Aide aux médias francophones : Joly défend son plan

Crédit photo: Benjamin Vachet

OTTAWA – Critiqué dans un éditorial de la direction du journal franco-manitobain La Liberté, le plan d’aide aux médias de langue officielle en contexte minoritaire, récemment annoncé par Mélanie Joly, est défendue par la ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« On a répondu à la demande du Consortium des médias communautaires de langues officielles et j’invite la rédactrice en chef et toute l’équipe de La Liberté à travailler avec le consortium. S’ils ont des projets spéciaux, qu’ils veulent qu’on les soutienne, l’argent est disponible. Ma philosophie, c’est la main tendue pour travailler avec eux et répondre à leurs besoins spécifiques », a déclaré la ministre Joly à la sortie d’un comité parlementaire des langues officielles houleux, ce jeudi.

L’initiative de son gouvernement d’une valeur de 14,5 millions de dollars sur cinq ans, dévoilée dans le Plan d’action pour les langues officielles en mars, a fait l’objet de vives critiques de la directrice générale et rédactrice en chef du journal franco-manitobain La Liberté, Sophie Gaulin.

En réponse aux détails de ce plan, présentés le 4 octobre, et de l’annonce d’un financement de 4,5 millions de dollars sur cinq ans pour des stages dans les journaux de langue officielle en situation minoritaire et de 10 millions de dollars sur cinq ans pour des projets spéciaux, cette dernière a épinglé la ministre, dans son éditorial du 11 octobre, intitulé « Pour qui nous prend Mélanie Joly? ».

Dénonçant « une piètre bonne nouvelle » et des mesures qui n’aideront pas directement les journaux, elle estime que le recours aux stagiaires – si tant est que les journaux en trouvent – ne répondra pas à la crise que traversent les journaux.

« Soyons enfin sérieux. Ce dont la presse locale et régionale a besoin, c’est d’un financement de ses salles de nouvelles existantes. »

Et de répondre également aux 10 millions annoncés pour des projets spéciaux : « créer un journal de qualité, hebdomadaire ou quotidien, est déjà un très gros projet en soi ».

La ministre Joly renvoie Mme Gaulin vers le consortium.

« Pour nous, l’indépendance de nos médias est fondamentale, c’est pour ça qu’on a voulu travailler en consortium. De façon générale, les médias se sont entendus pour créer ce consortium et pour avoir une approche où on allait développer des projets spéciaux. J’invite les membres de La Liberté à travailler avec le consortium pour trouver des solutions, parce qu’il y a beaucoup de journaux et de radios qui sont satisfaits de ces annonces. »

Autre critique entendue en coulisses contre l’annonce de Mme Joly, la disponibilité des fonds de l’enveloppe de 10 millions de dollars qui ne devraient être débloqués que d’ici 12 à 18 mois.

Un travail par étape, dit l’APF

« Cet éditorial n’était pas une surprise pour nous, car nous savions et l’avions dit au gouvernement, que plusieurs de nos membres n’étaient pas satisfaits. Ils ont des attentes beaucoup plus pointues que ce qui a été annoncé », explique le président de l’Association de la presse francophone et porte-parole du Consortium des médias communautaires de langues officielles, Francis Sonier.


« C’est un travail par étape, il n’y a pas de grands résultats immédiats » – Francis Sonier, président de l’APF


Ce dernier voit l’annonce du 4 octobre comme une première étape, qui a notamment déjà permis à un journal d’embaucher un stagiaire.

« La ministre elle-même l’a dit. Notre rôle sera désormais de travailler avec elle et avec les ministères concernés. Il reste à préciser comment seront utilisés les 10 millions de dollars sur cinq ans annoncés. Pour nous, ça doit servir dans les salles de rédaction pour la production de contenu. »

Financement d’urgence pour des médias menacés

Par le passé, l’APF, de concert avec l’Alliance des radios communautaires (ARC) du Canada, English-Language Arts Network (ELAN) et la Quebec Community Newspaper Association, avec qui elle forme le Consortium des médias communautaires de langues officielles, avaient demandé la mise en place d’une aide directe d’urgence. La mesure avait reçu l’appui du comité permanent des langues officielles.

Si elle n’a pas totalement abouti, cette démarche a toutefois permis à quinze médias communautaires, majoritairement francophones, et qui étaient menacés de fermeture d’ici au 31 mars 2019, d’obtenir une aide financière, cet été, pour un montant total de 605 000 dollars, issu de l’enveloppe de 10 millions de dollars prévue pour financer des projets, a appris #ONfr.

Le président de l’Association de la presse francophone, Francis Sonier. Archives #ONfr

« Nous aurions aimé que cette aide aille à tous les médias, mais ça a au moins permis d’aider ceux qui n’avaient plus du tout de marge de manœuvre et qui n’auraient pas pu passer l’année », précise-t-il.

Il indique toutefois douter que les 14,5 millions annoncés sur cinq ans, que devront se partager 105 médias, soient suffisants pour répondre à la crise.

Autres mesures

La ministre rappelle qu’un montant de 50 millions de dollars sur cinq ans a également été annoncé dans le dernier budget fédéral pour supporter le journalisme local dans les communautés mal desservies.

« Cela peut concerner la presse des communautés de langue officielle en situation minoritaire », assure-t-elle.

Le consortium compte se positionner pour obtenir sa part, glisse M. Sonier.

Mme Joly souligne également le mandat qui a été donné au ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, en matière de soutien aux médias. Dans sa lettre de mandat, le ministre a notamment la tâche de travailler avec le ministre des Finances pour assurer la mise en œuvre de cette enveloppe de 50 millions de dollars et d’élaborer des modèles d’affaires qui facilitent davantage les dons de particuliers et le soutien philanthropique accordés pour la diffusion de nouvelles locales et pour appuyer un journalisme professionnel fiable sans but lucratif.

Il doit également travailler avec les organismes médiatiques afin d’examiner des moyens de soutenir davantage la transition vers les médias numériques.


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