« Le bilinguisme obligatoire nécessaire pour la valorisation du français » – Raymond Théberge

Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge, Archives ONFR+
Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge.

[ENTREVUE EXPRESS]

QUI :

Raymond Théberge est le commissaire aux langues officielles du Canada depuis janvier 2018.

LE CONTEXTE :

M. Théberge a sorti mardi son rapport annuel 2021-2022. Il s’agit d’une année record avec 5 409 plaintes. La majorité de ces plaintes touchent deux événements : le discours et l’unilinguisme du président d’Air Canada Michael Rousseau, ainsi que la nomination par Justin Trudeau d’une personne ne parlant pas français au poste de gouverneur général. Le commissaire recommande par ailleurs des changements au sein de la haute fonction publique fédérale.

L’ENJEU :

Le rapport annuel du commissaire arrive au moment où Ottawa évalue le projet de Loi C-13, visant à réformer la Loi sur les langues officielles. Lundi, en comité, les premières audiences ont eu lieu en lien avec cette loi et M. Théberge demande au gouvernement d’étudier la question des obligations linguistiques dans sa réforme.

« Votre rapport recommande aux parlementaires d’« évaluer » la possibilité de mettre une exigence de bilinguisme pour les hauts fonctionnaires mais, vous en tant que commissaire, êtes vous pour ou contre l’idée?

Je suis pour l’obligation que tous les hauts fonctionnaires soient bilingues, car présentement ce n’est pas obligatoire… Que ce soit dans C-13, dans une autre loi ou dans les règlements du Conseil du Trésor, pour moi le mécanisme, ce n’est pas ça qui est important. J’aimerais voir l’obligation, peu importe.

Dans ce cas, pourquoi ne pas demander à ce que cette mesure soit adoptée plutôt que d’être évaluée en comité?

J’aimerais voir les parlementaires se pencher sur la question. Ce sont les parlementaires qui doivent prendre la balle par la suite pour aller de l’avant. C’est une façon de s’assurer que les parlementaires sont saisis qu’ils doivent aller à la prochaine étape (…). Ils sont bien mieux placés pour avoir une vue d’ensemble sur ça (les nominations).

Quel impact pourrait avoir l’adoption d’une telle politique par le gouvernement Trudeau?

Ça passerait un message très très fort qu’au niveau de la fonction publique : on valorise le bilinguisme de haut en bas.

Quel constat principal tirez-vous de votre rapport 2021-2022?

C’est une indication assez claire que l’on doit procéder à une prochaine étape au Canada pour valoriser les langues officielles. Il faut qu’il y ait une plus grande reconnaissance de l’importance du bilinguisme chez nos leaders. C’est une conjoncture qui s’est présentée mais, parfois, c’est ça qu’il faut. Ça démontre clairement encore qu’on a d’énormes défis à ce niveau-là. Chaque fois qu’on fait une exception au principe du bilinguisme, ça veut souvent dire que le statut d’une langue est diminué par rapport à une autre langue.

Vous dites que vous êtes en train d’évaluer la réforme de la Loi sur les langues officielles du gouvernement Trudeau. Est-ce que vous voyez des drapeaux rouges à l’heure actuelle?

Je ne sais pas s’il y a des drapeaux rouges, mais on a certainement identifié des endroits où on aimerait voir des améliorations. On va soumettre un mémoire la semaine prochaine au Comité des langues officielles.

Vous soulignez dans votre rapport qu’il existe souvent une opposition entre la diversité culturelle et la dualité linguistique. Comment expliquer un tel contraste?

Je dirais que, trop souvent, c’est un manque de compréhension concernant l’objectif et le rôle de la Loi sur les langues officielles. Trop souvent, on oppose l’un à l’autre tandis que moi je vois une complémentarité entre les langues officielles et la diversité comme étant deux façons d’être plus inclusives. Quand on regarde l’impact de l’immigration hors Québec, on peut constater que ce sont des communautés de plus en plus diversifiées. »

Des questions et propos ont été modifiés pour le format de l’entrevue.