Les voisins s’entendent

L’Ontario et le Québec ont déposé des «conditions» nécessaires avant de donner leur aval au projet de pipeline TransCanada.

[CHRONIQUE]
Les oléoducs se multiplient sur le territoire canadien. De juridiction fédérale, ces importants projets de transportation de pétrole à partir des sables bitumineux de l’Alberta se sont attirés les foudres de nombreux environnementalistes sans pour autant qu’Ottawa tende l’oreille. Ce n’est pourtant pas le cas pour l’Ontario et le Québec, qui, conjointement, ont déposé des « conditions » nécessaires avant de donner leur aval au projet de pipeline TransCanada.

SERGE MIVILLE
Chroniqueur invité
@Miville

C’est à la grande surprise que Queen’s Park s’est joint à Québec pour mettre un bémol à un projet qui semblait aller de l’avant sans opposition politique. Long de 4600 kilomètres (dont près de 47 % se situent en Ontario, notamment sur le corridor du Nord), ce projet se double de la construction de nouvelles infrastructures à la conversion d’un gazoduc existant.

Si l’Ontario n’exige pas de nouveau un examen environnemental comme le fait Québec, il insiste néanmoins pour que TransCanada garantisse un plan d’intervention en cas d’urgence, ait un fond de dédommagement en cas de fuite et d’accident majeur, et consulte les premières nations qui occupent les territoires sur lesquels l’oléoduc se situe.

Notons d’emblée que TransCanada a déjà informé les provinces qu’il n’a pas à tenir compte de leurs opinions. De compétence fédérale, le projet peut aller de l’avant, peu importe l’opposition des citoyens ou des provinces. Là où ça se gâte, toutefois, est qu’on semble manifester un intérêt par les provinces de réduire l’initiative du gouvernement Harper lorsqu’il est question des projets de cette ampleur. Les provinces ne semblent pas vouloir être passives lorsque les projets peuvent avoir d’importantes répercussions négatives sur leurs territoires et sur leurs citoyens.

L’art d’acheminer l’or noir

Rappelons qu’il y a à peine un an, se produisait la tragédie du Lac Mégantic dans laquelle un déraillement meurtrier a englouti une bonne partie du centre-ville de la cité québécoise. Les wagons-citernes, souvent désuets, ont explosé emportant avec eux 47 victimes.

Il y a de quoi être rassuré que les deux provinces les plus peuplées s’imposent dans le transport de l’or noir. Alors qu’Ottawa met l’accélérateur sur les projets d’exportation d’une matière fort dangereuse et actionne le couperet dans les ministères, notamment celui de l’environnement, l’intervention provinciale peut forcer les entreprises de redoubler d’ardeur dans la mise en œuvre de plans d’action pour assurer la sécurité des infrastructures et des communautés avoisinantes.

Il faudra voir à quel point le premier ministre Stephen Harper va dénoncer l’initiative des provinces. Dans l’ensemble, les conservateurs ont peu ou prou de chances à faire des gains au Québec. Du côté ontarien, la clef de voûte pour une autre victoire conservatrice demeure la grande région métropolitaine de Toronto.

En plus, Kathleen Wynne et Stephen Harper sont à couteaux tirés, surtout après le refus du premier ministre canadien de rencontrer son homologue ontarienne pour discuter d’infrastructure et de développement économique. Tentera-t-il sa chance en lançant de nouvelles flèches du côté de ces deux gouvernements libéraux, en affirmant que leur ingérence peut menacer la reprise économique? Il faudra surveiller de près, car les gestes posés par Ottawa nous donneront un avant-goût de sa stratégie électorale pour 2015.

De nouveaux partenariats

Que les gouvernements Wynne et Couillard cherchent à multiplier les points de contact et à travailler ensemble ne peut qu’être une bonne nouvelle pour les Ontariens. Le ministre de l’Environnement, Glen Murray, a d’ailleurs annoncé que les deux provinces travaillent ensemble vers une entente énergétique afin d’aménager de l’électricité du Québec à l’Ontario.

Ce projet, qui se chiffrait à plusieurs milliards de dollars, permettrait notamment à l’Ontario à complémenter son parc éolien qui peut produire de l’énergie de façon sporadique. Au Québec, la saison forte est l’hiver, et un flux venant de l’Ontario pourrait prêter main-forte aux Québécois qui se chauffent surtout à l’électricité.

Il faudra guetter de près ce qui se dessine du côté des relations Québec/Ontario. On s’attend d’ailleurs qu’il se produise des discussions sur la question de la francophonie lors d’une rencontre prochaine entre les deux gouvernements. Il est à espérer qu’elle se traduira par plus d’échanges culturels entre les deux provinces et peut-être un renouveau de dialogue entre les représentants franco-ontariens et le Québec.

 

Serge Miville est candidat au doctorat en histoire à l’Université York.

Note : Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leurs auteur(e)s et ne sauraient refléter la position de #ONfr et du Groupe Média TFO.