Circonscriptions protégées : le minimum pour les Acadiens de Nouvelle-Écosse

Le parlement de Nouvelle-Écosse, à Halifax. Archives, #ONfr

HALIFAX – Les francophones et Acadiens de la Nouvelle-Écosse attendaient avec impatience le dépôt du rapport final de la Commission de délimitation des frontières électorales, ce lundi. Si les neuf commissaires se sont prononcés en faveur du retour des circonscriptions acadiennes protégées de Clare, Argyle et Richmond, l’idée d’y ajouter Chéticamp n’obtient pas un appui suffisant.

Sept ans après la décision du gouvernement néo-démocrate de Darrell Dexter d’abolir les circonscriptions protégées, la communauté francophone et acadienne de Nouvelle-Écosse devrait obtenir le renversement de cette décision renversée par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, en 2017.

« Ce serait très difficile pour le gouvernement [libéral de Stephen McNeil] de s’interposer face aux recommandations de la commission après le jugement de la Cour d’appel. Il lui faudrait de très bons arguments », explique l’avocat Michel Doucet, qui avait représenté la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse (FANE) devant la Cour d’appel avec Réal Boudreau et Réjean Aucoin.

La Commission de délimitation des frontières électorales, présidée par Colin Dodds, s’est prononcée en faveur d’un rétablissement de ce mécanisme qui garantissait une représentation acadienne et une voix pour les francophones à l’Assemblée législative.

« C’est une grande victoire que les Acadiens de Nouvelle-Écosse peuvent célébrer. Il aura fallu aller devant les tribunaux pour l’obtenir », souligne M. Doucet. Et de rappeler : « Quand les circonscriptions acadiennes ont été abolies, personne ne pouvait garantir qu’on parviendrait à les rétablir. »

Rien pour Chéticamp

La commission recommande une Assemblée législative formée de 55 sièges et donc, le retour des trois circonscriptions acadiennes protégées. Mais contrairement à ce qu’espérait la FANE, les Acadiens n’obtiendront pas davantage. La région de Chéticamp n’aura ni circonscription exceptionnelle ni député pour représenter spécifiquement les francophones qui y vivent.

« Les enjeux clés auxquels fait face la Commission aujourd’hui sont essentiellement les mêmes auxquels ont fait face les commissions précédentes », explique M. Dodds. « Il s’agit de trouver un équilibre entre la représentation effective des électeurs afro-néo-écossais et acadiens et la parité électorale, et de s’adapter au changement continu de la population dans les régions rurales, tout en tenant compte de la géographie et des communautés d’intérêt de la province. »

Un argument qui ne convainc pas la directrice générale de la FANE, Marie-Claude Rioux, en entrevue avec ONFR+.

« Nous sommes très contents du retour des trois circonscriptions protégées, mais déçus et un peu surpris pour Chéticamp. On ne comprend pas la logique d’autant que le rapport préliminaire ne nous laissait pas imaginer cette décision. »

Rapport dissident

Mme Rioux souligne que cette décision est d’autant plus dure à accepter que quatre des neuf commissaires ont apporté leur soutien à une meilleure représentation pour les Acadiens de Chéticamp. Glenn Graham, Mike Kelloway, Paul Gaudet, de Saulnierville, et Léonard LeFort, de Chéticamp, signent une lettre d’opposition pour expliquer leur position.

« Nous sommes déçus que nous n’ayons pas pu, en tant que collectif, renforcer la représentation effective de Chéticamp et des environs », écrivent-ils, soulignant que dans la configuration actuelle, seuls deux Acadiens ont été élus dans la circonscription d’Inverness, ce qui a privé les Acadiens francophones de parler avec leurs élus en français, dans une région qui, souligne-t-il, est menacée par l’assimilation.

Si les neuf commissaires ont signé le rapport final, ces quatre « dissidents » estiment que la commission aurait pu aller plus loin sur cette question.

« Pour le moment, nous pensons que les Acadiens de Chéticamp et des villages environnants se voient une fois de plus figés dans une représentation insuffisante. »

Démarchage politique

L’organisme porte-parole des francophones et Acadiens de la Nouvelle-Écosse annonce qu’il interviendra devant le Comité de modifications aux lois pour réitérer l’importance d’une nouvelle circonscription électorale pour Chéticamp et demander de modifier le projet de loi en conséquence.

La directrice générale de la FANE, Marie-Claude Rioux. Capture écran TFO

« La décision de la Commission relative à Chéticamp était partagée et il a fallu qu’un seul vote des membres de la Commission pour éliminer la possibilité d’une circonscription pour cette région », déclare le président de la FANE, Norbert LeBlanc. « La Fédération acadienne utilisera également les recommandations de la Commission pour inciter le gouvernement à accorder un appui tangible au développement économique et social de Chéticamp. »

Pour M. Doucet, la communauté acadienne doit continuer à pousser.

« Je comprends et partage la déception pour Chéticamp, mais tout n’est pas perdu loin de là. Il y a des progrès qui ont été faits avec quatre commissaires qui appuient l’idée et le fait qu’on en parle. »

La FANE se prépare également à porter la question sur le terrain politique.

« Pour nous, Chéticamp fait partie des quatre piliers de la communauté acadienne. La région a été doublement marginalisée en n’ayant pas de député pour protéger ses intérêts. On va aller devant le Comité de modifications aux lois, sans doute cet automne, mais aussi rencontrer les partis politiques et le gouvernement », prévient Mme Rioux.