Autisme : la nouvelle stratégie du gouvernement Ford dénoncée

Les défis sont nombreux pour les Franco-Ontariens qui vivent avec l'autisme. Crédit image: Thinkstock

TORONTO – Chaque nouvelle année amène sa nouvelle stratégie dans l’offre de soins pour l’autisme en Ontario. Cette fois, c’est au tour du gouvernement de Doug Ford de partager ses solutions. Si elles placent le parent au cœur des choix à poser, les fonds disponibles seront moins élevés, s’inquiètent certains parents francophones.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

Quelque 75 % des enfants atteints d’autisme attendent de recevoir des services adaptés en Ontario. « À l’heure actuelle, près de trois enfants sur quatre qui ont besoin de soutien en matière d’autisme continuent de languir sur des listes d’attente en raison du cynisme et de l’incompétence du précédent gouvernement », affirme Lisa MacLeod, ministre des Services à l’enfance et des Services sociaux et communautaires.

Le gouvernement Ford dit avoir trouvé une solution pour résoudre la crise : il donnera l’argent directement aux parents pour qu’ils puissent décider des soins nécessaires et se tourner éventuellement vers le privé.

De la pure fiction, selon des parents d’enfants autistes, qui affirment que les solutions avancées ne vont rien régler. « Le gouvernement propose, par exemple, d’offrir 55 000 $ aux enfants entre leur 7e et leur 18e anniversaire. Ça a l’air beaucoup, mais c’est une moyenne de 5 000 $ par an! C’est rien, ce n’est clairement pas suffisant! », affirme Muriel Monnet-Castano de la région du Niagara, dont les garçons de cinq et sept ans souffrent d’autisme.

Dans le cas des enfants qui profiteront de services avant l’âge de sept ans, ils pourront bénéficier de 140 000 $ jusqu’à leur 18 ans. « Mon garçon de 5 ans reçoit 17 heures de thérapie par semaine. Ça a un coût de 45 000 $ par année », réplique-t-elle, dénonçant l’insuffisance des fonds annoncés. « L’argument du gouvernement est que 75 % des enfants ne reçoivent pas de thérapie adaptée. Mais là, ce sera 100 % qui auront une thérapie qui ne sera pas adaptée », croit Mme Monnet-Castano.

Questionnements sur la stratégie

Nathalie Lévesque du Regroupement Autisme Prescott-Russell est aussi très inquiète. « S’il y a un montant alloué maximum par année, il y a un gros problème. Il faudrait que la somme de 140 000 $ puisse être utilisée de manière intensive sur trois ou quatre ans, là ça pourrait être bénéfique. J’ai des gros questionnements sur la stratégie », dit-elle.

Elle se demande aussi comment le gouvernement peut promettre autant de services alors que la situation est désastreuse à l’heure actuelle. « Je ne connais pas 50 organismes privés qui peuvent venir à la rescousse. Quelle est leur capacité? Et pourront-ils vraiment débarquer dans les écoles pour se substituer au public? Aussi, je pense aux parents moins organisés, comment vont-ils naviguer le système dorénavant? », se questionne-t-elle.

La Coalition ontarienne de l’autisme partage ces craintes, notamment en raison du retour de barèmes en fonction de l’âge des enfants.

Les conséquences des décisions actuelles se feront sentir très longtemps, croit Muriel Monnet-Castano. « Les conséquences, ça va être des enfants qui ne réussissent pas à l’école et qui peinent à s’intégrer. À 18 ans, ils ne seront pas autonomes. Ils seront encore à charge. La proposition actuelle est un pansement sur une plaie par balle. À long terme, ce n’est pas viable », tranche-t-elle.

Au cours des dernières années, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a aussi modifié son plan de match à plusieurs reprises pour faire face à une augmentation des besoins. Des annonces ont été faites en 2016, puis à nouveau en 2017. À l’époque, les propositions étaient saluées, car considérées comme plus flexibles.

Nathalie Lévesque est dorénavant cynique quant aux efforts des différents gouvernements. « En 2016, on avait reçu une belle lettre nous promettant de l’aide. Et depuis? À peu près aucun service. Mon enfant va arriver à ses 18 ans et rien n’aura été fait pour lui », s’attriste-t-elle. « Mon fils est non-verbal. Je vais l’avoir à la maison toute la vie, il ne pourra jamais être autonome », confie-t-elle.

Notons que les services en français ont toujours été peu nombreux, ce qui fait rager des parents franco-ontariens qui font face à encore davantage d’obstacles que leurs pairs anglophones.

« Les nouveaux budgets permettront à plus de familles, incluant des francophones, d’accéder à une plus grande gamme de services. Deux des cinq centres de diagnostiques sont des agences désignées en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario et ont l’obligation d’offrir des services dans les deux langues officielles. Dans l’éventualité d’un manque de cliniciens francophones, les agences peuvent engager des interprètes pour soutenir les familles pendant le processus d’évaluation », réplique le ministère au sujet de l’offre en français.

En bref, selon les informations diffusées par le gouvernement :

  • Les familles pourront choisir de se procurer les services admissibles qui leur sont le plus utiles, y compris les services comportementaux, auprès des fournisseurs de leur choix, selon le principe du paiement à l’acte
  • Les familles pourront bénéficier d’un budget pour les services aux enfants jusqu’à leurs 18 ans. À titre d’exemple, un enfant accédant au programme à deux ans aura droit à un budget maximal de 140 000 $, tandis qu’un enfant y accédant à sept ans touchera la somme maximale de 55 000 $
  • Le gouvernement annonce qu’il double le financement octroyé à l’expansion des cinq centres de diagnostic de la province