Dans les années 80, Éric Bachand avait la plus grande collection de vinyles rock et New Wave de son quartier. Une collection composée uniquement d’albums en anglais ! Dans cet épisode, le réalisateur et mélomane Éric Bachand se questionne sur le désintérêt qu’on peut ressentir envers la musique francophone lorsqu’on est nous-mêmes issu de cette culture. Est-ce que le français est moins musical que l’anglais ? Qu’est-ce qui guide nos préférences musicales ? C’est ce qu’il tente de découvrir à travers ce balado.
Avec Sandria P. Bouliane, Michel Lalonde, Hervé Platel, Dany Laj, Andrea Lindsay, Bernard Cerquiglini, Marc Bachand et Marie Gold
Merci à Société Radio-Canada, l’ADISQ, Remstar Media, Cogeco Média, CHOM FM et APM Music.
Merci à La Ruelle Films pour l’aide à la recherche. Pour plus de détails sur l’époque yéyé au Québec, voir leur film https://jukeboxlefilm.com/
En bonus, une liste de lectures de la collection de vinyles d’Éric qui ont inspiré cet épisode : https://open.spotify.com/playlist/1k8fCNZFaEhQQFQ2qPyajl?si=Pkyhd7KRRX2thlEV5YFKUw&nd=1
Musique composée par Mehdi Cayenne. Chansons additionnelles :
- Me, I disconnect from you de Gary Numan
- La ballade des gens heureux de Gérard Lenorman
- Twist et chante des Baronnets
- Le Canada de Robert Charlebois
- La complainte du Maréchal Biron de Garolou
- God is an American de Jean-Pierre Ferland
- I Got The Message de Men Without Hats
- Hold For Love de Dany Laj And The Looks
- Le charleston d’Andrea Lindsay
- Goélands et Impatiente de Marie Gold
Transcription Audio
PRÉSENTATEUR :
J’en perds mes mots, un balado d’ONFR+.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
La musique est partout autour de nous, qu’on soit dans un café, un ascenseur, une ligne d’attente au téléphone ou même dans la rue, on va très souvent être amenés à entendre de la musique. Et parfois, bien malgré nous.
Un air à la trompette se fait entendre quelques instants.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Qu’est-ce qui fait qu’on aime un style plus qu’un autre ? Comment ça se fait qu’on est si attiré par certains rythmes, certains beats alors qu’il y en a d’autres qui nous donnent mal à la tête. Mais la vraie question qui nous intéresse, c’est à quel point le choix de la langue dans laquelle on chante joue un rôle dans tout ça. Je m’appelle Aimé Majeau Beauchamp et dans l’épisode d’aujourd’hui, mon collègue…
ÉRIC BACHAND :
S’adressant au public de l’émission
Éric Bachand.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
… questionne son amour de jeunesse : la musique en anglais. Éric se demande : pourquoi un mélomane francophone comme lui boudait la musique chantée dans sa langue maternelle.
Sur une radio, des chaînes de radio avec de la musique anglophone défilent.
ÉRIC BACHAND s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
En 1980, j’ai 12 ans, j’habite en face de Montréal, l’autre bord du fleuve, à Saint-Lambert au Québec, une ville majoritairement francophone. Sur les murs de ma chambre, il y a plein de photos de Gilles Villeneuve, le premier Franco-Québécois à courir en Formule 1.
Un extrait de course automobile se fait entendre.
COMMENTATEUR :
Incroyable ! Villeneuve de nouveau deuxième.
L’extrait prend fin.
ÉRIC BACHAND :
C’était l’époque où Pac-Man faisait fureur dans les arcades.
Des sons de Pac-Man se font entendre.
ÉRIC BACHAND :
On venait aussi de perdre le premier référendum, mais ça, c’était pas tellement grave parce que moi, j’étais pas politisé. La culture québécoise, ça m’intéressait pas puis encore moins celle du Canada. Mais surtout, c’est l’année où mon frère m’emmène voir mon premier spectacle de musique. On va voir Gary Newman.
Un extrait de concert avec une foule qui acclame et de la musique new wave se fait entendre.
ÉRIC BACHAND :
Un pionnier du new wave britannique et de la musique électronique.
[La chanson de Me! Disconnect From You de Gary Newman se fait entendre.]
ÉRIC BACHAND :
Je suis happé par ce que je vois et ce que j’entends. Après ce soir-là, je commence à m’intéresser sérieusement à la musique, mais pas n’importe quelle musique : de la musique en anglais. Du new wave puis du rock. La musique est comme devenue mon refuge, un terrain d’exploration et même plus que ça, une façon d’exister.
La chanson continue à jouer.
ÉRIC BACHAND :
C’est drôle, même si je comprenais pas toutes les paroles, c’est la musique en anglais qui allait me chercher. La musique en français, je la trouvais moins bonne.
La chanson s’arrête et un grincement de vinyle se fait entendre.
ÉRIC BACHAND :
Mais pourquoi ça sonnait mieux en anglais ? C’est un peu comme demander à quelqu’un pourquoi il aime le chocolat. Ça s’explique difficilement. À l’époque, j’étais pas trop conscient de pourquoi je boudais la musique francophone. Aujourd’hui, j’habite à Sudbury en Ontario. Ma réalité franco-ontarienne m’a amené à voir les choses différemment puis à questionner mes choix musicaux. Je m’appelle Éric Bachand, je suis mélomane et réalisateur à TFO. Dans ce balado, je veux comprendre pourquoi des francophones comme moi préfèrent la musique en anglais. Est-ce que la musique en français serait moins bonne que celle en anglais ?
Le bruit de quelqu’un qui fouille dans une boîte se fait entendre.
ÉRIC BACHAND :
S’adressant au public de l’émission
On est à Bromont dans les Cantons-de-l’Est au Québec. Je suis venu voir celui avec qui tout a commencé.
ÉRIC commente pendant que quelqu’un continue à fouiller.
ÉRIC BACHAND :
Mon frère est en train de sortir des vinyles.
ÉRIC et son FRÈRE rient.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Ça, c’est la job la plus le fun, ça.
Sortant des vinyles
Springsteen, incontournable. C’est le « Miles David 2020 ».
ÉRIC BACHAND :
C’est du rap, ça.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Oui.
ÉRIC BACHAND :
Arnaud, il écoute ça.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Kendrick Lamar, oui. Majeur. Ah, ça, c’est le Beau Dommage que… Je l’ai eu à Noël quand j’étais jeune. Je l’ai pas écouté puis en rétrospective, il y a plein de chansons que j’aime là-dedans. Pour de vrai.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Mon frère et moi, on a jamais arrêté de s’intéresser à la musique. Dans les années 80, on avait l’une des plus grosses collections de vinyles de notre quartier. Je lui demande pourquoi notre collection était presque uniquement en anglais.
ÉRIC et son FRÈRE discutent.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Je veux pas être réducteur par rapport à la musique francophone. Pour moi, il y avait pas vraiment de choix… Si tu regardes l’univers de la musique anglophone qui était accessible puis ce que ça reflétait pour un jeune adolescent qui se cherche et qui veut être certain d’avoir un modèle qui est cool, bien, tu sais, qu’est-ce que t’avais au niveau francophone ? Et c’est de la grande musique, je le reconnais dans le temps, mais le nombre est faible. Je veux pas faire du name dropping : Harmonium, Beau Dommage, Octobre, Offenbach. Ville Émard Blues Band. Tu sais, je veux dire… Je viens de te nommer ce qui se passait. Tu sais, je parle dans le rock, là. Bien sûr, il y avait d’autres choses, Charlebois, je le sais, il y avait… Mais dans le rock…
ÉRIC BACHAND :
Fait que toi, tu sais, comme Marjo, Johanne Blouin, Richard Séguin, ça t’intéressait pas, ces succès-là québécois ?
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
On était ouverts. « Journée d’Amérique », on l’a aimée, on l’a écoutée. Quand c’était du même niveau, on y allait. Pagliaro qui roule ses mêmes tounes depuis toute sa carrière, « L’espion » puis tout ça, « Les bombes », on a tripé.
ÉRIC BACHAND :
Oui, mais as-tu acheté le disque ?
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Euh… Non.
Un bruit de changement de chaînes se fait entendre, puis ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Pour vous mettre en contexte, quand j’étais ado, il y avait pas d’Internet. On découvrait la musique surtout via la radio et les magazines spécialisés comme Creem, Circus, Rolling Stone puis en passant des heures à lire des pochettes de disques chez « Sam the Record Man ». Ça, c’est la plus grosse chaîne de magasins de disques qui avait son siège social à Toronto puis un terrain de jeux pour nous, downtown sur la Sainte-Catherine à Montréal.
Un bruit de caisse enregistreuse se fait entendre, puis ÉRIC et son FRÈRE poursuivent leur conversation.
ÉRIC BACHAND :
Chez « Sam the Record Man », il y avait sûrement un endroit où est-ce qu’il y avait des disques francophones.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Riant
Oui.
ÉRIC BACHAND :
T’as tu des souvenirs de…
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Oui, oui, c’était comme dans le backstore. Eille, Sam, tu rentrais dans une pièce, il y avait une autre pièce, il y avait une autre pièce, il y avait une autre pièce puis, tu sais, la musique québécoise, écoute, elle était où, elle était dans la dernière pièce, c’est certain, certain.
ÉRIC BACHAND :
Pourquoi que les disques francophones, ils étaient au fond ?
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Offre et demande. C’est de l’économique.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
En fouillant dans nos souvenirs avec mon frère, qui est cinq ans mon aîné, il me raconte qu’avant de tomber dans la musique rock anglophone, c’est la musique que notre mère écoutait qui l’intéressait. Un peu de musique classique, beaucoup de Charles Aznavour, Ginette Reno, Chantal Pary et Gérard Lenorman.
Le FRÈRE d’ÉRIC témoigne.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Moi, c’est normal que c’est maman que j’aie suivie parce que…
Un extrait de « La ballade des gens heureux » de GÉRARD LENORMAN joue.
GÉRARD LENORMAN :
Chantant
♪ Notre vieille terre est une étoile ♪
♪ Où toi aussi tu brilles un peu ♪
♪ Je viens te chanter la ballade ♪
♪ La ballade des gens heureux ♪
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Moi, c’est « La ballade des gens heureux » que j’adorais. Mais à partir de 12 ans, c’est devenu un plaisir coupable que je gardais pour moi.
La chanson arrête de jouer, puis ÉRIC et son FRÈRE poursuivent leur conversation.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
C’est sûr qu’à un moment donné, si tu veux être sérieux avec tes amis, tu peux pas arriver avec ce genre d’arsenal là à 12, 13, 14 ans. Fait que là, c’est là que je suis tombé en amour avec tout ce qui était le reste, tout ce qui était mon vrai choix musical : René Simard, puis Alice Cooper.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP discute avec ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Bonjour, Éric.
ÉRIC BACHAND :
Bonjour, Aimé.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Donc, moi, je suis né dans les années 90. Donc, quand on parle de la musique new wave des années 80, j’ai pas beaucoup de référents. Puis, une question que je me posais, c’est à quel point c’est une question d’offre musicale francophone qui était pas disponible ou qui était pas présente finalement ou c’est plus une question des intérêts personnels ?
ÉRIC BACHAND :
C’est une bonne question. Je me suis posé cette question-là en fait. J’étais désintéressé parce que l’offre musicale franco, dans le style de musique que j’aimais, le new wave… Le new wave, aujourd’hui, on pourrait appeler ça la musique alternative, c’était moins accessible. Mais par contre, en faisant mes recherches, j’ai découvert qu’il y en avait des groupes qui étaient francophones qui chantaient, évidemment, en anglais, mais aussi en français, qui avaient une chanson en français. Souvent, ces groupes-là avaient pas d’album parce qu’à l’époque, dans les années 80, il faut se mettre en contexte, il y avait pas d’ordinateurs sur lesquels on enregistre nos chansons.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’était plus compliqué d’enregistrer dans ces années-là.
ÉRIC BACHAND :
Bien oui, c’est ça. C’est exactement ça. On faisait pas d’album chez soi. Il fallait aller en studio, il fallait dépenser de l’argent, tout ça. Donc, tous ces groupes-là soit ils enregistraient pas, mais ils faisaient des spectacles live dans des bars par exemple, des bars où est-ce que ça prenait 18 ans. Moi, j’avais pas 18 ans, je savais pas que ça existait. Il y a des groupes comme Rational Youth, Trans-X, Johnny Pop, Ben Réglisse, c’est tous des noms de groupes dont j’avais jamais entendu parler et que j’ai découverts en faisant des recherches. Puis ça, c’était beaucoup la scène montréalaise. À partir de là, moi, j’ai voulu en savoir plus, donc, j’ai demandé à la musicologue Sandria P. Bouliane de m’expliquer le contexte historique de la popularité de la chanson francophone dans les années 80, mais aussi de me parler de ce qui s’est passé avant cette époque-là.
SANDRIA P. BOULIANE s’exprime en entrevue.
