Améliorer l’accès aux soins de santé en français en 2021

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[ANALYSE]

Dans la brume de la pandémie, l’année 2021 s’ouvre sur une note d’espoir. Les vacances permettent de recharger les batteries, les premiers vaccins contre la COVID-19 sont maintenant disponibles, les jours qui chantent devraient arriver. Un retour à la normale en somme. Enfin.

Au-delà des décès, et des dégâts économiques et psychologiques, la nécessité de davantage investir dans la santé s’est imposée comme une piqûre de rappel aux différents gouvernements. Plus que jamais, la lentille francophone ne doit pas être ignorée. Entendre ou lire des communications en français n’est pas un privilège, mais un droit.

En 2020, les gouvernements n’ont pas toujours respecté ce principe pourtant inhérent à l’un des peuples fondateurs du Canada. Exemple le plus éloquent : les exemptions au bilinguisme accordées par le gouvernement fédéral en matière d’étiquetage sur certains produits sanitaires. Une mesure alors justifiée par le premier ministre Justin Trudeau en vertu de l’urgence sanitaire.

Au palier provincial, il a fallu de nombreux rappels pour obtenir une traduction simultanée des conférences de presse de Doug Ford. Une petite avancée certes, même si moins de la moitié des bureaux de santé de la province seulement communiquent dans la langue de Champlain. À l’Île-du-Prince-Édouard, le bilinguisme de la médecin hygiéniste en chef, la Dre Heather Morrison, tranche avec l’unilinguisme des représentants ontariens.

L’enjeu des soins pour les aînés 

Dans les foyers de soins de longue durée, lesquels comptent deux tiers des décès dus à la COVID-19 en Ontario, les services de santé en français ont suivi cette tangente. La moyenne d’âge plus élevé des Franco-Ontariens, mais aussi l’unilinguisme souvent plus prononcé des plus de 75 ans, ont fait figure d’obstacles supplémentaires à une situation déjà complexe.

Beaucoup de francophones doivent se résoudre à choisir un foyer anglophone, avec le stress que peuvent générer les communications et consignes émises en anglais dans une période de crise comme celle traversée.

Selon les chiffres du Commissariat aux services en français de l’Ontario, en 2019, on comptait un lit de soins de longue durée pour 3 400 francophones, contre un lit de soins de longue durée pour 170 Ontariens en moyenne. Malgré l’annonce d’une augmentation des lits dans les centres pour aînés, le gouvernement est resté évasif sur cette lentille linguistique.

2021 devrait aussi mettre en lumière les lourdes conséquences de plusieurs mois d’isolement, d’angoisse, et de précarité économique pour des millions de Canadiens. Aux « blessés de guerre » succédera peut-être la formule de « blessés de la COVID ». Les ressources en français seront-elles alors suffisantes en Ontario? Mystère.

La LSF, l’UOF et de possibles élections

Malgré le traumatisme de la pandémie, il y a fort à parier que l’accès aux soins de santé, un thème peu « glamour » pour beaucoup d’élus politiques, ne sera pas encore discuté à sa juste valeur en 2021.  

Le retour progressif à la « normale » devrait donner plus de latitude à l’enjeu d’une refonte de la Loi sur les services en français (LSF), laquelle permetterait peut-être le retour de l’indépendance pour ladite commissaire, gardienne des droits linguistiques.

Durant l’été, les regards seront tournés vers l’Université de l’Ontario français (UOF) sur le point d’ouvrir enfin ses portes, tandis que de possibles élections fédérales mettraient en veilleuse pour quelques mois les enjeux franco-ontariens. 

Sous-estimer les enjeux de santé publique, c’est risquer de provoquer à long terme de nouvelles catastrophes avec des ratés semblables pour les francophones. 2020 ne doit jamais se répéter.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 2 janvier.