Après le choc, l’importance de prendre du recul

Des recueillements ont eu lieu un peu partout au Canada à la suite des attentats du 13 novembre de Paris. Sébastien Pierroz
Des recueillements ont eu lieu un peu partout au Canada à la suite des attentats du 13 novembre de Paris. Sébastien Pierroz

[CHRONIQUE]

Le monde entier est sous le choc après les attaques barbares qui se sont déroulées dans les 10e et 11e arrondissements de Paris, des secteurs de la Ville Lumière où il fait bon sortir avec ses amis dans les nombreux bars. Ces deuxièmes attentats terroristes de l’année 2015 au cœur de la capitale française ont provoqué des vagues d’émotion partout au pays, mais aussi des réactions bien plus condamnables comme à Peterborough. Pourtant, la haine ne fait que produire d’autre haine. L’exercice est certes difficile, mais il est essentiel de prendre le recul nécessaire pour confronter ces gestes inhumains avec la froide raison. 

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

Il faut d’abord et avant tout comprendre que les centaines de milliers de réfugiés syriens fuient les mêmes barbaries que celles qui se sont déroulés en France, vendredi 13 novembre. La grande différence est que le terrorisme de Daech (groupe armé État islamique) est une affaire quotidienne pour le peuple syrien. Les réfugiés ne sont pas un cheval de Troie, un cadeau empoisonné, un complot pour déstabiliser les démocraties occidentales.

Doit-on alors renforcer le dispositif judiciaire pour le rendre plus répressif, alors? Les derniers Patriot Act, Lois antiterroristes et autres outils législatifs utilisés pour réprimer et empêcher de nouveaux actes de violence sont les exemples d’une stratégie qui a échoué de manière lamentable. La répression ne fait que jouer dans le jeu de Daech qui cherche à imposer un califat à l’échelle planétaire. La loi ne réussira jamais à tuer dans l’œuf les conversions vers l’intégrisme, le radicalisme religieux. Il faut sérieusement réviser notre stratégie qui a démontré, depuis maintenant près de 15 ans, que le bâton ne fonctionne pas.

Il faut donc comprendre pourquoi des jeunes hommes – surtout – se convertissent au radicalisme à l’intérieur de nos frontières. La question est sociologique et politique.

Le fait que plusieurs jeunes musulmans sentent le besoin de s’engager dans de telles causes témoigne de l’incapacité des pays de bien les intégrer dans la société. Le mal de soi et le mal identitaire, qui découlent de ce rejet relatif, les poussent vers des pratiques barbares. Daech est une cause qui dépasse le simple matérialisme néolibéral des sociétés occidentales. Une société dans laquelle la création d’argent et l’exploitation de la main-d’œuvre dans l’unique but de créer des profits pour des actionnaires poussent notamment vers diverses formes de marginalisation, tant raciale, religieuse et de classe sociale. Ces facettes n’ont jamais été explorées lors de la création de lois répressives dites « antiterroristes ».

Dans le cas de Paris, on semble oublier qu’il y a eu d’énormes émeutes en 2005 dans les banlieues, là où de nombreux immigrants et enfants d’immigrants vivent. Ces émeutes n’étaient pas provoquées par l’extrémisme islamique; elles étaient le résultat de décennies de marginalisation d’une population qui est incapable de participer pleinement à la vie parisienne et française.

Daech ne cherche rien de moins que de provoquer davantage de politiques répressives contre les terroristes pour favoriser leur propagande. Aliénés en raison de leurs origines, de leur religion ou de leur classe sociale, de nombreux jeunes trouvent un sens à leur vie à travers les promesses de Daech. Ils imaginent ainsi que les gestes qu’ils posent supportent une cause plus grande qu’eux.

La question reste donc posée : quelle est la stratégie la plus efficace, le bâton ou la carotte?

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans les chroniques publiées sur #ONfr n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.