SANDRIA P. BOULIANE :
Quand on parle de la musique, il y a tellement d’éléments qui sont liés. À la fin des années 70, début 80, il y a vraiment une crise économique et ça va avoir un impact ça aussi sur le milieu de la musique. Il y a vraiment un changement au niveau mondial, ou plutôt occidental. On va se mettre à miser de plus en plus sur des valeurs sûres, des grandes mégastars plutôt que de diversifier son catalogue. Donc, c’est vraiment là qu’on voit apparaître les grands Michael Jackson, Madonna, Lionel Richie. Si on se ramène au Québec, en 1980, on est au lendemain, donc, de la première défaite référendaire.
Un extrait de bulletin de nouvelles du référendum annoncé par le présentateur BERNARD DEROME est présenté.
BERNARD DEROME :
Je dois vous interrompre. La tendance des résultats laisse voir que l’option du « Non » remportera ce référendum.
L’extrait prend fin et SANDRIA P. BOULIANE poursuit son entrevue.
SANDRIA P. BOULIANE :
Donc, on a aussi une forme peut-être de désillusion, les gens veulent entendre autre chose, il y a des artistes qui prennent une pause, d’autres qui se renouvellent. Donc, on va quand même avoir tout un courant plus underground qui va être développé avec le new wave, avec le punk aussi qui prend de plus en plus sa lancée et le hip-hop aussi dans ces années-là.
Un grincement d’enregistrement qui est accéléré se fait entendre, puis un extrait de la chanson « Alouette, gentille alouette » est présenté.
FEMME :
Chantant
♪ Alouette gentille alouette ♪
♪ Alouette je te plumerai ♪
♪ Je te plumerai la tête ♪
♪ Je te plumerai la tête ♪
♪ Alouette je te plumerai ♪
L’extrait prend fin et SANDRIA P. BOULIANE poursuit son entrevue.
SANDRIA P. BOULIANE :
Ce que je peux dire à partir de registres d’enregistrements dans les années 20 de certaines compagnies qui étaient basées à Montréal comme la compagnie The Berliner, l’entreprise Compo et les Disques Star, eh bien, c’est que chacun va produire un nombre assez similaire d’enregistrements francophones et anglophones, mais dans les journaux, du moins au Québec, c’est vraiment la production francophone qui va être mise de l’avant. Donc, ça semble être une industrie qui fonctionne très bien déjà à l’époque. Mais là, il y a un autre média qui s’ajoute aussi dans les années 20, c’est la radio.
Un extrait d’archives de radio est présenté.
ANIMATEUR RADIO :
Grâce à la compagnie de thé Salada, vous avez entendu les dernières nouvelles du jour qui vous ont été présentées du poste CKAC. La compagnie vous dit maintenant…
SANDRIA P. BOULIANE poursuit son entrevue.
SANDRIA P. BOULIANE :
Et ce qui est fascinant, c’est qu’on est avec des ondes AM à l’époque et ça, ça voyage très, très loin. Donc, la radio bilingue, surtout à l’époque, CKAC, va pouvoir diffuser sa programmation, qu’elle soit en français ou en anglais, sur un très vaste territoire. Donc, d’un océan à l’autre et même jusque dans le sud de la Californie. Ça nous permet de voir le rayonnement que pouvaient avoir la culture ou les programmes en français. Mais il est vrai qu’à l’inverse, énormément de radios anglophones de l’extérieur et des États-Unis surtout étaient accessibles à la population canadienne et canadienne-française. Déjà, on voit ici qu’il va y avoir deux poids, deux mesures parce que l’offre est déjà beaucoup plus grande du côté anglophone que celle qui est produite du côté francophone.
Un grésillement de radio se fait entendre, suivi du bruit de changement de chaînes à la télévision.
SANDRIA P. BOULIANE :
Au cours des années 50, d’abord, il y a la télévision vraiment qui intègre les foyers de manière massive. Alors qu’on a la montée des artistes venus de Grande-Bretagne, comme les Beatles et les Rolling Stones, et qui va permettre, donc, d’offrir une porte d’entrée à la musique populaire, mais en y ajoutant sa dimension visuelle. Et ça, ça va être très attractif chez les jeunes. La première émission qui va prendre cette direction-là, bien, c’est « Jeunesse d’aujourd’hui », qui va être à Télé-Métropole. Le succès est immédiat. Donc, plutôt que de dépendre vraiment des radios et des 45 tours, eh bien là, maintenant, il y a aussi la télévision qui devient extrêmement importante dans le fait de porter attention sur des artistes émergents.
De la musique yéyé joue et ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Ce qu’on voyait à « Jeunesse d’aujourd’hui », c’était les groupes yéyé. César et les Romains, les Milady’s, les Baronets, il y en avait vraiment beaucoup. Avec ses chansons légères qui faisaient danser les jeunes, la musique yéyé a régné durant une bonne partie des années 60. On dit même qu’en 1967, les ventes de disques yéyé au Québec ont dépassé celles des Américains et des Européens combinés. Ce qui est paradoxal pour moi, c’est que le yéyé était en grande partie des traductions québécoises de chansons populaires anglaises.
Un extrait de la chanson « Twiste et chante » des Baronets joue.
LES BARONETS :
Chantant
♪ Eh oui oublie oublie ta peine ♪
♪ Oublie ta peine ♪
♪ Twiste et chante ♪
♪ Twiste et chante ♪
♪ Oublie oublie tous tes problèmes ♪
♪ Tous tes problèmes ♪
♪ Et puis cet amour qui te hante ♪
♪ Qui te hante ♪
♪ Oui ne t’en fais pas ♪
♪ Ne t’en fais pas ♪
L’extrait prend fin et SANDRIA P. BOULIANE poursuit son entrevue.
SANDRIA P. BOULIANE :
C’est jusqu’à 500 groupes yéyé qui auraient été créés au cours des années 60, début années 70. Non pas tous des groupes qui vont connaître vraiment le succès pancanadien ou provincial, mais beaucoup de petits succès locaux. Donc, dans les paroisses, il y avait tout un réseau entre paroisses et sous-sols d’église où les artistes du coin, mais aussi les plus grandes vedettes des grandes villes pouvaient aussi circuler fréquemment à travers la province, mais aussi en bordure, donc, de l’Ontario français, les maritimes et du côté des États-Unis francophones. Au Québec, certaines chansons vont être plus rapidement connues d’un grand nombre dans leur version en français que leur version originale.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Moi, c’est dans le ventre de ma mère que j’ai connu la fin de l’époque yéyé. Mais si j’avais vécu à cette époque-là, j’aurais probablement écouté un 45 tours original des Beatles plutôt que celui des Baronets.
SANDRIA P. BOULIANE poursuit son entrevue.
SANDRIA P. BOULIANE :
Avec les années 70, on a un déclin, en effet, du yéyé et là, on va donc retrouver un intérêt pour essayer de représenter peut-être l’identité québécoise. Il faut pas oublier qu’on a eu la fameuse Exposition universelle qui porte à croire qu’au Québec, les gens ont tout ce qu’il faut pour produire quelque chose d’intéressant et qui ne va pas simplement intéresser les gens de la province, mais qui peut aussi, pouvoir émaner et rayonner en dehors. Alors, on va voir toutes sortes de tentatives. On connaît bien, par exemple, le succès que vont avoir des artistes comme Harmonium, aussi comme Beau Dommage ou encore Robert Charlebois. Le premier à arriver à avoir un succès en adaptant une instrumentation tout à fait rock, avec des instruments électrifiés, en adaptant ça à un langage et des thématiques qui vont être plus près de ce qu’on pourrait associer à l’identité québécoise.
Un extrait de la chanson « Le Canada » de ROBERT CHARLEBOIS joue.
ROBERT CHARLEBOIS :
Chantant
♪ Le Canada ah ah ♪
♪ Ah ah ah ah ♪
♪ Que c’est qu’c’est ça ah ah ♪
♪ Ah ah ah ah ♪
♪ D’la bouillie bouillie bouillie bouillie bouillie pour les chats ah ♪
♪ Moé chu pu là soda ♪
L’extrait prend fin et ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Il faut quand même le dire, la décennie des années 70, ça a été l’âge d’or de la musique rock en général. Les francophones étaient aussi dans le coup. La musique était beaucoup inspirée par la culture hippie et la scène musicale de la côte ouest des États-Unis. On expérimentait. C’était la mode des albums concept. La musique était authentique et souvent identitaire.
Un extrait de la chanson « La complainte du Maréchal Biron » du groupe Garolou joue.
MICHEL LALONDE :
Chantant
♪ Quand Biron rentra dans Paris ♪
♪ C’est pour jouer avec la reine ♪
♪ Quand Biron rentra dans Paris ♪
♪ C’est pour jouer avec la reine ♪
♪ Arrête arrête Charles Biron ♪
♪ Tu vas coucher dans les prisons ♪
L’extrait prend fin et ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Michel Lalonde, le chanteur de Garolou, a grandi à Glen Robertson dans l’Est ontarien. Dans les années 70, son groupe a connu un succès important au Québec et au Canada.
MICHEL LALONDE s’exprime en entrevue.
MICHEL LALONDE :
Quand j’ai commencé à m’intéresser à la chanson, c’était la chanson en anglais. À l’époque, on faisait ce qu’on appelle en bon français du cover. Mais quand on a commencé à vouloir aller un peu plus loin, nous autres, on jouait beaucoup au Québec, puis c’est là qu’on a rencontré un producteur à Montréal qui nous a encouragés peut-être d’écrire en français. Je dois avouer que c’était pas concluant parce qu’étant donné que moi, j’avais pas l’habitude d’écrire, plus d’interpréter, c’est après, avec Garolou qu’on a fait vraiment de l’adaptation. C’est là que j’ai commencé à plonger plus, décortiquer des textes puis plus comprendre un peu qu’est-ce que c’était d’écrire.
Un extrait d’archives d’un gala de l’ADISQ est présenté.
ANIMATRICE DU GALA :
En nomination pour le microsillon dans la section folklore et traditionnel de l’année, le gagnant est… Garolou !
Des applaudissements et des acclamations retentissent.
ÉRIC BACHAND :
S’adressant au public de l’émission
Garolou avait une recette gagnante. Leurs chansons étaient un bon mariage d’adaptation de chansons traditionnelles canadiennes-françaises avec des arrangements musicaux folk rock progressif.
MICHEL LALONDE poursuit son entrevue.
MICHEL LALONDE :
Je me suis assis avec ma guitare et j’ai commencé justement à essayer de voir comment je pourrais pas conjuguer le folklore que mon père avait chanté avec moi, ce que je connaissais qui était les Beatles, qui était 10cc, la vague britannique, si je peux dire. Je me suis dit : Ça pourrait marcher, ça, ensemble. C’était un peu par osmose, tu sais. C’était l’époque de Pink Floyd, de King Crimson, Jethro Tull, toute une école de musique anglaise qui était moins rock américain, qui était plus autour du contrepoint. Il y avait des côtés classiques un peu, il y avait un côté trad. Il y avait un mélange là-dedans qui était très attirant pour moi. Progressif si on veut. Fait que toutes ces influences étaient là.
Un autre extrait de la chanson « Maréchal Biron » du groupe Garolou joue.
MICHEL LALONDE :
Chantant
♪ Biron tu as parlé trop tard ♪
♪ J’en ai perdu la souvenance ♪
♪ Biron tu as parlé trop tard ♪
♪ J’en ai perdu ♪
L’extrait prend fin.
ÉRIC s’adresse à MICHEL LALONDE en entrevue.
ÉRIC BACHAND :
Mais toi, tu es bilingue. Le goût de chanter en anglais pour rejoindre un plus grand marché, ça t’intéressait pas ?
MICHEL LALONDE :
Non, mais notre marché à nous était plus le marché francophone. C’est sûr qu’écoute, tu sais, t’as 20 ans puis t’as un band, tu peux pas imaginer que tu vas faire un succès en Californie. Tu vas peut-être faire un succès à Vaudreuil, tu sais, ou bien donc à Québec. Non, c’est vrai. Donc, dans ce sens-là, c’était notre public. Et puis, on était attirés un peu par trouver un peu notre identité là-dedans, tu sais, comme groupe.
AIMÉ discute avec ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Donc, mis à part l’effervescence du rock de l’époque, est-ce qu’il y avait d’autres raisons pour expliquer la popularité de la chanson francophone dans les années 70 ?
ÉRIC BACHAND :
Bien, je dirais qu’il y a peut-être deux choses assez importantes qui se sont passées durant ces années-là. En 1973, il y a le CRTC, qui est le « Conseil de radio et de télévision canadiennes » qui a imposé des quotas de contenu canadien francophone. Ça, ça veut dire que les radios francophones étaient obligées de présenter dans une journée 65 % de contenu francophone. Ça, ça a été vraiment un incitatif qui a stimulé beaucoup l’industrie du disque de la musique franco parce qu’il y avait des redevances aussi liées à ça. Il y a aussi un personnage de la scène musicale qui s’appelle André Perry qui est vraiment un avant-gardiste, quelqu’un qui a poussé les artistes à se dépasser ou à se redéfinir. C’est lui aussi qui est fondateur de l’ADISQ puis c’est lui qui est derrière l’album « Jaune » de Jean-Pierre Ferland. Puis, on dit même que c’est lui qui a proposé à Jean-Pierre Ferland de chanter différemment. Parce qu’avant, on le connaissait plus chanson française.
