Avec la COVID-19, le retour en force de la consommation locale

Suzanne Lavoie, éleveuse à Plantagenet, dans l'Est ontarien. Gracieuseté

La pandémie de COVID-19 et le repli du commerce international poussent les Ontariens à repenser leur mode de consommation. Près d’une centaine d’entreprises se sont inscrites en quelques jours sur une liste de partage lancée par le Conseil de la coopération de l’Ontario (CCO). Objectif : répondre à cette nouvelle demande en mettant en valeur les produits locaux via, à terme, une plateforme en ligne.

« Avant la pandémie, la livraison représentait 5 % de notre activité. Maintenant, c’est 95 %. »

Suzanne Lavoie a pris un virage à 180 degrés pour sauver son entreprise.

Comme bon nombre d’éleveurs et d’agriculteurs, cette fermière de l’Est ontarien a vu son revenu fondre du jour au lendemain. « On a perdu 125 clients en 24 heures lorsque les restaurants ont fermé », se souvient-elle. 80 % de son chiffre d’affaires s’est évaporé.

La livraison à domicile pour limiter la casse

Elle s’est donc tournée vers la vente aux particuliers et la livraison à domicile dans la région d’Ottawa et s’est inscrite sur une liste d’entreprises qui ont en commun de produire localement.

Se démarquer, être facilement et rapidement identifié des clients, tel est l’objectif de cette liste provinciale qui compte une centaine d’enseignes dans la restauration, le prêt-à-porter, les services ou encore l’agriculture comme Mme Lavoie et son exploitation, la Ferme Mariposa.

« On essaie de trouver des façons de sortir de nos habitudes » – Suzanne Lavoie, éleveuse

L’éleveuse a la certitude que promouvoir ses produits du terroir est une solution de court terme qui peut s’avérer aussi gagnante à long terme. « On est peut-être encore dans cette crise pour 18-24 mois, donc on essaie de trouver des façons de se débrouiller, de sortir de nos habitudes. »

Mais c’est aussi selon elle, une consommation durable à laquelle on doit commencer à réfléchir dans un monde où tout nous tombe sous la main, sans que l’on se pose la question de l’origine ni de la qualité.

« Les citadins sont impatients. Il faut leur expliquer qu’une côtelette d’agneau, ça ne pousse pas comme ça. Il faut élever l’animal, passer par l’abattoir, etc. »

Une cartographie des commerces ontariens

À l’origine du projet, le CCO ambitionne de regrouper un maximum d’entreprises – qu’elles soient anglophones ou francophones – et de les classer par région et secteur d’activité afin de dresser une cartographie provinciale consultable à tout moment par les consommateurs sur une plateforme en ligne bilingue.

Julien Geremie, directeur générale du Conseil de la coopération de l’Ontario. Source : Twitter

« C’est quelque chose que l’on cherchait à faire depuis un petit moment. Le climat est opportun pour lancer cette initiative », juge Julien Geremie, le directeur générale du CCO.

« On cible les entreprises dont les propriétaires sont en Ontario et qui sont exploitées entièrement dans la province, peu importe leur statut », ajoute-t-il. « Elle doivent être capables de vendre, même si elles sont fermées, que ce soit de la vente par téléphone ou courriel. »

« On est trop dépendant des échanges internationaux » – Julien Geremie, directeur général du CCO

« On se rend compte qu’on est trop dépendant des échanges internationaux et qu’il faut renouer avec l’écosystème autour de l’achat local. »

Une telle liste n’existe pas à l’échelle de la province. Certaines régions comme Algoma ou certains secteurs spécifiques comme les entreprises sociales en sont néanmoins déjà dotés.

« On veut mettre toutes ces entreprises locales déjà identifiées sur un même répertoire et ajouter toutes celles qui ne l’ont pas été encore pour leur donner une visibilité partout en Ontario », explique M. Geremie.

Deux de ses employées approchent actuellement les entreprises, les municipalités et autres chambres de commerce. « Quand on en aura entre 500 et 1 000, on créera une plateforme. On s’attend aussi à ce que les entrepreneurs s’inscrivent directement », dit-il, n’écartant pas, à terme, de transformer cette plateforme en site de vente en ligne.

Réapprendre à manger local et respecter les saisons

Autre entrepreneur, autre lieu, autre secteur d’activité : Hadrien est chef pâtissier à Toronto. Installé à son compte depuis un an, il fournissait les restaurants et cafés de la ville en pain, croissants et autres gâteaux, avant que la crise ne frappe.

La pandémie a amputé 40 % de son revenu. Sans le bouche-à-oreille, il lui aurait été difficile de tenir longtemps. Il est également sur le point d’achever son magasin de vente en ligne pour optimiser son activité.

« On est une petite entreprise qui grandit rapidement. Ce n’était pas le moment de tout stopper. Avec la concurrence, on vous oublie vite. Alors on s’est adapté, on a travaillé le marketing, la marque et on a mis en place un système de livraison aux particuliers. »

Hadrien Verrier, chef pâtissier à Toronto. Gracieuseté

Lui aussi a embarqué dans le projet du CCO. « C’est tellement facile et rapide aujourd’hui de se procurer des produits d’autres pays, comme des fraises de Californie ou de Floride, qu’on ne se rend plus compte de l’importance des saisons », regrette-t-il.

« Cette crise nous a rouvert les yeux sur l’importance de manger local. »

« Les petites entreprises gèrent au centime près » – Hadrien Verrier, chef pâtissier

Être sur une liste d’entreprises locales, c’est une manière de donner aux clients le réflexe de venir vers lui plutôt que vers les supermarchés, estime M. Verrier. Les grandes surfaces ont été pointées du doigt durant la pandémie, vendant tout type de produits en première ligne, au détriment des petits commerces, contraints de fermer, à la merci de difficultés financières.

« Les loyers pour les restaurateurs sont tellement chers que, si ce n’est pas bien géré, ils ferment définitivement. J’ai voulu créer mon nom avant de dépenser mon argent dans un magasin. C’est moins de poids sur les épaules que d’autres propriétaires. On gère au centime près. »