Arwinder Kaur : Pendjabie, Sikhe, francophone, militante… « tout ça à la fois »

Arwinder Kaur Viamonde ACFO Régionale Hamilton
Agente de liaison communautaire au Conseil scolaire Viamonde, Arwinder Kaur est aussi présidente de l'ACFO Régionale Hamilton. Archives ONFR+

[LA RENCONTRE D’ONFR+] 

HAMILTON – Présidente de l’Association des communautés francophones de l’Ontario (ACFO) Régionale Hamilton depuis novembre dernier, Arwinder Kaur s’est lancé comme défi de représenter les francophones d’un vaste territoire, qui va bien au-delà des frontières de la ville de l’acier. Rien que dans la région d’Hamilton, 45 000 personnes déclarent être bilingues et 13 000 sont de langue maternelle française. Défis, identité et parcours au micro d’ONFR+.

« Tout d’abord, comment se porte la communauté francophone à l’ouest de Toronto?

J’habite à Brampton dans la région de Peel et je travaille dans quatre régions depuis maintenant presque huit ans. Je peux vous dire que la communauté se porte bien, même s’il y a encore beaucoup de travail et de revendications à faire, surtout au niveau des services en français. Cela dit, il y a eu du chemin qui a été parcouru et beaucoup de choses y ont été accomplies comme la signalisation en français qu’on voit plus souvent maintenant.

Quel chemin avez-vous emprunté avant d’arriver dans la région de Peel?

Je suis née en 1988 en Inde, au Pendjab. Je suis donc Pendjabie par ma culture et Sikhe par ma religion. À l’âge de 5 ans, je suis arrivée en Belgique avec ma famille en tant que réfugiée parce que, dans années les 80 et 90, le climat était très incertain dans le nord de l’Inde, et c’est dans la région de Liège que j’ai fait toute ma scolarité en français, y compris mes études supérieures.

Ensuite, en 2012, j’ai déménagé à Brampton en Ontario, une province anglophone. C’est vraiment là, en attendant mon permis de travail, que j’ai réalisé que le français me manquait parce que je n’avais que l’anglais et le pendjabi autour de moi, alors qu’avant d’arriver au Canada, on m’avait vendu ce pays comme étant bilingue, ce qui est loin d’être le cas.

Arwinder Kaur participant en 2018 aux manifestations contre les coupures de Doug Ford visant les Franco-Ontariens. Gracieuseté

Forte de ce constat, comment avez-vous rebondi?

Pendant cette période, j’ai fait beaucoup de bénévolat en français, notamment au sein de l’Entité 3. Suite à quoi, j’ai trouvé mon premier vrai poste comme agent de liaison communautaire pour Oasis Centre des femmes parce que la cause féministe me tient beaucoup à cœur. À partir de là, j’ai pas mal réseauté, ce qui m’a amenée, en 2014, à devenir agent de liaison communautaire au Conseil scolaire Viamonde, un emploi que j’exerce toujours aujourd’hui. La suite, vous la connaissez.

Ce parcours atypique d’immigrante a-t-il influencé votre engagement envers la question de l’immigration?

Oui, on peut le dire dans la mesure où la question de l’immigration et ses défis m’a toujours beaucoup intéressée, que ce soit en Belgique ou ici, en Ontario. Je suis aussi quelqu’un qui adore la philosophie, la sociologie, l’anthropologie ainsi que les changements dans les sociétés sur le plan culturel et humain, on peut dire même que cela me fascine. L’immigration englobe toutes ces questions.

Arwinder Kaur participant en 2022 à la scène torontoise Franc’Open Mic. Gracieuseté

Quels sont les chantiers prioritaires sur votre agenda de l’ACFO Régionale Hamilton?

Les trois priorités sont d’abord le rapprochement stratégique et non symbolique avec la nouvelle mairesse d’Hamilton, Andrea Horwath parce que, durant sa compagne électorale, elle a promis qu’elle allait se pencher sur les enjeux francophones dans la ville. Ce ne sont pas que des paroles parce qu’elle nous a transmis cela par écrit. D’ailleurs, pendant les élections, elle a été l’une des seules candidates qui a daigné répondre au questionnaire envoyé à tous les candidats par notre organisme.

La deuxième priorité concerne les deux fameuses écoles secondaires francophones qui n’ont toujours pas vu le jour, c’est un dossier qui traîne sur la table depuis des années et le souhait de la communauté ici est de le voir se concrétiser. Enfin, nous visons à continuer à chapeauter la table de concertation francophone d’Hamilton (qui fédère les organisations locales de langue française).  

Quelles sont vos attentes envers la nouvelle mairesse par rapport au développement de la francophonie?

Ce que j’attends, ce sont les actes et non que des mots ou des paroles en l’air. Par exemple, quand elle dit qu’elle va se pencher sur le dossier et qu’il va y avoir une étroite collaboration, je m’attends à ce qu’il y ait vraiment une collaboration active. 

Vous avez parlé, à juste titre, de ces deux fameuses écoles dont l’inauguration a été annoncée pour 2018. Pourquoi un tel retard? Peut-on espérer un déblocage prochainement?

Là-dessus, je suis incapable de vous donner une réponse parce qu’il y a énormément de couches et d’acteurs impliqués dans ce dossier. Mais, je pense qu’on aura une réponse plus concrète dans les mois à venir au vu, justement, de ce rapprochement avec la nouvelle mairesse. 

Arwinder Kaur participant en 2019 à une réunion de la Table francophone de Peel-Dufferin-Halton. Gracieuseté

Avec le changement de maire, le drapeau franco-ontarien flotte désormais de façon permanente devant l’hôtel de ville d’Hamilton. Ce combat porté par l’ACFO Régionale Hamilton n’a pas été un fleuve tranquille…

Il est vrai qu’avec l’ancien maire, il y a eu des soucis avec le permis qui a été octroyé quelques mois à l’avance puis retiré par la Ville. Il y a eu aussi des dossiers perdus et des personnes qui blâment d’autres pour cela… Bref, on va dire qu’il y a eu beaucoup de petites histoires autour de ce dossier. Est-ce qu’on nous a donné une réponse par rapport à tout cela? La réponse est non! Mais l’histoire est réglée maintenant.

Le président sortant de l’ACFO Hamilton, Jérôme Pommier a fait un bon suivi dans ce dossier et ils ont fini par remettre le drapeau et présenter des excuses. Ceci dit, cela relève de l’ordre du symbolisme et l’ACFO veut plus que du symbolisme, sans minimiser le fait que c’est une grande étape d’accomplie parce que, finalement, il n’y a pas tant de villes que cela dans le Sud-Ouest où le drapeau franco-ontarien flotte à plein temps!

Arwinder Kaur (au centre) lors de la semaine de l’immigration francophone en 2022. Gracieuseté

Outre le français, vous parlez couramment quatre autres langues : l’anglais, le pendjabi, le hindi, l’espagnol, en plus du néerlandais que vous comprenez. D’où est-ce que vous tenez ce polyglottisme?

Cela a commencé en Inde, parce que, vu le nombre de langues qui y sont parlées et les grandes dimensions du territoire indien, on est obligé de parler entre nous en anglais, alors qu’à la maison c’est le pendjabi. Donc, on grandit là-bas, de facto, dans un milieu polyglotte. Quant au français, et à moindre mesure le néerlandais, c’est en Belgique que j’ai appris ces langues. De même que l’espagnol que j’ai étudié à l’université là-bas. Mais de manière générale, j’ai un penchant pour les langues.   

Sur votre profil Tweeter on peut lire : mère, épouse, Sikhe, Pendjabie, Belge, francophone, Canadienne, féministe, activiste, humaniste, linguiste, sociologue, tricoteuse, peintre, optimiste et pessimiste. Vous êtes qui et/ou quoi, au juste?

Tout ça à la fois, parce que l’identité n’est pas figée. »


LES DATES-CLÉS D’ARWINDER KAUR :

1988 : Naissance au Pendjab en Inde.

1993 : Immigration en Belgique.

2012 : Déménagement à Brampton en Ontario.

2018 : Participation aux manifestations francophones suite aux coupes de Doug Ford

2019 : Élue co-présidente de la table de francophone Peel-Dufferin-Halton.

2022 : Élue présidente de l’ACFO Régionale Hamilton.

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.