Après la bière, le vin dans les supermarchés

La première ministre Kathleen Wynne et son grand argentier Charles Sousa ont annoncé l'arrivée prochaine du vin dans des supermarchés de l'Ontario. François Pierre Dufault

TORONTO – Après la bière, le gouvernement de l’Ontario promet maintenant d’ouvrir un certain nombre de supermarchés de la province aux vins domestiques et importés. Mais le changement, très attendu, pourrait être accompagné d’une hausse du prix des produits alcoolisés.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Les libéraux de Kathleen Wynne veulent permettre d’ici l’automne à 70 supermarchés à travers la province – dont 18 petits épiciers indépendants – de vendre des bouteilles de vin de 750 millilitres se détaillant à plus de 10,75$. La moitié de ces commerces pourront vendre à la fois des vins ontariens et étrangers; les autres devront s’en tenir aux produits domestiques.

« Les gens de l’Ontario seront en mesure d’acheter leur vin avec leur fromage. Au même endroit. Au même moment. Et payer à la même caisse », a déclaré Mme Wynne lors d’un point de presse dans un supermarché haut de gamme à Toronto, jeudi 18 février.

Quelque 300 supermarchés de l’Ontario pourraient éventuellement vendre du vin. Avec l’arrivée des premiers empaquetages de bière dans des supermarchés, à la mi-décembre, il s’agit du plus important changement au marché jusqu’ici très contrôlé des boissons alcoolisées depuis la fin de la prohibition en 1927.

« Ce fut difficile, mais nous avons finalement trouvé un équilibre », a ajouté Mme Wynne.

L’ex-banquier Ed Clark, qui est à l’origine de la libéralisation du marché de la bière, et qui aussi suggéré la privatisation controversée du fournisseur d’électricité Hydro One, est d’avis que l’arrivée du vin sur les tablettes des supermarchés ontariens sera bénéfique pour les consommateurs. Le choix sera plus grand, selon lui.

Les vignobles de l’Ontario seraient aussi gagnants, leurs produits devenant plus que jamais accessibles.

Prochain budget

Le clan libéral à Queen’s Park n’écarte toutefois pas l’idée de taxer davantage les boissons alcoolisées, ou de relever le prix minimum du vin. Il pourrait proposer des changements à cet effet dans son prochain budget, qui sera déposé hâtivement le jeudi 25 février.

« La production (de vin) va augmenter et ça va aider notre économie », a esquivé le grand argentier Charles Sousa.

Les quelque 150 marchands de vins locaux qui sont déjà établis dans le portique de certains supermarchés de l’Ontario pourront continuer leurs opérations à court terme. Ils seront par contre appelés à bouger leurs produits à l’intérieur des supermarchés qui les hébergent d’ici quelques années, a fait savoir M. Clark.

Comme pour la bière, le prix des vins sera le même peu importe le point de vente. Le prix minimum de 10,75$ en épicerie a été fixé essentiellement pour des raisons de responsabilité sociale, selon MM. Clark et Sousa.

Les producteurs de cidre et spiritueux artisanaux de l’Ontario pourraient à leur tour distribuer leurs produits dans des marchés agricoles. Les grandes distilleries continueraient à distribuer leurs whiskys et leurs vodkas exclusivement à la Régie des alcools de l’Ontario, la LCBO.

La LCBO fera face à la plus grande compétition depuis sa création et devra redoubler d’efforts, un peu comme l’a fait le Beer Store privé après l’arrivée de la bière dans les supermarchés, a fait valoir Ed Clark. L’agence gouvernementale entend miser sur le commerce électronique de vins et spiritueux, entre autres, pour demeurer compétitive.

L’opposition à Queen’s Park a réservé un accueil mitigé à l’annonce de l’arrivée prochaine du vin dans les supermarchés.

« C’est un petit pas dans la bonne direction. Mais le moment de l’annonce est particulier », a fait remarquer le chef progressiste-conservateur Patrick Brown. « Chaque fois qu’il y a une mauvaise nouvelle dans l’air, le gouvernement essaie de nous servir une bonne nouvelle pour nous faire oublier la mauvaise. On l’a vu l’an dernier avec la bière dans les supermarchés et la vente d’Hydro One. »

Pour les néo-démocrates, l’annonce du vin sur les tablettes des supermarchés est du « déjà-vu » et n’aide pas la création d’emploi ni l’accès aux soins de santé. « C’est une autre distraction par les libéraux de leurs compressions en santé, leur mauvais bilan de création d’emploi ou la vente d’Hydro One », a fustigé la chef de la deuxième opposition Andrea Horwath.