, la langue maternelle des candidats sera moins importante que leur capacité à défendre les priorités acadiennes.

« Les Acadiens ne veulent pas nécessairement que ce soient des Acadiens qui soient élus dans les circonscriptions acadiennes protégées ou ailleurs, mais plutôt que ce soient les personnes les plus aptes à représenter leurs intérêts. On a pu le voir dans Clare-Digby où Gordon Wilson, qui n’est pourtant pas bilingue, a reçu l’appui des Acadiens de Clare. »

Cette circonscription sera d’autant plus intéressante à surveiller que M. Wilson aura face à lui un candidat progressiste-conservateur acadien, en la personne de Norm Cormier.

 

Les libéraux, minoritaires ou majoritaires

Le dernier sondage réalisé par Mainstreet/iPolitics à la veille du scrutin plaçait les libéraux en tête des suffrages avec 41 %, suivis par les progressistes-conservateurs avec 33 % et les néo-démocrates avec 22 %.

Selon M. Grenier, le pouvoir ne devrait pas échapper aux troupes de Stephen McNeil.

« Il ne faut pas toujours se fier aux sondages, mais depuis le début de la campagne, on a vu peu de variations. Normalement, les libéraux devraient l’emporter, même s’ils pourraient être minoritaires. »

Élu en 2013, le gouvernement de M. McNeil bénéficie encore, selon le politologue, d’une certaine indulgence, d’autant que ses adversaires, le progressiste-conservateur Jamie Baillie, et le néo-démocrate Gary Burrill, n’ont pas réussi à se présenter comme une alternative crédible.

« Les conservateurs ne se distinguent pas tellement au niveau de la vision puisque comme les libéraux, ils insistent sur l’importance d’avoir un budget équilibré, tout en attaquant ces derniers sur leur gestion des affaires publiques. Les néo-démocrates ont, de leur côté, fait le choix de se positionner plus à gauche, mais il n’est pas dit que ça les fasse gagner. »

Les libéraux bénéficient également, selon M. Grenier, de la popularité de Justin Trudeau qu’ils n’hésitent pas à citer dans leur plateforme.

À la dissolution de l’Assemblée législative, le Parti libéral détenait la majorité des sièges avec 34 députés, les progressistes-conservateurs comptaient 10 élus et les néo-démocrates étaient 5, alors qu’un député siégeait comme indépendant et qu’un siège était vacant.