15,4 millions de dollars dans l’accès bilingue à la santé pour le Nord

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Le ministre Duclos indique que cet investissement doit, entre autres, permettre d'améliorer l’accès à des programmes de formation en santé francophones. Crédit image: Inès Rebei

SUDBURY – Le gouvernement fédéral a annoncé ce matin un financement de plus de 15,4 millions de dollars sur cinq ans à l’Université Laurentienne, au Collège Boréal, à l’Université de Hearst et au Réseau du mieux-être francophone du Nord de l’Ontario (RMEFNO) dans le cadre du Programme pour les langues officielles en santé (PLOS) de Santé Canada. Ces fonds visent à améliorer l’accès aux services de santé pour les francophones vivant en milieu minoritaire dans le Nord de l’Ontario et à promouvoir l’offre active de services de santé en français.

C’est au campus du Collège Boréal de Sudbury, en présence de Marc Serré, secrétaire parlementaire de Ginette Petitpas Taylor, ministre des Langues officielles et Viviane Lapointe, députée fédérale de Sudbury que le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos en a fait l’annonce.

« Toute personne au Canada devrait avoir accès aux soins de santé dans la langue officielle de leur choix, et ce, indépendamment de qui ils sont, de l’endroit où ils vivent ou de leur capacité à payer. La langue ne devrait jamais être un obstacle aux soins de santé de qualité, car cela peut mener à une situation de vie ou de mort », a-t-il lancé devant une trentaine de personnes présentes comprenant notamment le maire Paul Lefebvre.

Jean-Yves Duclos, ministre de la Santé, est de passage à Sudbury pour la première fois depuis son élection. Crédit image : Inès Rebei

Cet investissement au PLOS, lancé en 2003 et totalisant 206,7 millions de dollars sur une période de cinq ans, incluant son financement actuel de 192,2 millions de dollars sur la même période, intervient près de deux mois après la sortie du budget de 2023 et le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028, prévoyant un milliard de dollars de plus sur cinq ans, lequel a été présenté comme un investissement fédéral historique en langues officielles.

« Garder nos enfants, garder nos jeunes dans le Nord c’est tellement important » – Marc Serré

Une annonce qui survient également dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre qui sévit particulièrement dans le Nord de l’Ontario, où un besoin criant de personnel de la santé se fait ressentir et le recrutement et la rétention d’étudiants sont des enjeux de premier plan dans les collectivités du Grand Nord.

Un contexte difficile auquel s’ajoute la variable des soins en français, avec un exode des médecins de famille et le départ à la retraite de plus en plus de médecins francophones des petites villes du Nord. Selon L’Ontario Medical Association, le Nord manquerait actuellement de 350 médecins de famille et spécialistes.

« Garder nos enfants, garder nos jeunes dans le Nord c’est tellement important », a tenu à souligner Marc Serré non sans émotion.

Bonifier les programmes en français

Les trois établissements universitaires offrent des formations dans le domaine de la santé et sont membres de l’Association des collèges et universités de la francophonie canadienne, volet Consortium national de formation en santé.

Dans le cadre de ce programme, l’Université Laurentienne recevra plus de 7 millions de dollars, soit près de la moitié de l’enveloppe totale. L’objectif est d’accroître la capacité de cette dernière de former les professionnels de la santé, notamment celui des sciences infirmières.  

« Quand on donne des sous à l’Université de Hearst ça prend pas beaucoup de financement pour faire une grosse différence quand on est un petit établissement » – Sophie Dallaire

Avant la crise financière du printemps 2021 qui a provoqué la coupe de 70 programmes, dont 29 en français, l’établissement formait chaque année le quart des sages-femmes diplômées au Canada. Orthophonie, kinésiologie, sciences de la santé, sciences infirmières font encore partie des programmes offerts en premier cycle à l’établissement.

Le Collège Boréal offre, quant à lui, des programmes en soins infirmiers auxiliaires, et en soins paramédicaux, entre autres. Le Collège, que son président Daniel Giroux a qualifié avec humour de meilleur collège de l’Ontario, se voit octroyer quatre millions de dollars.

Daniel Giroux travaille au Collège Boréal de Sudbury depuis 1997. Crédit image : Inès Rebei

Ce dernier a aussi souhaité souligner que la diversité de la francophonie croît grâce au nombre considérable d’étudiants internationaux « qui s’installent durablement partout dans les 26 communautés de la province de l’Ontario. »

Depuis 2022, l’Université de Hearst est le seul établissement francophone ontarien à offrir une formation de deuxième cycle, le Diplôme d’études supérieures en psychothérapie (DÉSP), admissible à l’Ordre des psychothérapeutes autorisés de l’Ontario (OPAO). L’établissement autonome depuis un peu plus d’un an, est celui qui reçoit le moins de cette enveloppe, soit 2 millions de dollars.

