Aide médicale à mourir : Ottawa présente son projet de loi

Un jugement de la Cour suprême du Canada oblige les gouvernements fédéral et provinciaux à légiférer sur l'aide médicale à mourir. Thinkstock

OTTAWA – La ministre de la Justice et Procureure générale du Canada, Jody Wilson-Raybould, et la ministre de la Santé, Jane Philpott, ont présenté le projet de loi sur l’aide médicale à mourir du gouvernement libéral, jeudi 14 avril. Le projet devra être adopté avant le 6 juin.

BENJAMIN VACHET
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FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
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« Le débat sur l’aide médicale à mourir est un enjeu très émotif. Aujourd’hui, certains trouveront que nous ne sommes pas assez loin, d’autres penseront le contraire. Mais suivant la décision de la Cour suprême du Canada, la question à laquelle nous répondons n’est pas de savoir si oui ou non, on devait permettre l’aide médicale à mourir, mais plutôt de savoir comment nous allons l’encadrer », a déclaré la ministre Wilson-Raybould.

Dans l’arrêt Carter de février 2015, la Cour suprême du Canada avait tranché à l’unanimité que la prohibition de l’aide médicale à mourir était contraire à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, relatif aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.

Afin de se mettre en conformité avec cette décision et d’éviter les poursuites pour un fournisseur de soin de santé qui aiderait un patient à se donner la mort, le gouvernement a proposé plusieurs critères.

Pour pouvoir recevoir l’aide médicale à mourir, il faudra que la mort du patient soit « raisonnablement prévisible ». Les patients devront être admissibles à l’aide médicale au Canada, être majeurs, être capables de fournir un consentement libre et éclairé, être affectés de problèmes graves et irrémédiables et en faire la demande de manière volontaire et libre de contraintes.

Plusieurs mesures de sauvegarde sont également prévues, telles que l’avis de deux médecins, le droit de retirer sa demande et une période de réflexion de 15 jours.

Urgence d’agir

Les discussions à venir annoncent de longues heures de travail pour les parlementaires, alors qu’il ne reste que cinq semaines avant l’échéance du 6 juin, fixée par la Cour suprême du Canada au gouvernement fédéral.

« Comme députés, nous pouvons contrôler nos horaires et cet enjeu en vaut la peine », a indiqué le député du Parti conservateur (PC), Gérard Deltell.

Un avis partagé par le leader du gouvernement à la Chambre des communes, Dominic LeBlanc, qui a assuré que tous les parlementaires qui le souhaitent pourront prendre la parole lors des débats entourant l’étude du projet de loi à la Chambre des communes.

« Cet enjeu dépasse le cadre partisan et je pense qu’il est important que chaque député qui le souhaite puisse s’exprimer », a ajouté M. Deltell.

Le PC laissera ses députés voter sans directive du parti, ce qui sera également le cas des membres du PLC, après quelques tergiversations. Imposant dans un premier temps une ligne de parti puisqu’il s’agit d’un enjeu portant sur la Charte canadienne des droits et libertés, M. LeBlanc est finalement revenu sur cette décision. Finalement seuls membres du conseil des ministres seront contraints de voter en faveur du projet de loi.

Points de discorde

M. Deltell s’est dit encouragé de voir que le gouvernement n’a pas suivi certaines des recommandations du comité parlementaire mixte, formulées dans son rapport remis en février.

Celui-ci ouvrait notamment la porte à l’éligibilité de l’aide médicale à mourir pour les mineurs, âgés de moins de 18 ans, ainsi que pour les gens souffrant de problèmes de santé mentale.

« Nous sommes heureux d’avoir été entendus sur ces points, mais nous avons encore des inquiétudes notamment concernant le respect du choix des spécialistes de santé de refuser d’aider un patient à mourir. Le projet de loi ne l’indique pas assez clairement et laisse trop de place à l’interprétation pour chaque province. »

L’Ontario se soumettra

Plusieurs d’entre elles n’ont pas encore de législation. Mais à compter du 6 juin, elles devront offrir l’aide médicale à mourir de manière plus officielle que depuis le jugement de la Cour suprême du Canada.

Le gouvernement fédéral a assuré qu’il s’engageait « à travailler avec les provinces et les territoires pour appuyer l’accès à l’aide médicale à mourir tout en reconnaissant le droit de conscience des fournisseurs de soins de santé, et pour collecter des données » qui devraient aider à faire l’examen de la loi dans cinq ans.

S’ils ne pourront pas empêcher un spécialiste qui respecte la loi fédérale d’aider un patient à mourir, les provinces et territoires pourront toutefois l’encadrer, notamment pour imposer une formation spéciale pour la prestation de l’aide médicale à mourir ou pour déterminer où l’aide médicale à mourir sera accessible, sachant que certains établissements comme l’Hôpital Bruyère, à Ottawa, se sont prononcés contre.

« Nous allons respecter la loi qui sera votée par le gouvernement fédéral », a fait savoir Madeleine Meilleur, Procureure générale de l’Ontario, le 14 avril. « Pour ce qui est du processus qui est réservé aux provinces, à savoir comment (l’aide médicale à mourir) sera administrée, ces questions-là sont pour l’instant sans réponse. Mais le 6 juin, nous serons prêts. »

Dans les faits, Queen’s Park a déjà adopté des règles intérimaires qui ont permis, depuis février, à six personnes de mettre fin à leurs jours avec l’aide d’un médecin.