Bilinguisme des juges et commissaire au menu de la session parlementaire

Le parlement du Canada. Crédit photo: Benjamin Vachet

OTTAWA – La session parlementaire a été marquée par la nomination tant attendue du commissaire aux langues officielles du Canada, fin décembre, et par l’échec du projet de loi sur le bilinguisme des juges à la Cour suprême du Canada (CSC).

BENJAMIN VACHET
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Les langues officielles n’ont pas connu d’avancées majeures lors de la session parlementaire qui s’est achevée le mercredi 13 décembre. Mais les communautés francophones de l’extérieur du Québec ont vu quelques petits pas.

À commencer par la nomination, après un an d’intérim – une première – du nouveau commissaire aux langues officielles du Canada, Raymond Théberge.

« Il fallait que ça aboutisse. Maintenant, nous avons d’immenses attentes », lance le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Jean Johnson.

Une nomination toujours contestée par le Nouveau Parti démocratique (NPD) qui estime que son chef n’a pas été consulté comme il l’aurait fallu.

« Je vais préparer une plainte au Commissariat aux langues officielles (CLO) pour qu’on dise enfin ce qu’on entend par consulter les chefs des partis d’opposition dans la Loi sur les langues officielles (LLO) », lance François Choquette, porte-parole aux langues officielles du NPD.

La question du bilinguisme des juges

Cette session, M. Choquette s’est retrouvé sur le devant de la scène en présentant son projet de loi sur le bilinguisme des juges à la CSC. Mais comme son prédécesseur Yvon Godin, il s’est buté à l’opposition d’une majorité de députés à la Chambre des communes, dont celle du gouvernement libéral.

« C’est sûr que c’est une déception, mais maintenant la balle est dans le camp du gouvernement. La politique mise en place semble solide, mais comme l’a rappelé le comité [permanent des langues officielles] dans son rapport sur la justice, il faut une loi », insiste-t-il.

Le président de la FCFA se montre confiant.

« Les deux nominations faites par le gouvernement démontrent une ouverture et une compréhension de l’importance d’avoir des juges bilingues. Je suis convaincu que le gouvernement trouvera une façon d’enchâsser ce principe dans une loi. »

Nommé nouveau porte-parole aux langues officielles pour le Parti conservateur du Canada (PCC), Andrew Scheer, Alupa Clarke, a appuyé le projet de loi. Il insiste sur l’ouverture de son parti, pourtant opposé à la loi quand il était au pouvoir.

« J’ai porté plusieurs enjeux au sein du caucus conservateur et j’ai expliqué pourquoi je supportais le bilinguisme des juges. Je suis fier que nous ayons eu un vote libre sur cette question. »

Pour M. Choquette, le dossier du bilinguisme comme celui du commissaire aux langues officielles ont éclipsé d’autres enjeux primordiaux, comme celui de la petite enfance, des médias de langue officielle en contexte minoritaire ou de l’immigration francophone hors Québec.

« Je suis très déçu par le ministre de l’Immigration, Ahmed Hussen, qui ne comprend pas du tout la réalité des communautés. On n’atteindra pas les cibles avec un tel manque d’ambition. Quant à la ministre Joly, son désir d’axer tout sur le numérique relègue au second plan les langues officielles. »

Session mouvementée pour Mme Joly

La ministre du Patrimoine canadien a connu une session mouvementée avec le dévoilement de sa politique culturelle qui a été très fraîchement accueillie au Québec et a laissé assez dubitatives les communautés francophones en contexte minoritaire, qui veulent en savoir plus.

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. Crédit image : Archives #ONfr

« C’est sûr que j’ai entendu beaucoup de préoccupations du secteur francophone, l’importance de protéger la culture, mais c’est notre objectif », a assuré Mme Joly à la sortie de la Chambre des communes, hier.

M. Clarke se dit « peu impressionné » par le gouvernement.

« Le gouvernement traite les langues officielles comme s’il fallait faire semblant que c’est important, mais quand on regarde de près, il y a peu d’efforts. Le gouvernement privilégie surtout le multiculturalisme au détriment de la dualité linguistique. C’est bien la diversité, mais il faut voir quel impact cela a sur le bilinguisme du Canada. »

Le mea culpa de la FCFA

Les libéraux peuvent toutefois se targuer de quelques mesures espérées par les francophones hors Québec, comme le Plan d’action pour améliorer la capacité bilingue de la magistrature des cours supérieures ou encore l’entente en éducation, qui préconise une meilleure consultation des communautés francophones et une meilleure reddition de comptes quant aux sommes versées par le fédéral aux provinces pour l’enseignement dans les écoles francophones.

Alors que la FCFA a souvent réclamé plus d’actions concrètes de la part du gouvernement et qu’elle n’a toujours eu ni rencontre avec le premier ministre ni déclaration de sa part sur l’importance de la dualité linguistique, elle dit faire aujourd’hui son mea culpa.

« On aurait dû commencer par le démarchage politique et nous ne l’avons pas fait. Le gouvernement a besoin de nous voir comme des collaborateurs et nous devons faire comprendre aux députés la valeur des investissements qui sont faits dans nos communautés. Ce n’est pas le temps de taper sur la table. »


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