Bientôt plus de juges bilingues au Canada?

Palais Justice Ottawa
Le Palais de justice d'Ottawa. Crédit image: Archives #ONfr

OTTAWA – Le gouvernement fédéral a dévoilé son nouveau Plan d’action pour améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures. Un pas dans la bonne direction, selon la commissaire aux langues officielles par intérim, Ghislaine Saikaley, qui ne va pas assez loin, pour le Nouveau Parti démocratique (NPD).

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Le plan, dévoilé le lundi 25 septembre, se veut une réponse aux recommandations conjointes du Commissariat aux langues officielles (CLO) du Canada, du Commissariat aux services en français de l’Ontario et du CLO du Nouveau-Brunswick, en 2013, dans le rapport L’accès à la justice dans les deux langues officielles : Améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures.

« Actuellement, il n’existe aucune façon réelle de mesurer le besoin de juges bilingues et il n’y a aucun système d’évaluation linguistique. Quand ils postulent, les juges procèdent par auto-évaluation, si bien qu’on découvre parfois, ensuite, que des juges qui pensaient être assez bilingues pour présider une cause ne le sont tout simplement pas », expliquait notamment l’ancien commissaire aux langues officielles du Canada, Graham Fraser.

En juin dernier, le ministère de la Justice avait indiqué regarder la question de l’amélioration du bilinguisme dans la magistrature avec beaucoup d’attention.

Dans son plan d’action, le gouvernement annonce donc sept mesures pour augmenter le nombre de juges bilingues et mieux contrôler le niveau de bilinguisme des candidats à la magistrature.

Parmi elles, l’ajout de questions additionnelles pour les juges qui s’auto-identifient comme bilingues, et la possibilité pour le commissaire à la magistrature fédérale (CMF) d’effectuer des évaluations linguistiques et des vérifications ponctuelles.

Le plan du gouvernement prévoit également offrir de la formation linguistique aux membres de la magistrature et de la formation sur les droits linguistiques des justiciables auprès des juges de nomination fédérale. Ottawa indique également vouloir consulter les provinces et territoires pour évaluer les besoins des Canadiens en matière d’accès aux cours supérieures dans les deux langues officielles.

Accueil favorable

La commissaire aux langues officielles par intérim accueille favorablement ces mesures, même si elle reconnaît qu’elle aurait aimé que le gouvernement aille plus loin.

« C’est un pas dans la bonne direction. Les éléments de base sont là, puisque le plan d’action permettra de déterminer qui sont les candidats potentiels, qu’on y parle d’évaluation et de formation, mais aussi de consulter les provinces et territoires. Dans notre rapport, on allait plus loin puisqu’on parlait de travailler avec les provinces et les territoires. J’aurais aimé aussi quelque chose de plus fort sur la question de l’évaluation qui n’est pas tellement claire », explique Mme Saikaley à #ONfr.

Sur la question des évaluations linguistiques, le rapport de 2013 recommandait de les rendre « systématiques » et « non ponctuelles ».

La commissaire par intérim juge toutefois le plan « très positif » et attend maintenant d’en voir les résultats.

« Je vais en surveiller la mise en œuvre pour voir quels résultats il permettra d’obtenir afin de favoriser un meilleur accès à la justice dans les deux langues officielles. »

La question de l’accès à la justice est un problème que connaissent bien les avocats qui défendent des causes linguistiques à travers le Canada, comme plusieurs en avaient témoigné auprès de #ONfr.

L’Association des juristes d’expression française de l’Ontario (AJEFO) se montre satisfaite des mesures annoncées par le gouvernement.

« L’AJEFO a toujours revendiqué la nécessité d’augmenter la capacité bilingue de la magistrature et de bien informer les juges sur les droits linguistiques. L’AJEFO est satisfaite que le gouvernement se dote d’un plan d’action pour y remédier. Nous souhaitons que ce plan soit porteur de changements concrets et ait un impact positif et tangible pour améliorer l’accès à la justice dans les deux langues officielles », commente Sonia Ouellet, présidente de l’AJEFO, dans un communiqué, tout en indiquant vouloir participer à la mise en œuvre de ce Plan d’action.

Le NPD demande un projet de loi

Le porte-parole aux langues officielles pour le NPD, François Choquette, salue la réponse du gouvernement, rappelant que lorsqu’il était au pouvoir en 2013, le Parti conservateur du Canada (PCC) n’avait donné aucune suite aux recommandations des trois commissaires. Toutefois, le député de Drummond demande aux libéraux d’aller plus loin.

« On a besoin d’un projet de loi et pas seulement d’un plan d’action ou d’une politique. C’est le meilleur moyen d’assurer la pérennité des mesures annoncées. De plus, j’aurais aimé que le gouvernement rende obligatoire et systématique l’évaluation des compétences linguistiques des candidats et non que ce soit seulement « suggéré, encouragé ou ponctuel », comme on peut lire dans le rapport, à moins bien sûr que les candidats puissent démontrer, par leurs expériences ou leurs diplômes, qu’ils sont vraiment bilingues. »

M. Choquette indique à #ONfr qu’il déposera très prochainement un projet de loi privé sur l’accès à la justice dans les deux langues officielles pour inspirer le gouvernement. Il précise toutefois que sa priorité reste son projet de loi sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada.