Ces huit dates qui ont marqué les mandats de François Boileau

Le commssaire aux services en français, François Boileau. Archives #ONfr

TORONTO – La faute au fameux « Jeudi noir » le 15 novembre dernier, François Boileau a vécu mardi sa dernière journée à titre de commissaire aux services en français. Retour avec le politologue Martin Normand sur les dates clés des mandats du désormais ex-chien de garde aux services en français

4 septembre 2007. Les débuts.

Pour ONFR+, François Boileau accepte de partager le catalogue de ses souvenirs. Première date marquante : son entrée en fonction le 4 septembre 2007. Quelques semaines auparavant, celui qui n’était alors qu’avocat pour le Commissariat aux langues officielles était nommé par le gouvernement libéral.

Photo officielle de François Boileau à titre de commissaire aux services en français. Gracieuseté : CSF

« Dans le cadre d’un événement, Rolande Faucher m’a dit que ce poste de commissaire aux services en français s’ouvrait. Quand elle m’a dit ça, je pensais qu’elle voulait que je lui donne des noms. Mais elle m’a dit que je ferais un bon candidat. Losqu’une firme de chasseurs de têtes m’a contacté, qu’ils m’ont dit le budget, j’ai compris que c’était ridiculement petit, trois employés la première année, cinq la seconde année, mais la tâche ne me faisait pas peur. J’ai soumis ma candidature, et j’ai eu le poste. »

17 juin 2008. La DIF comme entrée en matière.

Pour le dépôt de son premier rapport en juin 2008, François Boileau veut marquer les esprits. « Je voulais envoyer un message à la population », confie-t-il avec recul. Sa toute première recommandation sur une définition « actuelle, applicable et inclusive » de la francophonie ontarienne trouve écho. Le gouvernement adopte la nouvelle définition inclusive de francophone (DIF) l’année suivante.

« Ça a permis d’augmenter le nombre de Franco-Ontairiens admis, et ça a pu donner une impulsion à des régions qui souhaitaient devenir désignées », croit Martin Normand, politologue à l’Université d’Ottawa. « À tout le moins, ça a forcé un débat plus large sur la diversité. Ça avait une incidence symbolique. C’était son rôle, d’être proactif, et de proposer des nouvelles avenues de réflexion. »

7 mai 2009. Premier rapport spécial.

Un an et demi après son entrée en fonction, François Boileau décide de passer à la vitesse supérieure avec un rapport spécial sur la prestation de services de santé en français.

« J’ai rencontré les 14 présidents des Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) en février 2008. La plupart ont démontré un paternalisme spectaculaire, sauf les deux francophones. Les autres n’étaient pas intéressés. Je suis sorti de cela avec l’idée de présenter un rapport spécial au Parlement sur la planification des services en français. »

Le commissaire aux services en français, François Boileau, en 2009. Archives ONFR+

C’est justement ce rapport qui sera à l’origine de la création en 2010 des six entités de planification des services de santé en français, chargées de conseiller les RLISS. « Que les entités aient survécu à la réforme de santé de Doug Ford témoigne bien de la victoire de François Boileau », affirme M. Normand.

17 et 18 novembre 2011. Colloque d’envergure.

À l’automne 2011, le Commissariat co-organise un colloque d’envergure à l’Université d’Ottawa. Le premier événement du genre dont Me Boileau est responsable. Le thème : le 25e anniversaire de la Loi sur les services en français.

Sept ans plus tard, le principal intéressé se souvient. « On avait besoin de l’expertise de l’Université d’Ottawa, mais le contenu, c’était nous les responsables. Ces colloques sont bien souvent l’occasion de lancer des pistes de réflexion. On avait, par exemple, beaucoup parlé alors pour qu’Ottawa devienne officiellement bilingue. »

Pour M. Normand, ce genre d’événement est plus que nécessaire. « C’est un contact privilégié entre le Commissariat, la communauté, le milieu pratique, le milieu académique, en d’autres mots un point de convergence. »

12 décembre 2013. Indépendance du Commissariat.

« On pensait ce que son indépendance le protégerait », souligne avec un peu d’ironie Martin Normand. Le 12 décembre 2013, François Boileau est pourtant loin de se douter du destin qu’il l’attendra cinq ans plus tard. Ce jour-là, le projet de loi 106, la Loi de 2013 modifiant la Loi sur les services en français, est adopté à l’unanimité à Queen’s Park.

Concrètement, le commissaire aux services en français ne relève alors plus de l’Office des Affaires francophones, mais du législateur.

L’ancienne ministre déléguée aux Affaires francophones, Madeleine Meilleur avec le commissaire aux services en français, François Boileau. Source : Twitter

« C’était une de ses revendications de longue date, car il se rapportait à Madeleine Meilleur. Il voulait vraiment être vu comme un agent indépendant », résume M. Normand. « Ça lui donnait une envergure de plus dans ses relations avec les autres ministères. Il a obtenu aussi plus de ressources. Ça lui a donné une marge de manœuvre. »

1er juin 2016. Rapport sur la Loi sur les services en français.

Lorsqu’on l’interroge sur son rapport annuel le plus marquant, François Boileau n’hésite pas : celui de 2016 intitulé LSF 2.0 et portant sur une refonte complète de la Loi sur les services en français.

L’occasion alors pour le chien de garde aux services en français de juger la loi adoptée en 1986 désuète, proposant entre autres que l’ensemble du territoire ontarien soit officiellement désigné sous une loi modifiée. « C’est le rapport qui disait qu’on devait aller vers un renouveau. Des éléments audacieux sont dans ce rapport. »

François Boileau lors de la présentation de son rapport LSF 2.0, le 1er juin 2016. Archives ONFR+

Mais M. Normand a un choix différent de Me Boileau. « Le rapport du 10e anniversaire en 2017, lequel faisait tout le bilan des dix premières années était rétrospectif et important. Il montrait l’ampleur du travail qu’il était capable d’accomplir. Le 11e était prospectif, car il mettait sur la table les principaux enjeux auxquels l’Ontario aurait à se confronter durant les prochaines années. Le 10e et le 11e vont ensemble. »

15 novembre 2018. Le « Jeudi noir ».

Coup de massue énorme sur l’Ontario français. Dans son énoncé économique présenté en milieu de journée, le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford annonce l’annulation du projet de l’Université de l’Ontario français, et surtout l’abolition du poste de François Boileau. Le bureau du Commissariat doit être alors transféré à celui de l’ombudsman, Paul Dubé.

« Je suis vraiment très déçu pour la communauté francophone. On a développé une expertise incroyable (…) On peut dire avec fierté qu’il y a eu des changements positifs au cours des dix dernières années grâce à la présence d’un commissaire indépendant. Donc, de le perdre, c’est un choc! », réagit alors à chaud M. Boileau.

Quelques jours plus tard, le Commissariat tient malgré tout son Symposium à Toronto. Ironie du sort, l’événement porte… sur l’avenir de la francophonie ontarienne.

30 avril 2019. Le dernier jour.

La journée de mardi marquait le dernier jour en fonction de François Boileau. C’est aujourd’hui que le transfert des dossiers vers les bureaux de M. Dubé devient officiel.

Dans une conférence organisée à Queen’s Park, l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) a rappelé l’importance de se mobiliser et a demandé aux citoyens de toujours déposer des plaintes.

« Il est important que la communauté continue à déposer des plaintes lorsque ses droits ne sont pas respectés », explique son président Carol Jolin. « C’est un outil important pour que le gouvernement prenne connaissance de certains problèmes de livraison de services. »