C-13 ne va pas assez loin pour garantir l’offre active, dit le commissaire Théberge

OTTAWA – Le commissaire aux langues officielles Raymond Théberge émet 46 recommandations au gouvernement Trudeau pour son projet de loi C-13, qui vise à réformer la Loi sur les langues officielles. Ce dernier note que l’actuel projet de loi manque de cohérence et que l’offre de services en français est « le maillon faible » de la proposition des libéraux.

Le commissaire dit s’inquiéter que l’appareil fédéral, notamment certaines compagnies aériennes, n’ait pas à suivre la Loi sur les langues officielles, mais plutôt la Loi sur l’usage du français au sein des entreprises privées de compétence fédérale. Cette notion pourrait permettre à certaines institutions de s’extirper de l’offre de services en français, estime M. Théberge.

« Il faut préciser dans la Loi quelles sont les obligations de ces institutions-là et je pense que, trop souvent, ces institutions font une lecture très étroite concernant leurs obligations. Il y en a qui sont déjà là dans la Loi, mais il faut juste s’assurer de les respecter », a déclaré Raymond Théberge devant un comité sénatorial lundi soir.

Source : page Facebook Air Canada

Il signale que le manque d’obligations dans C-13 concernant la communication et la prestation de services auprès du public « est le maillon faible qui nuit à la réussite de l’ensemble du projet de loi ».

« Si on évite l’offre active, on évite d’une certaine façon d’offrir le service… Il y a 50 ans, c’était ça l’idée (de la Loi sur les langues officielles) que tous les Canadiens soient desservis dans la langue de leur choix. En 2022, on est encore face à une situation où c’est loin d’être le cas. La plupart des plaintes qu’on reçoit touchent la prestation des services et la langue de communication. »

Il demande aussi une meilleure uniformité dans le domaine du service aux voyageurs, notant que le public et les employés auront des droits, voire des recours, différents selon le cas. Il donne en exemple une compagnie comme WestJet qui n’est pas assujettie à la Loi sur les langues officielles comme Air Canada.

« Les Canadiens et Canadiennes se retrouveront, en fin de compte, dans un environnement linguistique fragmenté et parfois incohérent », écrit-il dans son mémoire sur le projet de loi C-13.

Régions bilingues

Son rapport fait aussi état d’un manque de cohérence pour les employés de la fonction publique dans les régions désignées bilingues et ceux où doit être offert du service dans les deux langues officielles. Ils signalent que les deux types de régions ne « coexistent pas en harmonie. »

« Les régions qui sont désignées bilingues pour les fins de langue de travail existent depuis 40 ans, mais depuis 40 ans, il y a eu énormément de changements sur le terrain. Au minimum, ça serait important que les régions désignées bilingues pour les fins de travail se retrouvent là où les bureaux sont censés donner des services bilingues. »

Il demande au fédéral d’assurer que les employés en télétravail dans une région unilingue puissent bénéficier du droit de travailler en français si leur poste est situé dans une région désignée bilingue.

S’adapter à la technologie

Le commissaire demande à la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, de modifier C-13 pour qu’il puisse durer dans l’ère du temps et du numérique. Il note que de possibles avancées technologiques comme l’intelligence artificielle dans les années à venir nécessitent l’utilisation d’un langage neutre et assez large. 

« J’ai vu l’arrivée du fax et je vais voir la disparition du fax. Donc, c’est difficile de prédire quelles seront les nouvelles technologies, mais il ne faut pas que ça devienne une excuse pour ne pas respecter ses obligations sous la Loi sur les langues officielles », dit-il.

Autres recommandations :

  • Faire du Conseil du Trésor l’agence centrale chargée de faire appliquer la Loi
  • Garantir des droits liés à la formation, aux services individuels et aux services centraux partout au pays et non seulement dans les régions désignées bilingues.
  • Obliger les institutions à suivre la LLO dans les situations d’urgence
  • Inclure des clauses linguistiques dans les ententes entre le fédéral et les provinces
  • Avoir le droit d’imposer des sanctions administratives pécuniaires à toutes les institutions et entreprises fédérales

Le commissaire aux langues officielles a sorti son rapport officiel au début du mois de juin où il recommande d’obliger le bilinguisme des hauts fonctionnaires de l’appareil fédéral. Le rapport a été marqué par un nombre record de 5409 plaintes en lien avec la nomination de Mary Simon comme gouverneur général et le discours en anglais du PDG d’Air Canada, Michael Rousseau.