Bendale Acres : « Un catalyseur pour faire avancer la cause des soins de longue durée » – Jean Roy

Jean Roy et vue de l'établissement Bendale Acres Montage ONFR+

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Cofondateur de la fondation Hélène-Tremblay Lavoie qui milite pour la création de lits de soins de longue durée pour les francophones de l’Ontario, Jean Roy est un bénévole engagé au Foyer torontois Bendale Acres, dont il est aussi membre du conseil aviseur.

LE CONTEXTE :

Au terme d’un long processus, le ministère des Affaires francophones a officiellement approuvé la désignation sous la Loi sur les services en français du Pavillon Omer-Deslauriers, l’aile francophone de l’établissement torontois, qui compte 37 lits et offre des soins en langue française depuis 25 ans.

L’ENJEU :

Augmenter le nombre de lits est crucial pour les francophones en Ontario. 35 000 lits sont financés dans les dix prochaines années, mais aucun objectif n’est clairement annoncé pour cette population qui vieillit plus vite que la majorité anglophone.

« Comment réagissez-vous à la désignation partielle du Foyer Bendale Acres?

Je suis très heureux. Ça été beaucoup de travail pour remplir les vingt critères de la désignation car il a fallu prouver tout ça de façon documentée. Bendale Acres devient le seul foyer municipal de tout l’Ontario à être désigné et le deuxième foyer de tout le sud de la province à obtenir cette reconnaissance (avec le foyer Richelieu de Welland).

Qu’est-ce que cette reconnaissance va concrètement changer?

Ça va hausser le profil du pavillon Omer-Deslauriers : il sera mieux connu et reconnu par le gouvernement et la population. Ça va aussi enchâsser des protocoles qui engagent à long terme de la ville de Toronto et qui inspireront d’autres villes qui veulent suivre ce modèle. Ça va servir de catalyseur pour faire avancer la cause des soins de longue durée.

Comment est né le Pavillon Omer-Deslauriers?

C’est grâce à Omer Deslauriers et son équipe de bénévoles qui en 1994 ont conclu une entente avec la ville pour créer à l’intérieur de Bendales Acres une unité francophone. Depuis ce temps-là, c’est le seul foyer de tout le Grand Toronto à avoir cette habileté.

Avec ses 37 places pour 127 000 francophones dans la région de Toronto, cela répond-il au besoin francophone de la région?

Non. C’est d’ailleurs assez surprenant si on compare aux autres groupes linguistiques. Il y a environ 160 foyers de soins de longue durée pour huit millions d’habitants dans le Grand Toronto. Sur ces 160, y’en a de tous les groupes linguistiques : ukrainiens, italiens, chinois, grecs… Du côté francophone, on a juste cette unité.

Pourquoi ces groupes ont réussi là où la francophonie échoue depuis 30 ans?

Ces communautés ont compris que si elles ne prenaient pas l’initiative, cela n’arriverait jamais. Elles font des levées de fonds énormes et du bénévolat. Ça ne se voit pas chez les francophones car, du fait qu’on a une langue officielle et qu’on peut envoyer nos enfants dans les garderies, les écoles, les universités en français, on croit que les soins de longue durée existent naturellement en français.

Le gouvernement provincial porte-t-il une responsabilité dans le faible nombre de lits disponibles pour les francophones?

Les foyers de soins de longue durée ne sont pas opérés par le gouvernement provincial ni le ministère des soins de longue durée. Ils sont gérés soit par les municipalités, soit par des compagnies privées, soit par des organisations sans but lucratif. Le gouvernement met simplement des fonds pour la construction et le développement de lits. Si on veut dupliquer le pavillon Omer-Deslauriers, il ne faut pas seulement revendiquer, il faut aider les municipalités et le ministère. Sans bénévoles, le Pavillon Omer-Deslauriers n’aurait jamais existé.

À Bendale Acres, les candidats francophones à un lit sont-ils dans une liste d’attente spécifique?

Oui. Au lieu de s’inscrire sur la liste d’attente principale de Bendale Acres qui compte environ 600 personnes, soit trois ans d’attente, les francophones s’inscrivent auprès du CASC sur une liste particulière réservée au pavillon-Omer-Deslauriers. En ce moment, ça représente 3-4 personnes! L’attente ne se compte qu’en mois.

Dès lors, comment expliqué que le pavillon Omer-Deslauriers ne soit pas à pleine capacité?

Les familles ne songent pas à cette possibilité car elles ne connaissent pas le pavillon en général et le personnel des centres d’accès aux soins communautaires n’en fait pas forcément la promotion. Ça explique pourquoi on n’a jamais dépassé une trentaine de résidents francophones, alors qu’il y a 37 places. Quand je suis arrivé dans le dossier, il n’y avait plus que deux résidents francophones.

En quoi la langue maternelle est-elle si importante dans les soins de longue durée?

Lorsqu’ils ont des problèmes de démence, les gens reviennent à leur langue maternelle, la plus ancrée dans leur cerveau. Dans un foyer anglophone, ils ne comprennent pas ce qui se passe autour d’eux et le personnel ne les comprend pas non plus. Ça crée des problèmes de communication, de frustration, d’énervement, voire un risque de mauvais diagnostic.

Est-il préférable d’avoir des services en français dans un foyer anglophone ou un foyer 100% francophone?

85 % des couples torontois sont exogames. Quand les deux personnes du même couple ont besoin de soins de longue durée, être dans un foyer qui fournit des services bilingues leur permet de s’y sentir à l’aise en français et en anglais. L’avantage de ce modèle, c’est que ça ne requiert pas de levée de fonds astronomiques pour acheter un terrain et construire une nouvelle maison. Tout ce qu’on a fait, c’est regrouper un certain nombre de lits sur un même plancher dans une maison existante. C’est une façon très économique de faire avancer la cause. »