Ces conservateurs franco-ontariens qui tournent le dos à Ford

Roxane Villeneuve a déjà été candidate progressiste-conservatrice dans Glengarry-Prescott-Russell. Archives #ONfr

Franco-Ontariens et conservatisme, un mariage étrange? L’histoire montre que non. De Gisèle Lalonde, candidate aux élections provinciales dans Ottawa-Vanier, en 1977, sous la bannière du parti, jusqu’à Amanda Simard, élue en juin dernier dans Glengarry-Prescott-Russell, ils sont beaucoup à embrasser l’idéologie du Parti progressiste-conservateur. Sauf que certains d’entre eux ne se reconnaissent pas dans la vision affichée par le chef Doug Ford.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Fin du projet de l’Université de l’Ontario français et abolition du poste de commissaire aux services en français, les compressions annoncées la semaine dernière font grincer des dents… et ce même parmi les sympathisants. À commencer par Roxane Villeneuve. Pendant quatre ans, la fille de l’ancien ministre déléguée aux Affaires francophones, Noble Villeneuve, a représenté un visage familier dans les couloirs de Queen’s Park.

Sa défaite électorale dans Glengarry-Prescott-Russell, en 2014, l’avait propulsée dans l’avant-scène du parti. Lorsque Patrick Brown prend les rênes du parti l’année suivante, c’est elle qui est nommée conseillère aux Affaires francophones pour le nouveau chef. Avec la mission de soigner le lien avec l’électorat franco-ontarien si présent dans les circonscriptions baromètres, mais encore échaudé par la crise de l’Hôpital Montfort.

« J’ai travaillé en étroite collaboration avec les intervenants clés francophones, ce qui inclut l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), le Regroupement étudiant franco-ontarien (RÉFO), la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) et plusieurs autres, pour améliorer nos services en français et mettre en place l’Université de l’Ontario français. Sous Patrick Brown, nous avons réussi à mouvementer la francophonie en Ontario, nous avons même organisé une journée francophone avec le Caucus du parti trois fois consécutivement à Queen’s Park. Avec Doug Ford, nous reculons gravement et c’est très triste. »

Dans quelques jours, Mme Villeneuve entamera une nouvelle carrière politique. Les élections du 22 octobre dernier lui ont permis de ravir un siège municipal à Stormont-Nord dans l’Est ontarien. Un point commun avec son ancien mentor Patrick Brown, reconverti maire de Brampton.

« Quand l’équipe a jeté Patrick Brown dehors, le chef intérim, Vic Fedeli, m’a congédiée immédiatement en disant que le poste de conseillère principale aux Affaires francophones était éliminé, ce qui me dit que le Parti Progressiste-conservateur ne prend pas les Franco-Ontariens au sérieux. Toutes les démarches que j’avais faites jusqu’alors avec les francophone sont tombées à l’eau. »

Caroline Mulroney déçoit

Autre sympathisante conservatrice déçue par Doug Ford : Cassidy Villeneuve. Élue vice-présidente de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO) en 2015, la jeune militante avait rapidement rejoint les rangs conservateurs.

« J’ai voté pour le gouvernement Ford pour des raisons fiscales et pour le développement économique. Ces compressions sont vraiment inacceptables! Ce qui se passe aujourd’hui n’est pas la volonté des conservateurs en général. »

Malgré ce vote progressiste-conservateur, Cassidy Villeneuve reconnaît avoir eu un premier faible pour Caroline Mulroney. C’est à la fille aînée de Brian Mulroney qu’elle avait offert son vote lors de l’investiture conservatrice, le 10 mars dernier.

« Pour moi, c’est une grande déception. Elle n’appuie pas les Franco-Ontariens. En même temps, la ligne du parti est très stricte. Elle veut, il me semble, bien faire, mais elle est très limitée. »

La militante conservatrice Cassidy Villeneuve. Archives #ONfr

Ce sentiment de déception vis-à-vis de Mme Mulroney est aussi très présent chez Roxane Villeneuve. « Où est la ministre Mulroney et où est Amanda Simard? Est-ce qu’elles ont su d’avance que leur gouvernement était pour prendre ces mesures désastreuses pour les francophones en Ontario? Je sais qu’Amanda Simard s’est présentée au congrès de l’AFO, fin octobre. Est-ce qu’elle était au courant que son gouvernement allait prendre cette décision plus tard? C’est ça la question, vraiment! »

D’autres anciens candidats semblent s’éloigner de la doctrine fordiste. Graham Fox est l’un d’eux. Ancien chef du cabinet de Joe Clark [au niveau fédéral], le chef du Parti progressiste-conservateur de l’époque, il est au passage candidat dans Ottawa-Orléans lors des élections provinciales en 2007.

Les annonces de Doug Ford sont à la hauteur de la surprise. « J’ai mis mon nom sur un bulletin de vote pour ce parti, en 2007. Je n’ai pas de mots », a-t-il tweeté après les compressions affectant les services en français.

Sur le média social, Graham Fox, aujourd’hui président de l’Institut de recherche en politique publique, n’a pas tardé à poster un drapeau franco-ontarien pour marquer le sentiment de lutte.

D’autres voix francophones en accord avec Ford

Reste que ces prises de position ne reflètent pas tous les Franco-Ontariens proches du Parti progressiste-conservateur. Il y a ceux qui manifestement sont embarrassés à répondre à la question.

Croisé par hasard lors du congrès du parti en fin de semaine dernière à Toronto, Cameron Montgomery n’avait pas souhaité répondre à nos questions. Il y a un mois exactement, l’ancien candidat malheureux aux dernières élections dans Orléans ambitionnait un siège sur le conseil d’administration de l’AFO. Une candidature qu’il a finalement retirée à la dernière minute.

André Marin, aux côtés de l’ancien chef du Parti PC de l’Ontario, Patrick Brown, en 2016. Archives #ONfr

L’ancien Ombudsman de l’Ontario, André Marin, a moins de scrupules, surtout quand il faut parler de François Boileau. « Je ne me souviens pas, au cours de mes 20 années de service, avoir vu un haut-fonctionnaire du Parlement renonçant ainsi à son indépendance. Le seul message manquant était une bannière qu’il faut voter libéral », a décoché M. Marin, proche des progressistes-conservateurs, dans sa chronique au Toronto Sun.

C’est d’ailleurs sous cette même manière progressiste-conservatrice qu’il s’était présenté, sans succès, à l’élection partielle dans Ottawa-Vanier à l’automne 2016. Francophone, M. Marin avait l’habitude de manier les deux langues dans ses communications durant ses dix années comme Ombudsman.

Toujours un brin provocateur sur les médias sociaux, le stratège progressiste-conservateur Paul Demers n’a aussi pas tardé à réagir « L’apparence de conflit est tout aussi à éviter que le conflit d’intérêts lui-même. L’apparence est tout aussi dommageable que la réalité », a-t-il fait savoir après l’éviction de M. Boileau.


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