God is an American
Cantare[Un extrait de la chanson God is an American de JEAN-PIERRE FERLAND joue.]
JEAN-PIERRE FERLAND :
Chantant
♪ Vous pensez qu’c’est facile de choisir avec vos grandes gueules ♪
♪ Vous pensez qu’c’est facile d’être un dieu un homme un Saint-Esprit aussi ♪
♪ Il y a des fois j’mettrais l’feu dans tout ça comme j’ai fait à Sodome ♪
♪ Ou j’f’rais l’coup d’la marée comme j’ai fait à Noé ♪
L’extrait prend fin et ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Peut-être que si j’étais né une décennie plus tôt, j’aurais moi aussi été un fan des groupes francophones d’ici. Mais quand j’y pense, c’est vrai que mon amour pour la musique en français a fini par se développer. Le déclic s’est fait d’une façon un peu étrange et presque anecdotique. J’en ai parlé à mon frère.
[Un court extrait de la chanson «I’ve Got The Message du groupe Men Without Hats joue.]
ÉRIC et son FRÈRE discutent.
ÉRIC BACHAND :
Et je me rappelle, t’avais acheté l’album Rhythm of Youth de Men Without Hats. Je découvre une chanson, ça s’appelle I’ve Got The Message. Dans cette chanson-là, il y a des petites phrases en français. J’ai l’impression que ça a éveillé quelque chose en moi, tu sais, par rapport à… « Oui, ça peut être correct du français dans des chansons. » Parce qu’avant ça, moi, j’étais devant mon miroir puis je rêvais secrètement d’être un chanteur dans un groupe rock.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Riant
C’est vrai ? Tu me dis ça là ?
ÉRIC BACHAND :
Je te dis ça là. Mais je chantais en anglais puis des fois, je chantais en français et, bien, les deux, ça marchait pas, mais ça marchait encore moins en français.
[Un ENFANT chante par-dessus la chanson «I’ve Got The Message du groupe Men Without Hats.]
ENFANT :
Chantant
♪ C’est moi ♪
♪ C’est toi ♪
♪ C’est nous ♪
♪ Et c’est cool ♪
CHANTEUR :
Chantant
♪ C’est long ♪
♪ C’est dur ♪
La chanson s’arrête et ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
C’est vrai que les petits bouts de français dans les chansons de Men Without Hats ont éveillé mon intérêt. Mais c’est plus vers 1986, en même temps que l’arrivée de MusiquePlus, que le déclic s’est fait.
Un extrait d’archives est présenté.
JOURNALISTE :
Ça fait longtemps qu’on l’attendait, notre première télévidéo en français. Eh bien, ce soir, le rêve devient réalité. C’est ici, en plein coeur de Montréal, que toute l’équipe de MusiquePlus s’affaire à réaliser, penser, produire…
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
La musicologue Sandria P. Bouliane me rappelle l’importance de se voir dans les médias.
L’extrait d’archives prend fin et SANDRIA P. BOULIANE poursuit son entrevue.
SANDRIA P. BOULIANE :
Je pense qu’avec le yéyé, ça a été super stimulant pour les jeunes de voir ce qui était possible, voir ce qui était beau. Puis, je pense qu’il y a eu quelque chose de semblable avec MusiquePlus parce qu’on peut voir des choses qu’on juge cool et à la mode, dans le vent et intéressantes qui se passent en français de manière à ce qu’on puisse s’identifier, eh bien, ça va solliciter un engouement plus important, je pense.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
MusiquePlus, ça a permis de multiplier les occasions d’entendre de la musique francophone de qualité et d’entendre des artistes nous parler en français. C’est là où la première fois, j’ai vu les Rita Mitsouko, Indochine, le groupe québécois Madame, Paparazzi. Je me souviens que le Britannique Marc Almond de Soft Cell avait partagé à MusiquePlus son amour pour Jacques Brel. Le lendemain, j’allais acheter mon premier vinyle de Jacques Brel. Mon frère et moi, on a eu ce coup de foudre initial pour la musique franco en même temps.
ÉRIC et son FRÈRE discutent.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Là, ça a été plus avec toi, j’ai l’impression, qu’on a découvert ça. Parce que là, j’avais pas une longueur d’avance sur toi. C’était juste une question de temps où le rendez-vous se réalise avec toute cette grande oeuvre-là qui est la musique francophone, la musique française. Pour moi, je pense que c’est Jacques Brel qui nous a tout ouvert cet univers-là par la beauté des textes, par la musique, par l’univers exceptionnel. Puis, là, tout a déboulé.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
C’est vrai que tout a changé après. Avec Brel, je me suis intéressé au texte des chansons pour la première fois. Je peux même dire que j’ai pleuré mes peines d’amour plus longtemps à cause de Brel. Il faut dire que dans la deuxième moitié des années 80, je m’en allais vers mes 18 ans. J’avais un esprit plus ouvert qu’à 12 ans. En tant que mélomane, je me suis souvent demandé qu’est-ce qui nous attire dans la musique. Qu’est-ce qui se passe dans notre cerveau quand on entend une chanson qu’on aime. Est-ce que ma langue maternelle a un impact dans tout ça ? J’ai rejoint en France le neuropsychologue Hervé Platel, chercheur mondialement connu, notamment pour avoir été un des premiers à observer le cerveau sous l’influence de la musique.
HERVÉ PLATEL s’exprime en entrevue.
HERVÉ PLATEL :
Il y a beaucoup de gens qui comprennent pas l’anglais, mais qui aiment beaucoup, par exemple, la voix de certains chanteurs. Donc, en fait, ce qui leur provoque une émotion, bien, c’est la voix des chanteurs et même s’il y a aucune compréhension.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Ça, c’est mon cas. J’ai l’impression que si j’aimais tant la musique anglophone, c’est aussi parce qu’à mes yeux, ça me semblait plus poétique, plus vague parce que je comprenais pas nécessairement toute l’histoire qui était racontée. Par contre, en français, je comprenais bien ce qu’on disait. Je trouvais ça quétaine, trop sentimental. Tu sais, à 14 ans, j’étais pas pressé de devenir une réplique de mes parents.
HERVÉ PLATEL poursuit son entrevue.
HERVÉ PLATEL :
Les quelques mots qu’on comprend, même si on comprend pas l’articulation de tout, eh bien, suffit à stimuler l’imaginaire et en définitive, on est presque plus content de construire une compréhension et un imaginaire autour de la chanson plutôt que de comprendre littéralement ce que ça veut dire.
Riant
Parce que parfois, on peut être déçus parce que quand on finit par comprendre vraiment les paroles, on se dit : « Ah bon, ça ne parle que de ça. Bon, bien moi, j’avais imaginé un scénario un peu plus sophistiqué. »
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Hervé Platel m’explique qu’il y a un renouveau dans le domaine des neurosciences cognitives et de la musique. Il me parle des travaux de Robert Zatorre de l’Université McGill sur le frisson musical. Lui et son équipe ont découvert qu’il y avait une chose très importante dans notre cerveau : l’anticipation.
HERVÉ PLATEL poursuit son entrevue.
HERVÉ PLATEL :
En fait, quand vous demandez aux gens pourquoi ce morceau-là, il vous provoque le frisson, et ils disent : « Bien, je le connais et je sais qu’à un moment donné, il y a la guitare qui arrive ou les violons qui arrivent et puis ça monte, ça monte. Ah oui, j’adore ça, et là, j’ai le frisson. » Donc, on voit bien que pour beaucoup d’auditeurs, le frisson en musique est lié au fait d’anticiper ce que l’on connaît, c’est un effet mémoire. Donc, je suis dans un terrain connu et puis, bien, je sais comment ça va se passer. Et donc, quand cette chose se produit, bien, pour notre cerveau, c’est une récompense. Même quand c’est de la musique que vous connaissez pas, il fait référence aux expériences antérieures. Il dit : « Ah ! Tiens, ça, ça me rappelle ça. Non, c’est pas ça. Ah oui, ça, j’apprécie quand c’est comme ça. » Et : « Est-ce que ça va continuer comme ça ? Est-ce que je vais être surpris ou est-ce que je vais avoir une confirmation de mes attentes ? » Et même quand c’est pas connu, eh bien, je construis quand même des attentes. Le plaisir qu’on ressent à la musique, c’est vrai et ça se construit dès la petite enfance et chez l’adolescent, et en particulier dans l’adolescence, il se joue quelque chose de très important, eh bien, ce plaisir-là, il est pas inné. Il se construit, il s’élabore. C’est un plaisir qui s’éduque.
AIMÉ discute avec ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
C’est vraiment intéressant, les propos d’Hervé Platel parce que pour moi, quand je pense au frisson musical ou aux fois où j’ai ressenti de la chair de poule, j’avais tout le temps l’impression que c’était plutôt dû à un style musical particulier ou à, tu sais, un timbre de voix. Je pense à des chansons comme « Hallelujah ». Puis là, toute la question de l’anticipation, de comment ça se construit à travers notre vie, bien, c’est de la nouvelle information et je t’avoue que ça me surprend, tu sais, d’apprendre ça.
ÉRIC BACHAND :
Ce que j’ai retenu beaucoup d’Hervé Platel, c’est l’aspect que le plaisir musical, c’est pas inné en fait. Ça, c’est quelque chose qui me rejoint puis qui m’a rappelé comment je me suis aventuré et comment je m’aventure encore dans le plaisir musical, tu sais. L’idée de faire des liens.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Mais c’est ça, puis en fait, il y a la question personnelle, la question de comment on se construit. Mais tu sais, quand on parle de construction de soi, c’est aussi, bien, le milieu dans lequel on vit et je pense que ça, bien, c’est intéressant aussi de savoir comment est-ce que si je nais en Ontario et je suis baigné à la fois dans la culture francophone et anglophone, comment est-ce que ça peut changer mon plaisir musical finalement.
Un extrait d’une chanson de DANY LAJEUNESSE joue.
DANY LAJEUNESSE :
Chantant
♪ I’ve been thinking about it it’s so bad ♪
♪ I’ve been dreaming about it it’s so bad baby ♪
♪ Working around and it’s so bad ♪
♪ I’ve been trying to get it straight ♪
♪ Between here and there and 1998 ♪
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Ça, c’est Dany Lajeunesse. Il est originaire de Kirkland Lake, une petite ville dans le nord de l’Ontario. Comme 20 % de la population de là-bas, Dany, c’est un Franco-Ontarien.
ÉRIC va rencontrer DANY LAJEUNESSE.
ÉRIC BACHAND :
Eille ! Salut. Ça va ?
DANY LAJEUNESSE :
Oui, oui.
ÉRIC BACHAND :
C’est ici que tu te caches, Dany Laj.
DANY LAJEUNESSE :
Bien oui. Dans le trou.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Sans le savoir, c’est un peu lui qui m’a fait réfléchir à ma propre relation avec la musique francophone. Je le retrouve chez lui dans son studio.
ÉRIC et DANY LAJEUNESSE discutent dans le studio de DANY.
ÉRIC BACHAND :
C’est une chanson en français, ça.
DANY LAJEUNESSE :
La chanson, les paroles sont en français, oui. On est rendus dans le solo. Je suis en train de mixer un peu voir qu’est-ce qui se passe dedans. C’est comme du surf un peu.
DANY LAJEUNESSE fait jouer un extrait d’une chanson sur laquelle il travaille.
CHOEUR :
Chantant
♪ Tu es la déesse inoxydable ♪
DANY LAJEUNESSE :
Les vocales sont pas mal fortes.
CHOEUR :
Chantant
♪ Je suis ton aimant tu es mon acier ♪
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Le nom de groupe de Dany, c’est « Dany Laj and the looks ». Ils font de la musique power pop en anglais. Depuis plus de dix ans, ils font des tournées de spectacle en Amérique du Nord. Récemment, Dany a commencé à composer des chansons en français, sa langue maternelle.
ÉRIC discute avec DANY LAJEUNESSE.
ÉRIC BACHAND :
Mais toi, c’est tout nouveau, le fait que tu chantes en français.
DANY LAJEUNESSE :
Oui. Je me suis identifié avec la musique anglophone, mais c’est aussi très naturel. Il faut pas l’oublier, ça, parce que c’est un fait.
ÉRIC BACHAND :
C’est ça qui est intéressant quand t’es Franco-Ontarien.
DANY LAJEUNESSE :
Hum-hum. Tu sais, je veux pas faire mal à personne en disant que c’est naturel puis je suis francophone. Tu sais, il y en a peut-être, c’est pas de même, mais pour moi, c’est de même. Je me force pas à faire de la musique anglophone. Tu comprends ? Des fois, je vois des artistes francophones qui, je trouve qu’ils se forcent pour jouer de la musique anglophone. Puis, peut-être qu’ils sont pas obligés de se forcer pour ça.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Bon, je vais faire une mise au point pour mes amis hors Ontario. Lorsque Dany parle de faire mal à personne, il fait référence au fait qu’il y a souvent quelque chose de négatif qui est sous-entendu lorsqu’un Franco-Ontarien choisit de s’exprimer en anglais.
