Andrea Horwath ou « le réveil de la force »

Andrea Horwath, chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l'Ontario. Crédit image : Archives ONFR+, Maxime Delaquis

[ANALYSE]

TORONTO — L’image avait fait sourire. Sur une affiche de campagne électorale, début mai, Andrea Horwath, grimée en chevalier Jedi, promettait la rébellion contre le « mauvais et le pire ». Le slogan « un nouvel espoir » vantait la chef du Nouveau Parti démocratique (NPD) comme une alternative à Kathleen Wynne et Doug Ford.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Deux semaines et demie plus tard, il faut admettre qu’Andrea Horwath a repris du terrain à ses deux principaux adversaires. La voilà maintenant en deuxième position dans les sondages, à environ cinq points du chef progressiste-conservateur, Doug Ford. Les partisans néo-démocrates rêvent à un retour de leur parti au pouvoir, 23 ans après la fin du mandat de Bob Rae. Un coup qui rappellerait les élections fédérales de 2015, où Justin Trudeau, longtemps troisième dans les enquêtes d’opinion, avait fini par l’emporter.

Mais comment interpréter l’embellie de Mme Horwath dans les sondages? La première explication est mathématique. Beaucoup d’électeurs ne veulent plus de Kathleen Wynne, mais sont mal à l’aise à voter pour Doug Ford. Prêts à tout pour barrer la route à la chef libérale, les électeurs estiment qu’un vote stratégique passe par le NPD.

Toujours favori des élections le 7 juin, l’aîné de la « Ford Nation » a tout de même perdu quelques plumes, ces derniers jours. La faute à quelques controverses (propos extrêmes de ses candidats, violation présumée des règles électorales), mais aussi à son incapacité à clarifier son programme fiscal. Doug Ford fait aussi partie de ces politiciens qui sont aussi aimés que détestés.

Second argument en faveur de la chef néo-démocrate : sa personnalité. Si les débats à l’Assemblée législative de l’Ontario sont bien souvent une lutte de programmes et de querelles d’argent, une campagne électorale reste une affaire de style. Or, les coups de sonde ont toujours montré une inclination naturelle des Ontariens pour la personne d’Andrea Horwath.

 

Horwath en mode accessible et positif 

Depuis le début de la campagne, le 9 mai, la chef néo-démocrate soigne son image via les médias sociaux, plus souriante et accessible qu’à l’accoutumée. Pendant ce temps, Mme Wynne ne cesse de sortir les couteaux pour dénoncer telle ou telle déclaration des candidats progressistes-conservateurs.

Reste à savoir dans quelle mesure Andrea Horwath pourra inquiéter Doug Ford dans la course au pouvoir? La division des voix avec les libéraux permettrait toujours aux progressistes-conservateurs de se faufiler dans bon nombre de circonscriptions. L’exemple vaut à Kingston, où les trois partis seraient au coude-à-coude dans les sondages, avec environ 30 % de voix chacun.

 

Des limites à une progression du NPD

La chef néo-démocrate souffre aussi de la division de ses bases. Très fort dans le Nord, où il pourrait d’ailleurs reprendre Sudbury, et bien implanté dans le Centre-Sud-Ouest, le NPD n’intéresse guère de monde à Ottawa. À la différence des deux autres partis, il n’y a pas d’effet d’entraînement et de vases communicants pour le NPD dans certaines régions de l’Ontario.

Chose certaine : même si la victoire s’avère difficile, le parti d’Andrea Horwath peut à ce jour légitimement espérer devenir la première force d’opposition. Ce serait une première depuis les élections en 1987. Dans l’hypothèse que les progressistes-conservateurs arrivent au pouvoir avec un gouvernement minoritaire, le NPD se tiendrait aux aguets.

À défaut d’avoir mené à bout sa rébellion contre « le mauvais et le pire », Mme Horwath aurait alors tout de même réussi sa mission.

 

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 22 mai.