« Annonce politique », « manque de logique », « lacunes » : le plan Lecce ne convainc pas

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Des représentants de parents d’élèves, d’enseignants et de conseils scolaires estiment que le plan de réouverture des écoles, dévoilé aujourd’hui par le gouvernement ontarien, ne répond pas à des questions cruciales. Ils réclament des éclaircissements d’urgence sur la mise en œuvre dans les écoles franco-ontariennes. L’opposition dénonce, quant à elle, un plan calqué sur la réalité anglophone.

« C’est une annonce politique », lance Rémi Sabourin.

Le président de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) se montre perplexe sur la mise en œuvre du dispositif de rentrée scolaire, dévoilé par le ministre de l’Éducation, Stephen Lecce.

« La règle de deux mètres s’impose partout dans la société, mais pas en salle de classe où on parle d’un mètre? » questionne-t-il. « On parle d’une réouverture normale à l’élémentaire. Ça veut dire qu’une portative de 30 élèves en 8e année, c’est ce qu’on va voir? Dans les conseils scolaires désignés, les élèves du secondaire vont faire quoi, un jour sur deux? Suivre des cours à distance? Mais qui va s’occuper de ça? Les enseignants ont déjà une tâche à temps plein à assumer, avec en plus des règles de sécurité qui s’ajoutent… »

Financement et embauche au cœur des préoccupations

Du côté des conseils scolaires, l’investissement additionnel de 309 millions de dollars pour soutenir des mesures de sécurité et de santé publique est accueilli avec soulagement.

« Toutes ces mesures additionnelles n’étaient pas couvertes par les budgets des conseils scolaires », déclare Johanne Lacombe, présidente de l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC). « Les soutiens supplémentaires en santé mentale et les investissements pour augmenter le personnel de soutien aideront les écoles à gérer les défis et assurer des environnements bienveillants aux élèves », croit-elle.

Pas suffisant, prévient M. Sabourin : « On va avoir besoin d’une injection d’argent importante dans le système. Les sommes semblent énormes, mais quand on les divise par le nombre de conseils scolaires, elles sont minimes. Et même si on arrive à débloquer d’autres fonds, où est-ce qu’on ira chercher les enseignants avec la pénurie d’enseignants actuelle, en Ontario français? On va embaucher 500 infirmières dans les écoles, mais il n’y en a pas dans les écoles de langue française aujourd’hui. Où est-ce qu’on va les trouver? »

Le président de l’AEFO, Rémi Sabourin. Archives ONFR+

Le président de l’Association des conseils scolaires des écoles publiques de l’Ontario (ACÉPO), Denis Chartrand, se pose la même question.

« Est-ce que le financement va être assez grand pour pallier aux normes sanitaires? Et si on nous dit qu’on doit avoir plus d’enseignants, il faudra les trouver… On connaît une pénurie. »

Désignation à géométrie variable?

Alors que les conseils scolaires anglophones de Toronto et Windsor font partie de la liste des conseils désignés, devant réduire la taille de leurs classes à 15 élèves au secondaire, les conseils scolaires francophones de ces mêmes villes ne le sont pas.

Inversement, à Kingston, les deux conseils scolaires francophones sont désignés, et non les conseils anglophones.

« Il y a un manque de logique. Ça devrait être par région géographique et non par conseil scolaire », poursuit M. Chartrand

Il relève une situation encore plus cocasse à Hawkesbury, dans l’Est de la province.

« Le conseil scolaire public est désigné, mais pas le conseil catholique. Expliquez-moi la logique? On va demander des clarifications au ministère pour s’assurer que les désignations soient régionales. »

Badrieh Kojok, la présidente de Parents partenaires en éducation (PPE), une association de défense des parents d’élèves franco-ontariens, est particulièrement préoccupée pour Windsor et Toronto, des zones à plus haut risque que le reste de la province.

« Les conseils scolaires Providence et Viamonde seront ouverts, alors que Windsor est une région supposément à risque », sourcille-t-elle, favorable à des règles plus simples. « On aurait aimé avoir une règle pour tout le monde et que tous les élèves dans la province aient la même règle. »

« Beaucoup de lacunes », fustige l’opposition libérale

« Il y a beaucoup de lacunes au niveau de la réalité des conseils francophones », tranche Lucille Collard.

La députée libérale d’Ottawa-Vanier, ancienne présidente du Conseil scolaire des écoles publiques de l’Est de l’Ontario (CEPEO), regrette un plan trop calqué sur le profil des conseils anglophones et un manque de ressources financières.

« Ça représente seulement 10 % de ce que notre caucus proposait comme financement pour répondre à toutes les questions de distanciation et de sécurité. J’aurais aimé qu’on consulte beaucoup plus les conseils scolaires. Leur échéancier pour remettre un plan était le 4 août, soit la semaine prochaine. Cette annonce, aujourd’hui, c’est comme si on n’écoutait pas leurs recommandations. »

Un autre point l’inquiète concernant les écoles francophones : les élèves de 7e et 8e année, dont le retour en classe est sans restrictions d’effectif et qui fréquentent les écoles secondaires, vont cohabiter avec des élèves du secondaire, dont les classes sont limitées à 15 personnes.

« Ils vont côtoyer deux cohortes différentes. Il y a une incohérence là aussi. »