Un autre extrait d’une chanson de DANY LAJEUNESSE joue.
DANY LAJEUNESSE :
Chantant
♪ I’ve been trying to get it straight ♪
♪ Between here and there and 1998 ♪
♪ Afraid of everyone ♪
ÉRIC poursuit sa discussion avec DANY LAJEUNESSE.
ÉRIC BACHAND :
Toi, Dany, t’es allé à l’école en français. On devait t’exposer à la culture francophone et t’as quand même décidé de chanter en anglais. Te rappelles-tu t’être demandé à un certain moment : « Moi, je chante dans quelle langue ? » ou c’était automatique de chanter en anglais ?
DANY LAJEUNESSE :
Oui puis non. Les orchestres punk, la musique était anglophone, fait que j’étais pas pour changer la norme à Kirkland Lake dans ce temps-là. Mais si je restais peut-être anglophone, j’étais capable de jouer des shows et faire des affaires de même. Fait que ça m’a aidé de même. Mais j’ai voulu tout le temps jouer de la musique francophone, tu sais, mais c’est parce que mes opportunités étaient toutes anglophones. Mais là, je vois que je suis capable. J’ai une audience qui connaît ma musique fait que le monde veut en savoir plus. « Mais il est français, pourquoi tu parles pas en français ? » Puis là, je leur donne du français. I make French music for English people.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Surprenamment, c’est les radios anglos qui ont fait jouer ses chansons françaises. Comme quoi la langue, c’est pas toujours une barrière. Dany Laj, c’est pas le seul francophone à chanter en anglais. C’est une pratique assez courante, pas seulement ici, mais partout dans le monde. Mais des anglos qui choisissent de chanter en français, c’est pas mal plus rare. Et ça, ça m’a vraiment intrigué.
Un extrait de la chanson « Le Charleston » d’ANDREA LINDSAY joue.
ANDREA LINDSAY :
Chantant
♪ J’ai jamais compris comment on danse le charleston ♪
♪ J’ai jamais compris comment on danse le charleston non ♪
♪ Quand le ragtime joue et la scène est à moi ♪
♪ J’ai les bras figés et les pieds maladroits ♪
♪ Oh mais si je savais je danserais je danserais oui ♪
♪ Si je savais je danserais je danserais comme ça ♪
Dans la chanson, ANDREA LINDSAY fait un rythme avec sa voix, puis l’extrait prend fin.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Andrea Lindsay a grandi dans une famille anglophone de Guelph en Ontario. Aujourd’hui, elle poursuit une carrière d’auteure-compositrice-interprète principalement en français.
ANDREA LINDSAY s’exprime en entrevue.
ANDREA LINDSAY :
Ma vie a changé musicalement, linguistiquement on peut dire quand j’ai rencontré un Français de France qui était un étudiant d’échange chez nous. Quelqu’un qui avait mon âge aussi. Puis lui, il m’a fait une cassette de ses chansons de chez lui. Il voulait justement que je connaisse ces chansons. Puis, mon Dieu, je connaissais pas du tout Serge Gainsbourg, Francis Cabrel, il y avait Georges Brassens, quoi d’autre sur la cassette ? Il y avait des affaires plus modernes aussi, modernes pour l’époque, on parle de peut-être 1994, là. Mais j’ai allumé tellement sur Serge Gainsbourg. Il y avait « Couleur Café », il y avait « Le Poinçonneur des Lilas »… Ça m’intéressait. Il y avait une passion là.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
C’est à 18 ans qu’Andrea a décidé de plonger dans la culture francophone. Elle est partie en France durant un an pour travailler comme fille au pair et poursuivre des études en littérature française. C’est à ce moment-là qu’elle a appris son français.
ANDREA LINDSAY poursuit son entrevue.
ANDREA LINDSAY :
Je me cherchais, comme beaucoup de monde à 18 ans, on cherche : « Qu’est-ce que je veux faire avec ma vie ? Qu’est-ce que j’aime ? » Je me rappelle, je suis allée en France puis je comprenais pas la langue, mais plus que je comprenais des petits mots, plus que… J’aimais bien la musicalité puis j’aimais bien la langue. Donc, il y avait une certaine poésie et une certaine complexité qui me rejoignaient. Donc, c’était plus linguistiquement au début. Puis, des années plus tard, je me disais : « Ah ! Pourquoi pas rejoindre ces deux passions ensemble, comme, ma passion pour la musique et ma passion pour la langue française ? » Les deux, c’est des passions. Les deux, ça m’allume. Tu sais, il y a quelque chose là, une petite étincelle. Je me suis dit pourquoi pas. Donc, j’ai fait mon premier album solo en français.
Un autre extrait de la chanson « Le Charleston » d’ANDREA LINDSAY joue.
ANDREA LINDSAY :
Chantant
♪ J’ai jamais compris comment on jouait du piano ♪
♪ J’ai jamais compris comment on jouait du piano oh ♪
♪ Quand la fanfare passe et ils se mettent à jouer ♪
♪ J’ai les idées lasses et les doigts fatigués ♪
♪ Oh mais si je savais je jouerais je jouerais oui ♪
♪ Si je savais je jouerais je jouerais comme ça ♪
Dans la chanson, ANDREA LINDSAY fredonne sur la musique.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Ça m’impressionne, le parcours d’Andrea Lindsay et ça me rassure de voir que le français chanté a aussi un pouvoir de séduction. Il y a d’autres exemples d’artistes anglophones qui ont fait carrière en français comme Jim Corcoran, Nanette Workman, Jane Birkin… Et c’est sans compter David Bowie qui a chanté Heroes en français ou les Beatles avec leur chanson « Michelle ». J’ai demandé à Andrea Lindsay si avant l’histoire de la cassette française, elle écoutait de la musique francophone durant son enfance.
ANDREA LINDSAY poursuit son entrevue.
ANDREA LINDSAY :
Avec ma mère, on écoutait beaucoup les chaînes radio qu’on appelle les oldies. Donc, la musique des années 50, 60, 70, mais pratiquement exclusivement en anglais. C’est vrai que comme anglophone, parfois, on imagine que si tu peux pas comprendre, est-ce qu’on l’écoute ? C’est toujours cette question-là. C’est pas conscient, je trouve, mais il y avait de ma part une paresse. Je me rappelle, parfois, j’écoutais la radio et je scannais, tu sais, j’essayais de choisir une chaîne puis si c’était en français, pas fière de ça, mais souvent, je « switchais », je donnais même pas une chance. Mon Dieu qu’on peut rater des affaires avec cette façon de penser là.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Et si le français était juste moins musical ? Ça pourrait expliquer le charme de l’anglais. J’ai demandé aux musiciens que j’ai rencontrés ce qu’ils en pensent.
DANY LAJEUNESSE répond à la question.
DANY LAJEUNESSE :
Non. Pour moi, la langue dans la musique, quand je fais mon DJ, quand j’écris de la musique, c’est pas ça qui est le plus important. La musique est plus importante. La musique, c’est ça qui va faire bouger.
ANDREA LINDSAY répond à la question.
ANDREA LINDSAY :
Non, je pense pas. Justement, le français, ça a sa propre mélodie.
MICHEL LALONDE répond à la question.
MICHEL LALONDE :
Et je pense que ce soit l’anglais, le français, l’italien, il y a des langues qui se prêtent mieux à certaines mélodies et puis je pense que le rock a été beaucoup une musique qui a été collée tellement à l’anglais qu’on s’est imprimé un peu de la sonorité du rock, des mélodies rock en anglais dans nos têtes.
ANDREA LINDSAY continue sa réponse.
ANDREA LINDSAY :
Je pense que l’anglais, par exemple, c’est plus monosyllabique. Comme, je pense aux Rolling Stones, I Can’t Get No Satisfaction, tu sais, il y a quelque chose rythmiquement qui peut être peut-être parfois plus facile.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Je m’étais jamais arrêté à la question linguistique, mais les points de vue des musiciens m’ont donné envie d’en savoir plus. Je me suis demandé ce qu’un linguiste aurait à dire sur la question. Bernard Cerquiglini, linguiste français émérite, a accepté de répondre à mes questions.
BERNARD CERQUIGLINI s’exprime en entrevue.
BERNARD CERQUIGLINI :
C’est un sujet délicat. Hein, sujet délicat. Nous aimons tous la langue française. On pourrait dire que la musicalité d’une langue n’est pas une question linguistique. On pourrait dire, après tout : « Telle langue est ma langue maternelle, c’est la langue de ma maman, j’aime ma maman, j’aime ma langue, j’aime sa musicalité et je chante et je m’enchante dans la langue. » Hein ? Donc, 1000 précautions. Maintenant que les précautions sont faites, que j’ai montré mon passeport, je répondrais… Mais moi, en tant que linguiste, oui, je pense qu’il y a des langues plus musicales que d’autres. Et j’ajouterais : je pense que le français n’est pas au nombre des plus musicales.
Un grincement de vinyle se fait entendre.
BERNARD CERQUIGLINI :
Prenons une langue comme l’italien. Bon, vous et moi, nous avons l’intuition que l’italien est une langue musicale. Et pourquoi l’italien est musical ? Par sa phonétique. Et je verrais deux raisons. Et du coup, on va voir par rapport au français. La première, ce sont les voyelles de l’italien. Hein, les voyelles de l’italien sont beaucoup plus claires, beaucoup plus ouvertes. Un « A » italien, c’est « A » ! Cantare. Vous voyez, vous chantez déjà. Cantare. Et puis, il y a un autre qui est peu connu, c’est l’accentuation. Vous savez, quand on parle, on accentue certaines voyelles des mots. En italien, l’accent peut prendre trois positions : la dernière voyelle, l’avant-dernière ou l’avant-avant-dernière. Et même parfois l’avant-avant-dernière. « César arrive en ville ». Hein ? Cesare arriva de la cita. C’est-à-dire l’avant-avant-dernière, Cesare, arriva, l’avant-dernière, de la chita, la dernière. C’est-à-dire que l’accent bouge comme ça.
[Un extrait de la chanson Brindisi de l’opéra en italien «La traviata» de Giuseppe Verdi joue.]
BERNARD CERQUIGLINI :
Donc, il y a du rythme dans l’italien comme il y a du rythme dans l’anglais puisque l’anglais a un accent qui voyage aussi.
La chanson arrête de jouer.
BERNARD CERQUIGLINI :
Malheureusement, le français, il a un accent fixe. On met l’accent sur la dernière voyelle prononcée : « César arrive en ville ». On a donc une langue qui a un rythme extrêmement régulier, c’est bien, mais sans changement de rythme. Vous voyez ? Et il y a pas de contre-rythme en français. Pratiquement pas. C’est donc une langue assez monotone.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
J’ai aussi demandé à Bernard Cerquiglini si la langue anglaise a aussi l’avantage d’être plus musicale que le français.
BERNARD CERQUIGLINI répond à la question.
BERNARD CERQUIGLINI :
J’ai envie de dire oui. C’est triste, mais l’anglais, qui n’a pas été mis au carré comme le français, a une syntaxe beaucoup plus souple et donc, on peut bouger les choses en anglais. L’anglais, c’est du caoutchouc. La force de l’anglais, c’est sa brièveté, son côté consonantique qui fait merveille dans le rap. Or, quand vous regardez des textes français de rap, là, vous avez une langue qui n’est peut-être pas musicale au sens traditionnel, mais qui est pas mal rythmée. La troncation, c’est peut-être un moyen d’obtenir une langue brève, consonantique, percutante. En écoutant du rap, j’entends un français rythmique.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Depuis quelques années, j’ai découvert l’univers de la musique rap grâce à mon fils qui, comme moi quand j’avais 15 ans, écoute beaucoup, beaucoup de musique. Lui, c’est la culture hip-hop qui le passionne. Même s’il écoute beaucoup de rap anglophone, contrairement à moi, il a pas tardé à s’ouvrir au rap en français. Je suis fasciné par le son de ce qu’il me fait découvrir. Autant par ce qu’il appelle les beats, la musique, que par la musicalité des textes. Ce qui me frappe, c’est aussi la liberté dans la façon d’utiliser le français parlé. Par exemple, on emprunte beaucoup à l’anglais. On abrège les mots. « Garde à vue » devient « gardav ! », « cas social » devient « casso ». Ces effets de style, ils contribuent à rendre le français ou ce qu’il en reste plus mélodieux.
Un extrait de la chanson « Goélands » de MARIE-GOLD joue sans la partie instrumentale.
MARIE-GOLD :
Rappant
J’sais pas où j’suis sauf que j’peux pas rester
J’peux pas respirer
j’ai pris un shit c’est pas de l’aspirine
One at a time
ce serait pas anodin
Mais j’ai l’agenda
j’peux pas /langue_etrangereturn up demain
J’prends tout
Les fakes
Ici on travaille pas qu’à’ jeun
Pas cajolée yeah
c’est la jungle
En pré-drink
on s’est mises au parfum
Pas parfaites
il faut pas qu’on plafonne
T’écoutes que parfois
T’entends que si
tu nous parles fort
Goélands
MARIE-GOLD s’exprime en entrevue.
MARIE-GOLD :
Mon nom, c’est Marie-Gold. Je suis une rappeuse québécoise. Je rappe en français. En fait, je dirais que je deviens de plus en plus proche d’un bon pourcentage francophone, mais clairement avec des petits « slangs » anglophones par-ci par-là.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Marie-Gold me raconte qu’elle a grandi en écoutant du Malajube, Jean Leloup, Ariane Moffatt. En fait, son père avait le Studio Victor, qui était un lieu mythique d’enregistrement à Montréal. Donc, très jeune, elle a baigné dans la potion magique d’Obélix. Mais elle me dit aussi qu’à l’école au secondaire, au cégep, il y a des personnes qui lui ont fait découvrir avec grande fierté sa culture francophone. C’est aussi ça qui a contribué à son sentiment d’appartenance.
MARIE-GOLD poursuit son entrevue.
MARIE-GOLD :
Je fais du rap. Évidemment, moi, ce que je veux, c’est aussi faire des rimes et des jeux de mots puis quand je passe du français à l’anglais dans mes chansons, ça se fait quand même naturellement. Le français et l’anglais, ça me permet d’avoir deux terrains de jeux qui me font un plus grand terrain de jeux au final. C’est aussi comme ça que je peux m’exprimer avec certains amis proches. Chaque langue permet d’exprimer des émotions différentes ou sont associées aussi au contexte dans lequel tu l’as apprise, à la mentalité, à la culture de la langue. Je le sens vraiment quand je vais m’exprimer en anglais, je vais un peu avoir une vibe peut-être différente dans les propos que je choisis.
Un autre extrait de la chanson « Goélands » de MARIE-GOLD joue, cette fois avec la partie instrumentale.
CHOEUR :
Rappant
♪ Avale la scrap ♪
♪ Eille tu croyais quoi ♪
♪ Qu’on pouvait pas handle ♪
♪ Eille tu croyais quoi ♪
♪ Verres payés ou rien d’autre ♪
♪ Si on marche pas droit ♪
♪ On prend sur nos épaules ♪
♪ Eille tu croyais quoi ♪
♪ Eille tu croyais quoi ♪
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
J’ai l’impression que le rap francophone avec son franglais est en train de créer une sorte de nouveau langage, plus universel, plus inclusif. Je me demande si la police de la langue peut se réjouir de ça.
MARIE-GOLD poursuit son entrevue.
MARIE-GOLD :
Il y a beaucoup d’anglicismes qui font partie de la langue française depuis plus longtemps qu’on le pense et qui sont utilisés dans notre quotidien qu’on considère comme des mots français. Donc, à se demander si la langue et les anglicismes, le franglais enrichit la langue française, je pense que ça en ressort une langue métisse. Ça crée une nouvelle langue. Moi, je pense que dans un terme évolutif, ça en crée une autre. Mais il y a une partie de moi qui a envie de croire que par exemple, plus je consomme de mon côté du rap qui est uniquement francophone, je dois admettre que je me sens influencée par ça à utiliser plus la langue française à proprement parler. Puis, de découvrir des nouveaux mots et aussi de développer mon sentiment d’appartenance à m’exprimer dans cette langue-là. Puis, à avoir un sentiment de fierté quant à développer le marché francophone, purement francophone aussi.
Un extrait de la chanson « Impatiente » de MARIE-GOLD joue.
MARIE-GOLD :
Rappant
♪ Tout c’qui monte redescend ♪
♪ Tous les rappeurs le racontent ♪
♪ Tout vient à point à qui sait attendre ♪
♪ Dommage je suis impatiente ♪
♪ Tout c’qui monte redescend ♪
♪ Tous les rappeurs le racontent ♪
♪ Tout vient à point à qui sait attendre ♪
♪ Dommage je suis impatiente ♪
AIMÉ discute avec ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Aujourd’hui, Éric, est-ce que tu perçois la musique en français et en anglais de la même manière ? Est-ce qu’elle te parle de la même manière ?
ÉRIC BACHAND :
Bien, disons de façon générale, dans mon quotidien, je dirais que oui, que ça a changé beaucoup, tu sais, par rapport à quand j’étais jeune, j’avais beaucoup de préjugés envers les chansons francophones. Maintenant, ça n’existe plus, ça. J’aime autant les chansons françaises qu’anglophones. Par contre, ce que je remarque, c’est que quand je m’éloigne de… Supposons, maintenant, j’habite en Ontario, j’assume pleinement le fait que je suis un Franco-Ontarien, quand même, à la base, je suis un Québécois et je suis né au Québec, tout ça et des fois, ça arrive quand j’entends des vieilles chansons québécoises que j’ai aimées à l’époque où j’étais au Québec, là, ça vient me chercher, on dirait, dans mon identité. L’effet de la musique, c’est comme dans notre ADN, en fait. Puis, la musique francophone, je pense qu’elle est dans mon ADN.
ÉRIC discute avec son FRÈRE en regardant ses disques.
ÉRIC BACHAND :
Amusé
Ah, t’as racheté le Gilbert Bécaud, « Le petit oiseau de toutes les couleurs » ?
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
C’est en hommage à toi.
ÉRIC rit.
ÉRIC BACHAND :
Tu sais que ce disque-là, c’est un professeur d’école qui m’a fait écouter ce disque-là. Je ne me rappelle plus les circonstances, là.
ÉRIC s’adresse au public de l’émission.
ÉRIC BACHAND :
Aujourd’hui, peu importe la langue dans laquelle on chante, l’industrie musicale se meurt. Même si la musique est disponible partout tout le temps comme on la veut. Comme le neuropsychologue Hervé Platel le mentionnait et tout comme Andrea Lindsay l’a vécu, le plaisir musical, c’est pas inné. Ça vient de la découverte et ça s’éduque. Ma façon à moi de m’éduquer, ça a été la chance d’avoir un frère avec qui encore aujourd’hui, je partage mes découvertes musicales.
ÉRIC et son FRÈRE discutent.
ÉRIC BACHAND :
J’ai petite surprise pour toi.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Oui ? Vas-y.
ÉRIC BACHAND :
En descendant venir te voir, je suis arrêté à North Bay, il y a un magasin de vinyles, puis j’ai trouvé un disque de… Jean-Pierre Ferland. Le « Jaune ».
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Hein ? OK.
ÉRIC BACHAND :
J’étais surpris parce qu’à North Bay, oui, c’est ça… Tu veux-tu le faire jouer ?
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Oui, oui.
[Il met le disque à jouer. Le grésillement du tourne-disque se fait entendre, suivi de la chanson God is an American de JEAN-PIERRE FERLAND.]
JEAN-PIERRE FERLAND :
Chantant
♪ God is an American ♪
♪ God is an American ♪
♪ God is an American ♪
♪ American ♪
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
S’adressant au public de l’émission
Vous venez d’entendre l’épisode « Cette chanson française que je n’écoutais pas ».
Entrevue et scénarisation : Éric Bachand.
Recherche : Abigail Alves Murta.
Réalisation et animation : Éric Bachand et Aimé Majeau Beauchamp.
Musique originale : Mehdi Cayenne.
Mixage : Pierre-Luc Bar.
Production : Gisèle Quenneville.
La série « J’en perds mes mots » est présentée par ONFR+.
Abonnez-vous au balado pour retrouver tous les épisodes. Si vous avez aimé la série jusqu’à présent et que vous aimeriez participer, tentez votre chance et écrivez-nous à onfr@tfo.org. À bientôt.
JEAN-PIERRE FERLAND :
Chantant
♪ Ah, ils comprendront jamais ♪
♪ Allez, Saint-Pierre, coupe ! ♪
La musique s’arrête brusquement.
ÉRIC et son FRÈRE discutent.
ÉRIC BACHAND :
Tu t’es acheté un keyboard ?
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Oui.
ÉRIC BACHAND :
Tu vas-tu me jouer une petite toune de Gary…
Ils rient tous les deux.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
Non.
ÉRIC BACHAND :
Non, mais Gary Newman. Tu vas être capable de jouer ça. Je le connais même pas mon keyboard. Écoute, ça va me prendre au moins un an avant de le connaître. C’est pas parce que je veux pas.
ÉRIC BACHAND :
Mais est-ce que t’as essayé de jouer comme un son qui ressemblait à Gary Newman ? Oui ?
Une musique de clavier new wave se fait entendre.
FRÈRE D’ÉRIC BACHAND :
C’est juste le clavier qui fait la musique. Moi, je fais pas grand-chose pour l’instant.
English Translation
PRESENTER :
J’en perds mes mots, a podcast by ONFR+.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
Music is everywhere around us, whether we’re in a café, an elevator, holding on a phone line, or even on the street. We’ll very often be treated to music. And, sometimes, that happens whether we like it or not.
A trumpet tune is briefly heard.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
Why do we like one style more than another ? Why are we so attracted to certain rhythms, certain beats, while others give us a headache ? But the real question for us is to what extent the choice of language in which we sing plays a role in all this. My name is Aimé Majeau Beauchamp, and in today’s episode, my colleague…
ÉRIC BACHAND :
To the audience
Éric Bachand.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
… wonders about his childhood love : English music. Éric wonders why a French-speaking music lover like himself shunned songs in his mother tongue.
English radio channels with songs are switched to, one after the other.
ÉRIC BACHAND speaks to the audience.
ÉRIC BACHAND :
In 1980, I was 12 years old and living across the river from Montreal in Saint-Lambert, Quebec, a predominantly French-speaking town. On the walls of my room, there were lots of photos of Gilles Villeneuve, the first French-speaking Quebecois to race in Formula 1.
An excerpt of an automobile race is heard.
COMMENTATOR :
Amazing ! Villeneuve once again second.
The clip ends.
ÉRIC BACHAND :
It was a time where Pac-Man was the hit of the arcades.
Pac-Man sounds are heard.
ÉRIC BACHAND :
We had also just lost the first referendum, but that wasn’t so bad because I wasn’t political. Quebec culture didn’t interest me. Canadian culture even less. Most importantly, that was the year my brother took me to see my first music show. We went to see Gary Newman.
A concert with a roaring crowd and new wave music is heard.
ÉRIC BACHAND :
A pioneer of British new wave and electronic music.
[The song Me! Disconnect From You by Gary Newman is heard.]
ÉRIC BACHAND :
I am caught up in what I see and hear. After that night, I started to take a serious interest in music, but not just any music : English-language music. New wave, then rock. Music became my refuge, a field of exploration and even more than that, a way to exist.
The song continues to play.
ÉRIC BACHAND :
It’s funny, because even if I didn’t understand all the lyrics, it was still English-language music that got me. Music in French seemed less good to me.
The song stops with a record scratch.
ÉRIC BACHAND :
But why did it sound better in English ? It’s a bit like asking someone why they like chocolate. It’s hard to explain. At the time, I wasn’t too aware of why I was shunning French music. Today, I live in Sudbury, Ontario. My Franco-Ontarian reality led me to see things differently and to question my musical choices. My name is Éric Bachand. I love music and I’m a producer at TFO. In this podcast, I want to understand why French speakers like me prefer music in English. Is music in French actually less good than music in English ?
The sound of someone rummaging through a box is heard.
ÉRIC BACHAND :
To the audience
We’re in Bromont in the Eastern Townships of Quebec. I came to see the man who started it all.
ÉRIC comments while someone continues to rummage.
ÉRIC BACHAND :
My brother is pulling out vinyl records.
ÉRIC and his BROTHER laugh.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
This is the funnest job ever.
Pulling out vinyl records
Springsteen ― a staple. This is “Miles David 2020”.
ÉRIC BACHAND :
That’s rap music.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Yes.
ÉRIC BACHAND :
Arnaud listens to that.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Kendrick Lamar, yes. Major. Ah, this is the Beau Dommage record that… I got it for Christmas when I was a kid. I didn’t listen to it, but in retrospect, there are a lot of songs I like on there. For real.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
My brother and I have never stopped being interested in music. In the 1980s, we had one of the biggest vinyl collections of our neighbourhood. I ask him why our collection was almost exclusively in English.
ÉRIC and his BROTHER discuss.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
I don’t want to be reductive about French music. For me, there wasn’t much selection… If you look at the world of English-language music that was accessible, and what it reflected for a young teenager looking for a cool role model, well, I mean, what was there in French ? It’s great music, I was ready to admit it at the time, but there wasn’t much of it. I don’t want to do any name dropping : Harmonium, Beau Dommage, Octobre, Offenbach. Ville Émard Blues Band. You know, I mean… I just named all that was going on. You know, I mean in rock music. Of course, there were other things, Charlebois, I know, there was… But in rock…
ÉRIC BACHAND :
So for you, you know, artists like Marjo, Johanne Blouin, Richard Séguin ― you weren’t interested in those Quebec hits ?