« Quand on donne des sous à l’Université de Hearst ça prend pas beaucoup de financement pour faire une grosse différence quand on est un petit établissement », a confié Sophie Dallaire, coordinatrice Consortium national de formation en santé (CNFS) et gestionnaire de transition vers l’autonomie de l’Université de Hearst.

Sophie Dallaire a fait le déplacement depuis Kapuskasing pour l’événement. Crédit image : Inès Rebei

Ce financement permettra à l’établissement de pouvoir offrir des cours en ligne mais aussi d’avoir des cohortes jusqu’à 24 étudiants, ce qui, selon elle, n’aurait pas été possible sans de tels fonds.

Recruter davantage en français

Le RMEFNO, membre de la Société Santé en français, a récemment créé une formation sur l’offre active reconnue dans six autres provinces et territoires. Il reçoit 1,8 millions de dollars pour un projet qui permettra aux francophones du nord de l’Ontario d’accéder aux services de santé et de promouvoir la prestation active des services de santé dans leur langue officielle.

Selon le président du conseil d’administration du RMEFNO, Collin Bourgeois, estime que ces fonds serviront avant tout à recruter des pourvoyeurs de services de santé et d’offrir des formations pour que ces soins sont fournis en français partout dans le Nord.

Il affirme que les services de santé en français sont essentiels pour les gens qui vivent en minorité linguistique : « Quand on est pas servis en français dans nos communautés, on ne peut pas contribuer à cette société. »

Pour Collin Bourgeois, une communauté accueillante est une communauté qui offre des services en français. Crédit image : Inès Rebei

Celui qui est aussi le directeur d’une maison funéraire à Sudbury, considère que beaucoup d’efforts sont faits pour la rétention des diplômés et que même s’ils ne restent pas en région après leurs études, ceux-ci contribuent tout de même pendant leur séjour.

« Des annonces comme celles-ci, on en a tous les cinq ans donc c’est important », pense quant à lui, Antoine Désilets, directeur général de la société Santé en français, basée à Ottawa, qui sert d’intermédiaire entre le fédéral et les 16 entités de santé au pays.

Selon lui, il y a un problème au niveau des données à l’échelle du pays, dont les résultats sont anecdotiques dans plusieurs régions : « Il y a peu de données sur les services en santé en français disponibles à la population. »

Répondant au sujet des inquiétudes autour de la privatisation du système de santé prévu par le gouvernement ontarien, celui-ci reconnait que c’est aussi aux francophones de se battre pour leurs droits.

« Notre défi en tant que francophones, c’est de s’assurer, dans cette transformation, de ne pas perdre notre place et la conscientisation de nos besoins. »

Encore beaucoup à faire

M. Duclos a tenu à reconnaître que bien que bien que « c’est bien beau ces millions de dollars mais encore faut-il de bons partenaires avec lesquels travailler. »

En entrevue avec ONFR+, celui-ci a assuré qu’un suivi sera fait concernant l’impact que ces fonds auront sur le terrain : « On va suivre les indicateurs, de combien de nouveaux professionnels de la santé vont être formés ici, combien vont être recrutés dans les installations de santé de la région et combien vont choisir de rester à plus long terme. »

« On pense que ce sera positif », conclut-il en revenant sur les incitatifs financiers qui sont accordés aux étudiants qui choisissent d’aller en région pour leur formation.

Le ministre compte rester quelques jours dans le Nord pour aller à la rencontre du milieu de la santé. Crédit image : Inès Rebei

La reconnaissance nationale des compétences sur lequel le gouvernement travaille fait partie des pistes de solutions afin de permettre à du personnel formé ailleurs au pays de pouvoir exercer des professions médicales là où ils s’installent.

De son côté, Marc Serré a fait savoir qu’il reste encore beaucoup à faire, notamment en matière d’immigration. Il s’est réjoui qu’il y aura un volet en immigration dans la Loi C-13 qui est entre les mains des sénateurs.

Il a aussi fait référence à l’atteinte de la cible fédérale de 4,4 % en immigration francophone cet hiver, tout en affirmant être conscient que celle-ci n’est pas suffisante. Avoir des nouveaux arrivants c’est tellement important, a-t-il indiqué en ajoutant qu’il souhaite que les communautés francophones accueillantes, dont fait partie Sudbury, puissent accueillir plus de personnes.

Cet article a été mis à jour le 23 mai à 14h