Blocus des camionneurs : l’Ontario déclare l’état d’urgence

Doug Ford aux côtés des ministres Sylvia Jones (Ex Solliciteure générale) et Caroline Mulroney . Capture d'écran ONFR+

TORONTO – Face à l’enlisement du conflit avec les camionneurs à Ottawa et Windsor, le premier ministre de l’Ontario a déclaré ce vendredi l’état d’urgence, qualifiant la situation de « menace sans précédent pour la santé et la sécurité ».

« Ces protestations ne sont pas dignes de nous », a déclaré Doug Ford au cours d’une conférence de presse. « Aux manifestants, je dis : rentrez chez vous, nous vous avons entendus. Aux travailleurs de l’automobile et à tous ceux qui sont affectés par le blocus du pont Ambassador, je dis : nous allons prendre les mesures nécessaires pour rouvrir la frontière. À la population assiégée d’Ottawa, je dis : nous allons faire en sorte que vous puissiez reprendre votre activité. »

Cette sortie médiatique de Doug Ford intervient près de deux semaines après le début de la manifestation d’Ottawa et à la suite d’un séjour controversé. Doug Ford a reconnu, au cours de la période des questions des journalistes, avoir passé le week-end dernier dans son chalet à faire de la motoneige, alors que la situation se dégradait à Ottawa.

Il a par ailleurs souhaité que la situation se désamorce pacifiquement, affichant son soutien aux policiers. « Je ne donne pas d’instruction à la police. Nous instaurons des lois et la police les applique, mais nous ne pouvons pas tolérer que des gens prennent des villes et des millions de gens en otage. »

La solliciteure générale, Sylvia Jones, a annoncé que l’occupation illégale des routes publiques et ses risques de sécurité feraient l’objet de discussions à l’Assemblée législative de l’Ontario, au printemps.

Les manifestants d’Ottawa, Toronto et Windsor pointent du doigt les dirigeants politiques. Crédit image Rudy Chabannes

Dans la région de Windsor, le secteur automobile, très dépendant de l’approvisionnement américain, connaît des ralentissements qui impactent l’industrie. Une centaine d’opposants à la vaccination obligatoire bloque le transit frontalier entre Windsor et Détroit, dans le Michigan, une des plus importantes portes d’entrée de marchandises au pays.

Près de 4 000 camions empruntent habituellement ce pont, chaque jour, pour notamment ravitailler l’Ontario, ce qui représente une perte de près de 500 millions de dollars par jour en commerce de marchandises, au moment où le gouvernement tente redresser son économie et de donner l’image d’une province ouverte aux affaires.

Du côté d’Ottawa, englué dans ce que la classe politique qualifie de siège, la colère des commerçants prend de l’ampleur au 14e jour d’occupation des rues. La capitale est en état d’urgence depuis le 6 février. Son maire, Jim Watson, réclame des renforts policiers. Le premier ministre veut aussi éviter un retour des manifestants à Toronto.

Trudeau : l’envoi de l’armée pas dans les plans

L’opposition à Queen’s Park s’est engouffrée dans la brèche ce vendredi, reprochant au premier ministre son attentisme face à la crise.

« Le premier ministre doit faire ce qui est nécessaire pour mettre les manifestants illégaux hors d’Ottawa », a lancé la cheffe de l’opposition officielle, Andrea Horwath.

« Doug Ford a échoué à l’épreuve du leadership », a réagi le chef libéral Steven Del Duca. « Si j’étais premier ministre, je serais à l’écoute des gens d’Ottawa, pas en motoneige avec mes copains pendant que des villes de ma province sont assiégées. »

Questionné sur l’option d’une intervention militaire, le premier ministre canadien Justin Trudeau a affirmé être « prêt à toute éventualité », mais que « d’autres étapes peuvent être utilisées » avant d’en arriver là.

« On ne veut jamais déployer l’armée contre les civils canadiens et la population. C’est quelque chose à éviter à tout prix. C’est une solution de dernier, dernier, dernier recours », insiste-t-il.

Justin Trudeau demande la fin de ces occupations jugeant que « c’est le temps » et qu’elles causent des torts à l’économie et aux emplois de cols bleus.

« On sait que la meilleure solution contre ces blocages illégaux est que les gens (réalisent qu’ils) se sont fait entendre et qu’ils ont exprimé leur désaccord et que c’est maintenant le temps de rentrer chez eux. Maintenant, ils commencent à voir qu’il va y avoir de réelles conséquences à leur avenir, leur emploi et leurs licences s’ils se font arrêter dans des blocages illégaux. Sinon, il va y avoir une intervention policière de plus en plus robuste. »

Le chef libéral et le président américain Joe Biden se sont d’ailleurs entretenus ce matin au sujet de la situation aux frontières. Le dirigeant américain a promis l’envoi de ressources au Canada pour régler la situation, mais Justin Trudeau n’a pas voulu s’avancer sur la nature de ces renforts.