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
We were open. “Journée d’Amérique” ― we liked it. We listened to it. When it was on the same level, we’d go for it. Pagliaro, who has been coasting on the same tunes his entire career, “L’espion” and all that. “Les bombes” ― we loved that one.
ÉRIC BACHAND :
Yes, but did you buy the record ?
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Uh… No.
The sound of channels switching is heard, then ÉRIC speaks to the audience.
ÉRIC BACHAND :
To give you some context, when I was a teen, there was no Internet. We discovered music mostly through the radio and specialized magazines like Creem, Circus, Rolling Stone, then by spending hours reading record covers at Sam the Record Man’s. That was the biggest record shop chain. Its head office was in Toronto, and it was a playground for us on Sainte-Catherine in downtown Montreal.
A cash register is heard, then ÉRIC and his BROTHER continue their conversation.
ÉRIC BACHAND :
At Sam the Record Man’s, there had to be a spot to find French-language records.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Laughing
Yes.
ÉRIC BACHAND :
Do you remember any…
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Yes, yes, it was in, like, the backstore. Hey, at Sam’s, you’d go into a room, then there was another room, and another room, and again another room and then, you know, music from Quebec. Look, where was it ? It was in the last room, that’s for sure. For sure.
ÉRIC BACHAND :
Why were the French records in the back ?
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Supply and demand. Simple economics.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
While digging into our shared memories with my brother, who is five years my senior, he tells me that before he got into English rock music, it was the music our mother listened to that he liked. Some classical music, a lot of Charles Aznavour, Ginette Reno, Chantal Pary and Gérard Lenorman.
ÉRIC’S BROTHER testifies.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
It’s normal to me that I followed in Mom’s footsteps, because…
An excerpt of “La ballade des gens heureux” by GÉRARD LENORMAN plays.
GÉRARD LENORMAN :
Singing
♪ Our old Earth is a star ♪
♪ Where you too shine a little ♪
♪ I’ ve come to sing the ballad ♪
♪ The ballad of happy people ♪
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
I adored “La ballade des gens heureux”. But from age 12 and onwards, it became this guilty pleasure, that I’d keep to myself.
The song stops playing. ÉRIC and his BROTHER resume their conversation.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Of course, at some point, if you want to be serious with your friends, you can’t show up with that kind of arsenal at 12, 13, 14 years old. That’s when I fell in love with everything else, everything that was my real musical choice : René Simard, and Alice Cooper.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP talks with ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Hi, Éric.
ÉRIC BACHAND :
Hi, Aimé.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
So, I was born in the 90s. So when I hear about 80s new wave music, I don’t have much of a baseline reference. So, a question I was wondering about was to what extent was this a matter of French-language music not being available or not being present ? Or was it ultimately more a matter of personal interest ?
ÉRIC BACHAND :
That’s a good question. I wondered the same thing, actually. I wasn’t interested because the French music offering, in the musical style I liked, the new wave… New wave, today, might be called alternative music. It was less accessible. That said, while researching, I discovered there were French-language bands singing ―obviously― in English, but also in French. They had French-language songs. Often, those bands didn’t have records, because at the time, in the 80s, remember, there were no computers on which to record songs.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
It was more of a challenge to record, back then.
ÉRIC BACHAND :
Right, that’s it. Exactly. You couldn’t record at home. You had to go to a studio, spend money, all that. So those bands didn’t record themselves, but they played gigs live in bars, for instance, in bars where you had to be 18. I wasn’t 18. I didn’t know they existed. There were bands like Rational Youth, Trans-X, Johnny Pop, Ben Réglisse, all names of bands I had never heard of and that I discovered while doing some research. And that was mostly the Montreal scene. I wanted to know more. So I asked musicologist Sandria P. Bouliane to explain the historical context of French-language music in the 80s, and to tell me what had happened before that.
SANDRIA P. BOULIANE speaks during an interview.
SANDRIA P. BOULIANE :
When we talk about music, there are so many elements that are interconnected. At the end of the 70s, early 80s, there was a real economic crisis, which had an impact on the music scene. There was real change happening on a global level, or, rather, in the West. Industries started to rely more and more on sure things, on big megastars, rather than diversifying their catalogue. So, that’s when we see the greats appear ― Michael Jackson, Madonna, Lionel Richie. And to get back to the topic of Quebec, in 1980, was the period immediately following the first referendum defeat.
An excerpt of a news report about the referendum, presented by news anchor BERNARD DEROME, is heard.
BERNARD DEROME :
I must interrupt you. The trend of results being reported seems to indicate that the “No” will carry this referendum.
The excerpt ends and SANDRIA P. BOULIANE continues.
SANDRIA P. BOULIANE :
So we also have a form of disillusionment. People want to hear something else. Some artists take a break. Others renew themselves. At this point, we have a bit of an underground current, with new wave, and punk ― which was increasingly gaining some traction― and hip-hop, too, in those years.
The scratch of a sped-up record is heard, then an excerpt of “Alouette, gentille alouette” is heard.
WOMAN :
Singing
♪ Skylark, sweet skylark ♪
♪ Skylark, I will pluck you ♪
♪ I’ll pluck your head ♪
♪ I’ll pluck your head ♪
♪ Skylark, I will pluck you ♪
The excerpt ends and SANDRIA P. BOULIANE continues.
SANDRIA P. BOULIANE :
What I can say is that, in the 1920s, to judge by the recording information of some of the companies that were based in Montreal, like The Berliner, the Compo company, and Star Records, each produced a fairly similar number of French and English recordings. In newspapers, though, at least in Quebec, French productions were being featured the most. So, it seems to be an industry that worked very well at that time. But there was another medium that was also added in the 1920s, which was the radio.
An excerpt of radio archives begins.
RADIO HOST :
Thanks to our sponsor, the Salada Tea Company, you’ve heard the latest news for today, presented by CKAC. The company now says…
SANDRIA P. BOULIANE continues.
SANDRIA P. BOULIANE :
And what’s fascinating is that we used AM frequencies at the time. Those frequencies travelled very, very far. So bilingual radio, especially at the time, like CKAC, could broadcast its programming, in French or in English, over a very wide area. We’re talking from coast to coast, even as far away as southern California. You can see the reach that French culture or programming could have. On the other hand, though, a lot of English-language radio stations from outside Canada and the United States in particular were simultaneously accessible to Canadian and French-Canadian populations. This is where we begin to see a double standard, because there was already much more on offer on the English side than on the French side.
A radio crackle is heard, then the sound of TV channels switching.
SANDRIA P. BOULIANE :
In the 1950s, television really entered homes on a massive scale. Then there was the rise of artists from Great Britain, such as the Beatles and the Rolling Stones, which would provide a gateway to popular music, with the addition of a whole new visual dimension. This was very interesting for young people. The first show that went in that direction was “Jeunesse d’aujourd’hui”, which aired on Télé-Métropole. It was an immediate success. So, rather than really depending on radio and singles, there was now also television, which became extremely important in terms of giving attention to emerging artists.
Hippie music plays and ÉRIC speaks to the audience.
ÉRIC BACHAND :
What we saw on “Jeunesse d’aujourd’hui” were yéyé bands especially. César et les Romains, the Milady’s, the Baronets ― there were really a bunch of them. Yéyé music featured light songs that made young people dance, and it reigned for a good part of the 1960s. Some even say that, in 1967, sales of yéyé records in Quebec exceeded those of American and European records combined. The paradox, for me, is that yéyé was largely Quebec translations of English pop songs.
An excerpt of “Twiste et chante”, by the Baronets begins.
THE BARONETS :
Singing
♪ Oh yeah, forget forget your sorrow ♪
♪ Forget your sorrow ♪
♪ Twist and sing ♪
♪ Twist and sing ♪
♪ Forget forget all your troubles ♪
♪ All your troubles ♪
♪ And this love haunting you ♪
♪ Haunting you ♪
♪ Oh don’t worry now ♪
♪ Don’t worry now ♪
The excerpt ends and SANDRIA P. BOULIANE continues.
SANDRIA P. BOULIANE :
As many as 500 yéyé bands were formed in the 1960s and early 1970s. Not all of them were really successful across Canada or even across the whole province, but many were small local successes. So, in parishes, there was a whole network among parishes and church basements where local artists, but also the biggest stars from the big cities, could also tour throughout the province, and on the outskirts, like French Ontario, the Maritimes and the French-speaking United States. In Quebec, some songs were quickly known better in their French version than in their original version.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
I experienced the end of the yéyé era in my mother’s womb. But if I had lived at that time, I would probably have listened to an original Beatles 45 rather than one by the Baronets.
SANDRIA P. BOULIANE continues.
SANDRIA P. BOULIANE :
With the 1970s, there was a decline in yéyé music and a renewed interest in trying to represent Quebec’s identity. We mustn’t forget that we had just had the massive World’s Fair, which led us to believe that, in Quebec, people had everything they needed to produce something interesting that would not only interest people within the province, but could also reach out and shine beyond that. And we saw all kinds of attempts to do that. We’re familiar, for example, with the success of artists like Harmonium, Beau Dommage or Robert Charlebois. He was the first to achieve success by adapting a completely rock instrumentation, with electrified instruments, and adapting it to a language and to themes that were closer to what one might associate with Quebec’s identity.
An excerpt of “Le Canada” by ROBERT CHARLEBOIS plays.
ROBERT CHARLEBOIS :
Singing
♪ Canada ah ah ♪
♪ Ah ah ah ah ♪
♪ What even is that ah ah ♪
♪ Ah ah ah ah ♪
♪ Cat chow, chow, chow, chow, chow ah ♪
♪ I’m gone already soda ♪
The excerpt ends and ÉRIC speaks to the audience.
ÉRIC BACHAND :
It must be said that the 70s were the golden age of rock music in general. French speakers were also into it. That music was very much inspired by the hippie culture and the music scene on the West Coast of the United States. People were experimenting. Concept albums were in fashion. The music was authentic and often about identity.
An excerpt of “La complainte du Maréchal Biron” by Garolou plays.
MICHEL LALONDE :
Singing
♪ When Biron entered Paris ♪
♪ It was to play with the queen ♪
♪ When Biron entered Paris ♪
♪ It was to play with the queen ♪
♪ Stop it, stop it Charles Biron ♪
♪ You’ll sleep in prison ♪
The excerpt ends and ÉRIC speaks to the audience.
ÉRIC BACHAND :
Michel Lalonde, the lead singer of Garolou, grew up in Glen Robertson in Eastern Ontario. In the 1970s, his band had major success in Quebec and Canada.
MICHEL LALONDE speaks during an interview.
MICHEL LALONDE :
When I started to be interested in music, I was all about English music. At the time, we were doing what we proper French speakers call cover music. But when we started to want to go a bit further, we played a lot in Quebec, and then we met a producer in Montreal who encouraged us to write in French. I have to admit that it wasn’t conclusive, because I wasn’t used to writing. I was used to singing. It was afterwards, with Garolou, that we really did adaptation. That’s when I started to delve deeper, to deconstruct the texts and to better understand what it meant to write.
An archival excerpt of the ADISQ Gala begins.
GALA HOST :
Nominated as the Folklore and Traditional LP of the year, the winner is… Garolou !
Cheering and clapping are heard.
ÉRIC BACHAND :
To the audience
Garolou had a winning recipe. Their songs were a good mix of traditional French-Canadian song adaptations, with progressive folk-rock musical arrangements.
MICHEL LALONDE continues.
MICHEL LALONDE :
I sat down with my guitar and I just started trying to see how I could possibly combine the folklore that my father had sung with me, what I knew ― the Beatles― which was 10cc, the British wave, if I may. I thought to myself, I thought that could all work, together. It was a bit of osmosis, you know. This was the time of Pink Floyd, King Crimson, Jethro Tull, a whole school of English music which was less American rock and more about counterpoint. There was a bit of a classical side, there was this traditional element. There was a mixture in there that was very attractive to me. Progressive if you like. So all these influences were there.
Another excerpt of “La complainte du Maréchal Biron” by Garolou plays.
MICHEL LALONDE :
Singing
♪ Biron you spoke too late ♪
♪ I forgot what you said ♪
♪ Biron you spoke too late ♪
♪ I forgot what ♪
The clip ends.
ÉRIC speaks to MICHEL LALONDE during an interview.
ÉRIC BACHAND :
But you’re bilingual. Weren’t you interested in singing in English to reach a larger market ?
MICHEL LALONDE :
Well, I mean, our market was more the French market. Of course, you know, you’re 20 years old and you have a band― you don’t imagine that you’re going to be a success in California. You might make it big in Vaudreuil, you know, or in Quebec City. No, that’s true. So, in that sense, that was our audience. And then we were kind of attracted by the idea of finding ourselves within that, you know, as a band.
AIMÉ chats with ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
So, apart from the rock effervescence of the time, were there other reasons for the popularity of French songs in the 70s ?
