Cinéfranco : « Au-delà de se lamenter, parler de la femme avec des pointes d’humour »

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[ENTREVUE EXPRESS]

QUI?

Marcelle Lean est la directrice générale et artistique du festival international du film francophone Cinéafranco dont la 25e édition débute ce vendredi.

LE CONTEXTE

Une vingtaine de longs métrages et un programme de courts métrages sont à l’affiche jusqu’au 15 novembre. La femme est au cœur de la programmation cette année.

L’ENJEU

C’est un test grandeur nature pour les organisateurs qui tentent de faire revenir le public dans les salles obscures après plus de deux ans de pandémie.

« Quelle est la particularité de cette 25e édition?

Nous avons beaucoup misé sur le retour au cinéma, encouragés par Téléfilm Canada et les distributeurs. C’est risqué mais on va voir ce que cela va donner. Ça nous coûte les yeux de la tête. Je suis en train de puiser sur un fonds d’urgence et ça me fait très peur.

Pour quelle raison avoir gardé une formule hybride?

Parce que des spectateurs nous disent qu’ils ne sont pas prêts à retourner en salle. De nombreux films seront donc accessibles en ligne.

Le retour des projections en salle signifie-t-il aussi celui des réalisateurs qui viennent débattre avec le public?

On essaye! On aura quelques invités comme Geneviève Albert, Martin Villeneuve, Catherine Léger et tous les cinéastes des courts-métrages franco-canadiens, y compris le réalisateur Paul Davis du Yukon.

Pourquoi dans trois cinémas différents?

D’habitude, nous avons qu’un cinéma, mais cette année Hot Docs n’était pas en mesure de nous accueillir pour toute la programmation. Je suis donc allée vers Cineplex qui a abrité pendant des années notre volet jeunesse du festival et qui nous permet d’utiliser quelques plages horaires. Pour le reste, on est reparti au Royal, un cinéma qui a projeté beaucoup de nos films au cours des premières éditions de Cinéfranco.

Sélection de films à l’affiche. Montage ONFR+

Pourquoi mettre l’emphase sur le thème de la féminité?

C’est dans l’air du temps avec le mouvement Me too, la révolte des femmes en Iran et les droits de la femme. Il y a donc une grande place accordée aux films féminins, pas seulement aux réalisatrices mais aussi aux réalisateurs qui font écho aux enjeux féminins. Cela représente une dizaine de films, incluant l’affiche de clôture, Imelda, une œuvre fascinante, drôle et sage de Martin Villeneuve qui incarne sa grand-mère.

À quelles autres œuvres pensez-vous?

Je pense à Noémie dit Oui de Geneviève Albert qui parle d’une adolescente qui tombe dans la prostitution, film fait avec « élégance » par rapport a un sujet qui fait mal. Dans le même vecteur de pensée, Une femme du monde met la lumière sur une travailleuse du sexe, ou encore La vraie famille, un très joli film de Fabien Gorgeart sur l’adoption et la séparation d’une mère adoptive avec un petit garçon. On a essayé de trouver différentes facettes de traitement de la femme afin, au-delà de se lamenter, d’y réfléchir avec des pointes d’humour.

En dehors du thème féminin, quelles pépites cinématographiques sont incontournables cette année, à vos yeux?

Il y a dans Tropique de la violence une description sociale saisissante du racisme et de l’adaptation d’un jeune adopté par une docteure blanche rejetée dans les bas-fonds de la société, à sa mort, à Mayotte. Je pense aussi à Confessions de et avec Luc Picard sur le parcours de cet homme faible et écrasé par sa mère et comment il a passé sa vie à tuer des gens. Il y a en outre une œuvre que je trouve extraordinaire : Kompromat de Jérôme Salle avec Gilles Lelouche, qui raconte la lutte d’un directeur de l’Alliance française pour s’innocenter d’accusations de distribution de films pornographiques.

Dédiez-vous cette édition à Bernard Lecerf, décédé l’été dernier et bénévole de premier plan à Cinéfranco?

Absolument. La première page du livret de présentation du festival est en sa mémoire. J’ai aussi écrit un poème dans lequel je crie ma peine et le remercie pour tout ce qu’il a fait. C’était un grand spécialiste de la langue française et un administrateur attentif, autant dans l’actualisation du site web que dans la vente des billets. Il assurait la recherche des films, la programmation mais aussi le service à la clientèle. Sa grande contribution se retrouvait ces dernières années dans les dossiers pédagogiques et descriptifs très utiles aux enseignants. L’âme de Cinéfranco a été cruellement attristée par la perte de Bernard Lecerf. »