Alliance avec les anglophones du Québec : l’AFO a raté le coche

Le président de l'Assemblée de la francophonie de l'Ontario, Carol Jolin. Archives ONFR+

[ANALYSE] 

OTTAWA – En règle générale, les prises de position de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) suscitent plus ou moins le consensus. Mais l’organisme peut aussi déplaire, voire recevoir plus le pot que les fleurs.

La semaine dernière, l’entente formée par l’AFO avec la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick (SANB) et le Quebec Community Groups Network (QCGN) pour « l’avancement et la protection des droits linguistiques » a provoqué des réactions très vives, surtout de la part de Québécois francophones.

En cause : moins l’entente avec les Acadiens du Nouveau-Brunswick que celle signée avec les anglophones du Québec. Sur le fond, la démarche de l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens est discutable, mais pas inutile. Sur la forme, en revanche, quelque chose a cloché.

Pas certain, tout d’abord, que le président Carol Jolin avait mesuré le ressac de la communauté francophone. À tel point que l’AFO a apporté des précisons le lendemain, expliquant qu’il s’agissait du meilleur « momentum pour faire des langues officielles un enjeu de la prochaine campagne électorale fédérale ».

Une semaine après avoir ouvert le défilé des célébrations de la Saint-Jean à Montréal à la suite d’une invitation de la Société Saint-Jean-Baptiste, ce « momentum », au contraire, surprend. Cette sortie publique arrivait un peu tôt, et surtout encore bien loin d’une campagne électorale qui après tout ne commencera qu’en septembre.

En qualifiant cette entente comme « historique », M. Jolin a donné une ampleur beaucoup trop forte à l’événement. Car, c’est un secret de polichinelle que l’AFO et QCGN se parlent sur base régulière, ont des intérêts communs. Mais un pas a été franchi en faisant de cet allié de circonstance un équipier majeur, et de parapher cette entente lors d’une conférence de presse. Le tout n’était peut-être pas nécessaire.

Différentes réalités…

Les deux minorités ne vivent pas la même réalité. En un siècle, les francophones de l’Ontario ont vu leur poids dans la province fondre de moitié. Ce n’est évidemment pas le cas des anglophones au Québec dont l’importance démographique s’accentue.

En 2016, les Québécois anglophones représentaient 13,7 % de la population globale de la Belle province, les Franco-Ontariens à peine 4 % sur leur territoire.

…mais des intérêts communs et urgents

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas travailler ensemble dans l’ombre. Francophones de l’Ontario et anglophones du Québec ont besoin de s’unir sur des dossiers pressants comme la modernisation de la Loi sur les langues officielles, ou encore l’éducation dans la langue de minorité.

Il y a quelques jours, la décision de commission scolaire anglophone English-Montréal de s’adresser à la Cour supérieure pour bloquer le transfert de deux de ses écoles primaire et secondaire à la commission scolaire francophone de la Pointe-de-l’île a mis le feu au poudre.

Il faut le reconnaître : une décision dans ce sens du plus haut tribunal du pays pourrait avoir des conséquences directes sur les provinces en milieu minoritaire.

La question aujourd’hui ne doit pas être de savoir si les Franco-Ontariens ont plus à gagner avec le gouvernement Legault ou la minorité anglophone du Québec, mais plutôt comment entreprendre une collaboration saine avec ces deux entités en proie à des tensions récurrentes.

Ce dosage subtil exige des discussions régulières avec l’un et l’autre, sans coups d’éclat. En se jetant corps et âme dans les bras d’un des opposants au gouvernement québécois sur la place publique, l’AFO a peut-être raté le coche.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 8 juillet.