ÉRIC BACHAND :
Well, I’d say that there were perhaps two fairly important things that happened during those years. In 1973, the CRTC, the “Canadian Radio and Television Commission”, imposed quotas on French Canadian content. This meant that French-language radio stations were required to feature 65 % of their content in French, on any given day. This was a real incentive that stimulated the French music recording industry, because there were royalties linked to it. There was also a figure on the music scene, André Perry, who was really a forward thinker, someone who pushed artists to surpass or redefine themselves. He founded the ADISQ and supported Jean-Pierre Ferland’s record “Jaune”. They even say he’s the one who suggested to Jean-Pierre Ferland that he sing differently. Because we knew him more as a French singer before that.
[An excerpt of God is an American by JEAN-PIERRE FERLAND plays.]
JEAN-PIERRE FERLAND :
Singing
♪ You think it’s easy to pick with your big mouths ♪
♪ You think it’s easy to be god, man and holy spirit too ♪
♪ Sometimes I’d burn it all down, like I did at Sodom ♪
♪ Or I’d reuse the flood, like I did to Noah ♪
The excerpt ends and ÉRIC speaks to the audience.
ÉRIC BACHAND :
Maybe if I’d been born a decade earlier, I, too, would have been a fan of local French-language bands. Though when I think about it, it’s true that my love for French music eventually grew. It all clicked in a strange and almost anecdotal way. I talked to my brother about it.
[A short excerpt of “I’ve Got The Message” by Men Without Hats plays.]
ÉRIC and his BROTHER discuss.
ÉRIC BACHAND :
I remember you purchased Rhythm of Youth by Men Without Hats. I discovered a song titled I’ve Got The Message. In that song, there are little bits in French. I get the feeling that it awakened something in me, you know, in terms of… “Yes, it can be good to use French in songs.” Because, before that, I’d stand in front of my mirror, secretly dreaming of being a singer in a rock band.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Laughing
Is that right ? You’re telling me this now ?
ÉRIC BACHAND :
I’m telling you that right now. But I sang in English, and sometimes I sang in French and, well, both didn’t work, but it worked even less in French.
[A CHILD sings over “I’ve Got The Message” by Men Without Hats plays.]
CHILD :
Singing
♪ It’s me ♪
♪ It’s you ♪
♪ It’s us ♪
♪ And that’s cool ♪
SINGER :
Singing
♪ It’s long ♪
♪ It’s rough ♪
The song ends and ÉRIC speaks to the audience.
ÉRIC BACHAND :
It’s true that the little bits of French in Men Without Hats songs sparked my interest. But it was more around 1986, with the arrival of MusiquePlus, that things really clicked.
An excerpt from the archives begins.
JOURNALIST :
We’ve been waiting for a long time for our first French-language video channel. Well, tonight, the dream becomes reality. It’s here, in the heart of Montreal, that the entire MusiquePlus team is busy directing, thinking, producing…
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Musicologist Sandria P. Bouliane reminds me of how important it is to be represented in the media.
The archival excerpt ends and SANDRIA P. BOULIANE continues.
SANDRIA P. BOULIANE :
I think that with yéyé, it was super stimulating for young people to see what was possible, to see what was beautiful. And then I think something similar happened with MusiquePlus, because you could see things that you thought were cool and trendy and interesting that were happening in French, in a way that you could identify with… That’s the kind of thing that generates a bigger interest, I think.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
MusiquePlus gave us more opportunities to hear quality French-language music and to hear artists speak to us in French. That’s where I first saw Rita Mitsouko, Indochine, the Quebec band Madame, Paparazzi. I remember that Soft Cell’s Marc Almond, a British man, shared his love for Jacques Brel on MusiquePlus. The next day, I went to buy my first Jacques Brel vinyl record. My brother and I fell in love with French music at the same time.
ÉRIC and his BROTHER discuss.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
It was more through you, I think, that we discovered that. I wasn’t one step ahead of you by then. It was just a matter of time, when the meeting happened between all this great work of French-language music, French music. For me, I think Jacques Brel opened up this universe to us through the beauty of his lyrics, through his music, through his exceptional worldview. That’s when it all happened.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
It’s true that everything changed afterwards. With Brel, I became interested in lyrics for the first time. I can even say that I cried over my heartaches longer because of Brel. Mind you, in the second half of the eighties, I was heading towards my eighteenth birthday. I had a more open mind by then than I did at 12. And as a music lover, I often wondered what it is about music that attracts us. What happens in our brain when we hear a song we like. Does my mother tongue have an impact on this ? I called French neuropsychologist Hervé Platel, a researcher known across the world for being one of the first to observe the brain under the influence of music.
HERVÉ PLATEL speaks during an interview.
HERVÉ PLATEL :
There are many people who don’t understand English, but who really like, for example, the voice of certain singers. So, in fact, what causes the emotion is the voice of the singers, even if there is no comprehension.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
That is certainly the case with me. I get the feeling I liked English music so much also because, to me, it seemed more poetic, more vague. I didn’t necessarily understand the whole story being told. On the other hand, in French, I understood everything that was said. So I found it overly kitschy and sentimental. I mean, at 14, I was in no hurry to become a carbon copy of my parents.
HERVÉ PLATEL continues.
HERVÉ PLATEL :
The few words you understand, even if you don’t understand the articulation of everything are enough to stimulate your imagination. Ultimately, you’re almost happier building an understanding and an imagination about the song than literally understanding what it means.
Laughing
Because sometimes you can be disappointed when you finally understand the lyrics. You think to yourself, “Oh. That’s all it’s about. Well, I had imagined something more sophisticated.”
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Hervé Platel explains that there is a revival in the field of cognitive neuroscience and music. He tells me about the work of Robert Zatorre, from McGill University, about musical ‘frisson’. He and his team have discovered that there was a very important component to it in our brain : anticipation.
HERVÉ PLATEL continues.
HERVÉ PLATEL :
Actually, when you ask people why a given piece of music gives them the chills, they say, “Well, I know it, and I know that at some point the guitar comes in or the violins come in, and then it climbs, it climbs. Oh yeah, I love that. That’s when I get frisson.” And we can see that in many listeners. Frisson in music is linked to anticipating what you know, it’s an effect of memory. I’m in familiar territory and I know how it’s going to go. When this happens, it’s basically a reward for our brain. Even when it’s music you don’t know, it still might draw on previous experiences. Your brain says, “Ah ! This reminds me of that. No, that’s not it. Oh, right, yes, I like it when it’s like that.” And, “Will it continue like this ? Will I be surprised, or will my expectations be confirmed ?” Even when it’s unknown, I still build up an expectation. The pleasure we feel from music is true, and it’s built up from early childhood and during teenage years. Especially in adolescence, something very important happens, because this pleasure is not innate. It is constructed, it is developed. It’s a pleasure that is learned.
AIMÉ chats with ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
What Hervé Platel says is really interesting, because when I think of the musical thrill or the times I felt goose bumps, I always had the impression that it was rather related to a given musical style or, you know, a specific voice timbre. I’m thinking of songs like “Hallelujah”. Now, the whole thing about anticipation, how it builds up through our life, is new information. I admit that I’m surprised to learn that.
ÉRIC BACHAND :
What I retained a lot from Hervé Platel is the aspect that musical appreciation is not actually innate. It reminds me of how I ventured, and how I still venture, into musical appreciation, you know. The idea of making connections.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
That’s it. In fact, there’s this personal element to it, the matter of how we build ourselves. But you know, speaking about building ourselves― it’s also, well, the environment in which we live. I think that it’d be interesting to know how, if I’m born in Ontario and I’m immersed in both the French-language and English-language cultures… how does that change my musical enjoyment ?
An excerpt of a song by DANY LAJEUNESSE plays.
DANY LAJEUNESSE :
Singing
♪ I’ve been thinking about it it’s so bad ♪ ♪ I’ve been dreaming about it it’s so bad baby ♪ ♪ Working around and it’s so bad ♪ ♪ I’ve been trying to get it straight ♪ ♪ Between here and there and 1998 ♪
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
That’s Dany Lajeunesse. He’s from Kirkland Lake, a small town in northern Ontario. Like 20 % of the population there, Dany is a Franco-Ontarian.
ÉRIC meets DANY LAJEUNESSE.
ÉRIC BACHAND :
“Dude ! Hi. What’s up ?
DANY LAJEUNESSE :
Sure, sure.
ÉRIC BACHAND :
So this is where you’ve been hiding, Dany Laj.
DANY LAJEUNESSE :
So it is. In the hole.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Without knowing it, he was the one who made me think about my own relationship with French-language music. I met him at his studio.
ÉRIC and DANY LAJEUNESSE chat in DANY’s studio.
ÉRIC BACHAND :
That’s a French song.
DANY LAJEUNESSE :
The song, the lyrics are in French, yes. We’ve reached the solo. I’m mixing it now to see what’s going on in it. It’s a little like surfing.
DANY LAJEUNESSE plays an excerpt of a song that he’s working on.
CHOIR :
Singing
♪ You’re the stainless goddess ♪
DANY LAJEUNESSE :
The vocals are pretty strong.
CHOIR :
Singing
♪ I’m your magnet, you’re my steel ♪
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Dany’s band’s name is “Dany Laj and the looks”. They make power pop music in English. They’ve been touring North America for over ten years. Recently, Dany has started writing songs in French, his mother tongue.
ÉRIC chats with DANY LAJEUNESSE.
ÉRIC BACHAND :
But this is all new to you, singing in French.
DANY LAJEUNESSE :
Yes. I identified with English music, but that’s also very natural. You can forget it, because it’s a fact.
ÉRIC BACHAND :
That’s what’s interesting about being Franco-Ontarian.
DANY LAJEUNESSE :
Hm-hm. You know, I don’t want to hurt anyone by saying that it’s natural, given I am a native French speaker. You know, some people may not be that way, but I am. I don’t force myself to make English music. You know what I mean ? Sometimes I see French-speaking artists who, I think, force themselves to play English-language music. Maybe they don’t have to force themselves to do that.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Let me set the record straight for my friends outside Ontario. When Dany talks about hurting people, he’s referring to the fact that there’s often an implied negative connotation when a Franco-Ontarian chooses to speak in English.
Another excerpt of a song by DANY LAJEUNESSE plays.
DANY LAJEUNESSE :
Singing
♪ I’ve been trying to get it straight ♪ ♪ Between here and there and 1998 ♪ ♪ Afraid of everyone ♪
ÉRIC continues his conversation with DANY LAJEUNESSE.
ÉRIC BACHAND :
Dany, you went to school in French. You were supposed to be exposed to French-language culture, yet you decided to sing in English. Do you remember asking yourself at one point, “What language should I be singing in ?” or was it a no-brainer to sing in English ?
DANY LAJEUNESSE :
Yes and no. The punk bands ― that music was English-speaking. I wasn’t about to change the standards in Kirkland Lake at the time. But maybe if I stuck to English, I’d be able to play shows and do business as well. So that was helpful. I always wanted to play music in French, you know, but my opportunities were all in English. But now I see that I can. I have this audience that knows my music, and people want to know more. “But you’re French, why don’t you speak in French ?” And then I give them French. I make French music for English people.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Surprisingly, English radio stations were the ones playing his French songs. So maybe language isn’t always a barrier. Dany Laj is not the only French-speaking singer to sing in English. It’s a common practice, not only here, but everywhere in the world. But English speakers who choose to sing in French are quite rare. And that really intrigued me.
An excerpt of “Le Charleston” by ANDREA LINDSAY plays.
ANDREA LINDSAY :
Singing
♪ I never understood how you dance to charleston ♪
♪ I never understood how you dance to charleston, no ♪
♪ When the ragtime plays and the stage is mine ♪
♪ My arms freeze up and my feet stumble ♪
♪ Oh but if I knew I’d dance, I’d dance, yes ♪
♪ If I knew, I’d dance, I’d dance like this ♪
In the song, ANDREA LINDSAY creates a voice rhythm, then the excerpt ends.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Andrea Lindsay grew up in an English-speaking family in Guelph, Ontario. Today, she pursues a career as a singer-songwriter, primarily in French.
ANDREW LINDSAY speaks during an interview.
ANDREA LINDSAY :
My life changed musically, linguistically you could say, when I met a French guy from France. He was an exchange student with us. He was my age, too. He made me a cassette of his songs from home. He wanted me to know them. And, my God, I didn’t know Serge Gainsbourg at all, or Francis Cabrel ― there was some Georges Brassens… What else was on that cassette ? There were more modern things too, or modern for the time, we’re talking about, like, 1994 here. But I fell in love with Serge Gainsbourg pretty hard. There was “Couleur Café”, there was “Le poinçonneur de lilas”… It was interesting to me. There was a real passion there.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
At the age of 18, Andrea decided to immerse herself in French culture. She went to France for a year to work as an au pair and to study French literature. That’s where she learned her French.
ANDREA LINDSAY continues.
ANDREA LINDSAY :
I was looking for myself, like many people at 18. That’s when you’re asking yourself, “What do I want to do with my life ? What do I like ?” I remember I went to France and I didn’t understand the language, but I understood some words, more than… I liked the musicality and I liked the language. There was a certain poetry and a certain complexity that I connected to. My interest was more linguistic, at the beginning. Then, years later, I was thinking, “Ah ! Why not join these two passions together, like, my passion for music and my passion for the French language ?” Both are my passions. They both turn me on. You know, there’s something there, like a little spark. I figured, why not. So I made my first solo album in French.
