Budget provincial : le moment pour Ford de montrer ses vraies couleurs

Le premier ministe de l'Ontario, Doug Ford. Archives ONFR+

[ANALYSE]

TORONTO – Rarement un budget provincial n’aura autant fait parler de lui. Pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Ford va dévoiler, ce jeudi, ses priorités budgétaires dans leur ensemble. Un exercice aussi attendu que redouté, tant l’équipe progressiste-conservatrice ne cesse de parler d’économies et de sacrifices.

Car le déficit budgétaire estimé par le gouvernement reste particulièrement élevé. Depuis l’annonce d’un trou de 15 milliards de dollars en septembre dernier, on ne peut pas dire qu’il y ait eu une amélioration. Aux dernières nouvelles, le ministre des Finances, Vic Fedeli, annonçait un déficit ramené… à 13,5 milliards de dollars.

Quelque 4,2 milliards « d’efficacités » – un mot cher au gouvernement Ford – ont bel et bien été trouvés depuis l’automne. Mais cette diminution ne s’était pas répercutée directement dans le budget, en raison des baisses d’impôts et des recettes fiscales perdues à cause du retrait de l’Ontario du marché du carbone, lequel a coûté au total 2,7 milliards de dollars.

Autres signaux négatifs : le premier ministre, Doug Ford, s’est montré très silencieux sur les coûts des réformes. Dans la transformation du système de santé de la province, annoncée fin février et matérialisée par la suppression des réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS), rien n’a circulé sur les coûts du projet et les éventuels emplois supprimés.

Au mieux, on devinait quelque 90 millions de dollars d’économie en frais d’administration annuels. Très loin, certes, de l’objectif d’éponger plusieurs milliards de dollars.

L’autre grand chantier, celui de l’Éducation, n’a pas livré non plus le montant des économies induites. L’augmentation du nombre d’élèves dans les salles de classe, annoncée par la ministre Lisa Thompson, conserve une part de mystère et d’incertitude. Là encore, on pourrait s’attendre à des coupures beaucoup plus drastiques pour les conseils scolaires dans le document de jeudi.

Le sort des Franco-Ontariens en question

Reste la question sur toutes les lèvres du côté des Franco-Ontariens : ce budget sera-t-il aussi catastrophique que l’énoncé économique du 15 novembre dernier? Dans les coulisses du gouvernement, on insiste que non. La levée de boucliers pancanadienne consécutive au coup d’arrêt du projet de l’Université de l’Ontario français et de la suppression du poste de commissaire aux services en français aurait bel et bien fait réfléchir Doug Ford.

Quelques signes encourageants au cours des dernières semaines prouveraient cette hypothèse. Tout d’abord dans le concret, les entités de planification francophones continueront bien d’exister. C’est en tout cas ce qui est ressorti de la réforme de la ministre de la Santé et des Soins de longue durée, Christine Elliott. Dans la symbolique, on a vu, par exemple, Doug Ford porter l’épinglette franco-ontarienne lors de la Journée internationale de la Francophonie, le 20 mars dernier. Un geste impensable il y a encore six mois.

Sentiment de trahison

Mais les pronostics optimistes s’arrêtent où les promesses se brisent. Pour beaucoup de francophones, ces neuf mois de pouvoir progressiste-conservateur restent une succession de trahisons.

Dernier épisode en date, vendredi dernier, lorsqu’on apprenait que l’intégration du Commissariat aux services en français au sein de l’ombudsman ne se ferait pas dans son « entièreté », laissant sur le carreau trois employés. Une décision qui diffère de l’engagement initial de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney.

Ce sont bien ses vraies couleurs que Doug Ford dévoilera jeudi prochain. Et il y a peu de chances qu’elles soient vertes et blanches.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 8 avril.