Juges bilingues : important, mais pas obligatoire, pour la juge McLachlin

La juge en chef sortante de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin. Crédit image: Benjamin Vachet

OTTAWA – La juge en chef de la Cour suprême du Canada, Beverley McLachlin, tirait sa révérence, vendredi 15 décembre. Invitée à se prononcer sur le projet de rendre le bilinguisme obligatoire pour les juges nommés au plus haut tribunal du pays, elle a renvoyé la balle au gouvernement, non sans souligner l’importance d’avoir des juges qui comprennent les deux langues officielles, sans que ce soit obligatoire pour le fonctionnement de la cour.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

« C’est au gouvernement de déterminer les critères de nomination pour les juges à la Cour suprême du Canada. Mais ce que je peux dire, c’est qu’il y a de plus en plus de juges bilingues et que c’est important. Est-ce que la Cour suprême du Canada peut fonctionner avec un, deux, trois juges qui ne sont pas bilingues? Oui, l’histoire l’a prouvé. Mais idéalement, il faut avoir un haut niveau de bilinguisme sur le banc », a lancé la juge en chef de la Cour suprême du Canada.

Alors que le débat fait rage et n’est sûrement pas terminé à la Chambre des communes, Mme McLachlin n’a pas voulu en dire davantage lors de sa dernière allocution à la presse.

À plusieurs reprises, le Nouveau Parti démocratique (NPD) a tenté de rendre obligatoire la compréhension des deux langues officielles pour être nommé à la Cour suprême du Canada. Le 25 octobre, la dernière tentative du parti a été défaite en deuxième lecture à la Chambre des communes par 224 voix contre 65. Le projet de loi prévoyait que les juges choisis à la Cour suprême du Canada « comprennent le français et l’anglais sans l’aide d’un interprète ».

La juge en chef n’a pas non plus voulu se prononcer sur l’argument du gouvernement pour voter contre ce projet de loi à l’effet qu’une telle modification de la Loi sur la Cour suprême obligerait à rouvrir la constitution.

« C’est une question légale et je ne peux pas donner la réponse. Ce serait à la cour de la donner… Nous avons une Loi sur Cour suprême et la cour a indiqué que celle-ci a des dimensions constitutionnelles », a-t-elle répondu à une question de #ONfr sans préciser ces dimensions.

Inquiète du problème d’accès à la justice, quant aux coûts et aux délais pour accéder aux tribunaux, elle dit espérer que les problèmes de bilinguisme dans le système judiciaire canadien ne nuisent pas à cet accès.

« On essaie d’avoir  des traducteurs, mais je ne suis pas en mesure de dire si ça fonctionne ou non. Mais je vous assure que nous prenons toutes les mesures possibles pour que tous les Canadiens aient accès au processus dans leur langue officielle. »

Mme McLachlin marque l’histoire

Professeure agrégée permanente à la faculté de droit de l’Université de la Colombie-Britannique, Mme McLachlin a amorcé sa carrière judiciaire en 1981, à titre de juge de la Cour de Comté de Vancouver, avant de devenir rapidement à la Cour suprême de la Colombie-Britannique, puis d’accéder à la Cour d’appel en 1985.

Elle est devenue juge en chef de la Cour suprême de la Colombie-Britannique en 1988, puis a été nommée à la Cour suprême du Canada en 1989, avant de devenir la première femme à accéder au poste de juge en chef du Canada, le 7 janvier 2000, sous le gouvernement de Jean Chrétien. Elle a connu la plus grande longévité comme juge en chef de la Cour suprême du Canada, œuvrant à ce poste pendant près de 18 ans.

« Je suis très fière que la cour ait contribué au développement de lois sur les droits des autochtones et de la Charte canadienne des droits et libertés. J’ai travaillé du mieux que je le pouvais », a-t-elle commenté.

L’hommage du premier ministre

Le départ à la retraite de Mme McLachlin lui a valu de nombreux hommages, dont celui du premier ministre Justin Trudeau.

« Les réalisations de la juge en chef McLachlin en tant que juriste sont inégalées dans l’histoire de notre pays. (…) Elle a milité pour la diversité au sein de la magistrature, en plus de promouvoir l’avancement des femmes dans la profession juridique. Elle a résolument défendu l’indépendance du système judiciaire ainsi que le rôle qu’un système judiciaire fort et impartial joue pour assurer la santé et le dynamisme d’une démocratie. Elle a aussi mis en lumière l’importance de l’accès à la justice et a défendu l’accès à la représentation, aux tribunaux et aux processus juridiques dans des délais raisonnables pour tous les Canadiens. »

Mme McLachlin sera remplacée à la tête de la Cour suprême du Canada par le juge québécois Richard Wagner. Ce dernier sera officiellement assermenté par la gouverneure générale, Julie Payette, lundi 18 décembre, lors d’une cérémonie à Rideau Hall.