Another excerpt of “Le Charleston” by ANDREA LINDSAY plays.
ANDREA LINDSAY :
Singing
♪ I never understood how you play the piano ♪
♪ I never understood how you play the piano, no ♪
♪ When the fanfare passes and they start to play ♪
♪ My mind is slow and my fingers are tired ♪
♪ Oh but if I knew, I’d play, I’d play, yes ♪
♪ If I knew, I’d play, I’d play like this ♪
In the song, ANDREA LINDSAY hums along to the music.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
I’m impressed by Andrea Lindsay’s career path and I’m comforted to see that singing in French also has a seductive power. There are other examples of English-speaking artists who have made a career in French, like Jim Corcoran, Nanette Workman, Jane Birkin… And that’s without counting David Bowie, who sang Heroes in French, or the Beatles, with their song “Michelle”. I asked Andrea Lindsay if she listened to French music as a child before the story of that first French cassette.
ANDREA LINDSAY continues.
ANDREA LINDSAY :
With my mother, we listened a lot to oldies radio stations. So, music from the 50s, 60s, 70s, almost exclusively in English. It’s true that, as an English speaker, sometimes you ask yourself, if you can’t understand it, do you even bother listening to it ? It’s always about that question. It’s not conscious, I think, but I was lazy. I remember, sometimes, I would listen to the radio and I would scan, you know, I would try to choose a channel. And if it was in French, not proud of it, but often, I would switch. I wouldn’t even give it a chance. My God, but you can miss out on so much with that kind of mindset.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
And what if French was just less musical ? That might explain the charm of English. I asked the musicians I met what they thought.
DANY LAJEUNESSE answers the question.
DANY LAJEUNESSE :
No. For me, the language in music, when I play the DJ, when I write music― it’s not the most important thing. The music is more important. The music is what will make people move.
ANDREA LINDSAY answers the question.
ANDREA LINDSAY :
No, I don’t think so. French has its own melody.
MICHEL LALONDE answers the question.
MICHEL LALONDE :
And I think that whether it’s English, French or Italian, there are languages that lend themselves better to certain melodies. Like, I think that rock music has stuck so much to English that we’ve imprinted the sound of rock, of English rock melodies, into our minds.
ANDREA LINDSAY continues.
ANDREA LINDSAY :
I think English, for example, is more monosyllabic. Like, I think the Rolling Stones, I Can’t Get No Satisfaction, you know― there’s something there, rhythmically, that might sometimes be easier.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
I had never stopped to think about the issue of language, but their views made me want to know more. I wondered what a linguist would have to say on the matter. And Bernard Cerquiglini, a leading French linguist, agreed to answer my questions.
BERNARD CERQUIGLINI speaks during an interview.
BERNARD CERQUIGLINI :
That’s a delicate question. Eh ? A delicate subject. We all love the French language. One could say that the musicality of a language is not a linguistic issue. You could say, after all, “This or that language is my mother tongue, it’s my Mom’s language, I love my Mom, I love my language, I love its musicality and I sing and delight in the language.” Huh ? So, first, be very careful. Now that the precautions are mentioned and that I have shown my papers, I would have to answer that… Well, as a linguist, yes, I think that there are languages that are more musical than others. And I would add that I think that French is not among the most musical of them all.
Record scratch.
BERNARD CERQUIGLINI :
Let’s take a language like Italian. You and I have this intuition that Italian is a musical language. But why is Italian musical ? Because of its phonetics. And I’d see two reasons for that. And we’ll compare that with French. The first is Italian vowels. Italian vowels are much clearer, more open. An Italian “A” is “A” ! Cantare. See, you’re singing already. Cantare. And there is another less-known element, which is accentuation. You know, when we speak, we emphasize certain vowels within words. In Italian, the accentuation can be in three places : the last vowel, the second-to-last, or the second-second-to-last. And even sometimes, the second-second-to-last. “Caesar comes to town.” Huh ? Cesare arriva de la cita. So the second-second-to-last, Cesare, arriva, the second-to-last, de la chita, the last. The accentuation moves that way.
[An excerpt of Brindisi from the Italian opera “La traviata”, by Giuseppe Verdi, begins to play.]
BERNARD CERQUIGLINI :
So, there is rhythm in Italian, just as there is rhythm in English, which also has mobile accentuation.
The song stops.
BERNARD CERQUIGLINI :
Unfortunately, French has a fixed accentuation pattern. We accentuate the last pronounced vowel : “Caesar comes to town.” We have a language with an extremely regular rhythm, which is nice, but offers little change. You see ? And French doesn’t have a counter-rhythm. Or almost none. As a result, the language is fairly monotone.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
I also asked Bernard Cerquiglini if the English language had the benefit of being more musical than French.
BERNARD CERQUIGLINI answers the question.
BERNARD CERQUIGLINI :
I want to say yes. It’s sad, but English, which hasn’t been squared away like French, has a much more flexible syntax, so you can move things around in English. English is like rubber. The strength of English is its brevity and its consonantal aspect, which works wonders in rap. But when you look at French rap lyrics, you have a language which is perhaps not musical in the traditional sense, but which is quite rhythmic. Truncation is perhaps a way of obtaining a brief, percussive, consonant language. When I listen to rap, I hear rhythmic French.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
For a few years now, I’ve been discovering the world of rap music thanks to my son who, like me when I was 15, listens to lots and lots of music. He is passionate about hip-hop culture. Even though he listens to a lot of English-language rap, he was quick, unlike me, to open up to French-language rap. I’m fascinated by the sound of what he’s showing me. As much by what he calls the beats, the music, as by the musicality of the lyrics. What strikes me is also the freedom in the way spoken French is used. For example, we borrow a lot from English. We shorten words. “Garde à vue” becomes “gardav !”, “cas social” becomes “casso”. These stylistic effects help to make French, or what is left of it, more melodious.
An excerpt of “Goélands” by MARIE-GOLD plays, without the instrumentals.
MARIE-GOLD :
Rapping
I don’t know where I am, except I can’t stay
I can’t breathe
I took a shit, it’s not aspirin
One at a time
It wouldn’t be nothing
But I have the agenda
I can’t /langue_etrangereturn up tomorrow I take all of
The fakes
Here, we don’t just work sober
Not coddled, yeah
It’s a jungle
In predrink
We got into it
Imperfect
We have to hit the ceiling
You only listen sometimes
You only hear if
You speak loud
Seagulls
MARIE-GOLD speaks during an interview.
MARIE-GOLD :
My name is Marie-Gold. I’m a Quebecois rapper. I rap in French. Actually, I’d say I’m closer and closer to a good percentage of French, but obviously with some English-language slang here and there.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Marie-Gold tells me that she grew up listening to Malajube, Jean Leloup, Ariane Moffatt. In fact, her father owned Studio Victor, a mythical recording place in Montreal. So, she was immersed in the magic potion from an early age. But she also tells me that, in school, in high school, in CEGEP, there were people who helped her discover her French-language culture with great pride. This is also what contributed to her sense of belonging.
MARIE-GOLD continues.
MARIE-GOLD :
I do rap. Obviously, what I want to do is also make rhymes and puns and when I go from French to English in my songs, it happens naturally. French and English allow me to have two playgrounds, which amounts to a bigger playground in the end. It’s also how I can express myself with certain close friends. Each language allows you to express different emotions or is also associated with the context in which you learned it, with the mentality, with the culture of the language. I really feel it when I express myself in English, I’ll have a bit of a vibe that’s different due to the words I choose.
Another excerpt of “Goélands” by MARIE-GOLD plays, this time with instrumentals.
CHOIR :
Rapping
♪ Swallow the scrap ♪
♪ Hey, what did you believe ♪
♪ That we couldn’t handle ♪
♪ Hey, what did you believe ♪
♪ Paid glasses or nothing else ♪
♪ If we can’t walk straight ♪
♪ We take on our shoulders ♪
♪ Hey, what did you believe ♪
♪ Hey, what did you believe ♪
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
I have the impression that French rap, with its Frenglish, is creating a kind of new, more universal, more inclusive, language. I wonder if the language police will be happy about that.
MARIE-GOLD continues.
MARIE-GOLD :
There are a lot of Anglicisms that have been part of the French language for longer than we think and that are used in our daily lives that we consider to be French words. So, if we ask ourselves whether the language and the Anglicisms and the Frenglish enrich the French language… I think it comes out as a mixed language. It creates a new language. I think that, in an evolutionary sense, it creates another language. But there’s a part of me that wants to believe that, for example, the more I consume rap music that is only in French, I have to admit that I feel influenced by that to use the French language more strictly. And discovering new words and developing my sense of belonging to better express myself in that language. And then to have a sense of pride in developing the purely French market, as well.
An excerpt of “Impatiente”, by MARIE-GOLD, plays.
MARIE-GOLD :
Rapping
♪ All that goes up must come down ♪
♪ All rappers say so ♪
♪ All good things to those who wait ♪
♪ Shame I’m so impatient ♪
♪ All that goes up must come down ♪
♪ All rappers say so ♪
♪ All good things to those who wait ♪
♪ Shame I’m so impatient ♪
AIMÉ chats with ÉRIC.
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
Today, Éric, do you perceive music in French and in English in the same way ? Does it speak to you in the same way ?
ÉRIC BACHAND :
Well, let’s say, in general, in my daily life, I would say that yes, that it has changed a lot, you know, compared to when I was young, when I had a lot of prejudice towards French songs. That doesn’t exist within me anymore. I like French songs as much as English ones. On the other hand, what I notice is that when I move away from… Let’s say, now that I live in Ontario, I fully accept the fact that I’m a Franco-Ontarian, even though, basically, I’m a Quebecois and I was born in Quebec, and all that, and, sometimes, when I hear old Quebec songs that I liked when I was in Quebec, it comes flooding back to me, it seems, in my identity. The effect of the music is almost in our DNA, actually. And I think French-language music is in my DNA.
ÉRIC chats with his BROTHER while perusing the records.
ÉRIC BACHAND :
Amused
Ah, you bought back Gilbert Bécaud’s “Le petit oiseau de toutes les couleurs” ?
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
It’s in your honour.
ÉRIC laughs.
ÉRIC BACHAND :
You know, that record― a school teacher made me listen to it. I don’t remember what the context was anymore.
ÉRIC speaks to the audience
ÉRIC BACHAND :
Nowadays, no matter the language we sin in, the music industry is dying. Even if music is available everywhere, all the time, on demand. Like neuropsychologist Hervé Platel mentioned and Andrea Lindsay experienced it, musical delight isn’t innate. It comes from discovery and it can be learned. My way to educate myself was to have the good fortune of having a brother with whom, to this day, I can share my musical discoveries.
ÉRIC and his BROTHER discuss.
ÉRIC BACHAND :
I have a little surprise for you.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Yes ? You go.
ÉRIC BACHAND :
When I came down to see you, I stopped by North Bay. There’s a vinyl record store there. I found a record of… Jean-Pierre Ferland. “Jaune”.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Huh ? Okay.
ÉRIC BACHAND :
I was surprised, because in North Bay, that’s just it… Wanna listen to it ?
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Sure, sure.
[He puts the record on. The record player crackles, then the song God is an American by JEAN-PIERRE FERLAND begins to play.]
JEAN-PIERRE FERLAND :
Singing
♪ God is an American ♪
♪ God is an American ♪
♪ God is an American ♪
♪ American ♪
AIMÉ MAJEAU BEAUCHAMP :
To the audience
You just listened to “Cette chanson française que je n’écoutais pas”.
Interviews and scripting : Éric Bachand.
Research : Abigail Alves Murta.
Directors and hosts : Éric Bachand and Aimé Majeau Beauchamp.
Original Music : Mehdi Cayenne.
Mixing : Pierre-Luc Bar.
Production : Gisèle Quenneville.
This series is a presentation by ONFR+.
Subscribe to the podcast to hear all the episodes. If you’ve enjoyed the series so far and would like to participate, give it a try and write us at onfr@tfo.org. See you soon.
JEAN-PIERRE FERLAND :
Singing
♪ Ah, they’ll never understand ♪
♪ Come on, Saint Peter, cut ! ♪
The music stops suddenly.
ÉRIC and his BROTHER discuss.
ÉRIC BACHAND :
You bought yourself a keyboard ?
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
Yes.
ÉRIC BACHAND :
Will you play me a little tune by Gary…
They both laugh.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
No.
ÉRIC BACHAND :
No, right, Gary Newman. You’ll be able to play that. I don’t even know my own keyboard. Listen, I’ll need at least a year to get familiar with it. Not because I don’t want to.
ÉRIC BACHAND :
But did you try to play, like, something that sounds like Gary Newman ? Yes ?
New Wave keyboard music is heard.
ÉRIC BACHAND’S BROTHER :
It’s just the keyboard doing its own thing. I’m not doing much right now.