Clause dérogatoire à Queen’s Park : des maires francophones partagés

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La crise municipale à Toronto a pris une ampleur supplémentaire, ce mercredi. En témoigne, le chahut à Queen’s Park provoqué par le recours à la clause nonobstant par le gouvernement de Doug Ford. La volonté du premier ministre d’utiliser cette fameuse clause dérogatoire pour réduire l’appareil municipal torontois divise les maires francophones. Mais les élus expriment leur inquiétude d’une manière différente.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

« Doug Ford a raison ». Au téléphone, le maire de Casselman, Conrad Lamadeleine, ne voit pas de mal à l’utilisation par Doug Ford de la clause dérogatoire pour arriver à ses fins. La Loi pour des administrations locales efficaces, déposée en milieu de journée à Queen’s Park, invoquera effectivement le fameux article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés, si elle est adoptée.

« Il y a parfois des choix à faire », soutient M. Lamadeleine qui, après plus de 25 années à la tête de cette municipalité de l’Est ontarien, passera le flambeau le 22 octobre prochain. Mais tout n’est pas parfait, selon lui, dans la volonté du premier ministre. « Avec les élections municipales qui s’organisent, ce n’est pas le temps pour le faire. Peut-être aurait-il fallu attendre les prochaines élections? »

Le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford a clairement fait savoir que le nombre de conseillers municipaux serait ramené à 25, au lieu des 47 actuellement « avant la tenue des élections du 22 octobre ». Dans une entrevue accordée à Global News Radio 640 Toronto, le premier ministre a aussi pour la première affirmé avoir la ville d’Ottawa à l’œil. « On me demande à l’occasion si j’ai l’intention d’adopter une loi semblable ici, à Ottawa, ou ailleurs dans la province. »

De là à toucher les petites municipalités? « Je ne le crois pas », fait valoir M. Lamadeleine. « Lorsque l’on a fait des fusions autrefois, ça n’a pas fonctionné et a fait du trouble. Ça a créé des coûts supplémentaires et des chicanes. Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé pour la municipalité de La Nation. »

« Légal » pour le maire du Canton de Russell

À quelques kilomètres de Casselman, le maire du Canton de Russell, Pierre Leroux, a lui plus de craintes. « On ne sait pas ce qu’il peut arriver, alors oui, il y a des inquiétudes. Nous sommes une municipalité en croissance. Avoir entre cinq et sept conseillers incluant le maire est une bonne chose. »

L’argument du premier ministre d’avoir des conseillers municipaux à Toronto possédant un territoire semblable à celui des députés fédéraux et provinciaux n’aurait pas de sens. « S’il y avait un élu provincial et fédéral, pour un seul élu municipal dans Glengarry-Prescott-Russell, ça ne fonctionnerait pas. »

Concernant le recours à la clause dérogatoire, M. Leroux, lui-même ancien candidat libéral lors des dernières élections provinciales, ne condamne pas Doug Ford pour autant. « C’est légal. Il utilise les outils qu’il a dans la boîte. »

Une décision « arrogante » pour le maire de Hearst

Du côté de Hearst, Roger Sigouin ne cache pas son inquiétude. Le maire de ce « village gaulois » du Nord de l’Ontario regrette le fond… et aussi la forme. « Il ne faut pas y aller comme les Américains en faisant preuve d’arrogance dans les décisions politiques. Il faut que la province respecte les décisions municipales. »

Peu inquiet en revanche de voir le gouvernement Ford lui imposer une réduction de son conseil municipal, M. Sigouin reconnait tout de même que la question s’est déjà posée à Hearst. « Il y a quinze ans environ, alors que j’étais déjà maire, j’ai songé à passer de six à quatre élus. Aujourd’hui, je suis pourtant satisfait avec six élus. C’est mieux d’être plus de monde, car il est souvent difficile pour les élus de concilier le travail et le temps investi au conseil municipal. »

Un son de cloche quasi-identique pour son homologue de Smooth Rock Falls, Michel Arseneault. Avec 1 330 résidents, la petite municipalité du Nord ontarien pèse peu en comparaison de la Ville reine. « Je ne crois pas que Doug Ford aurait dû utiliser la clause dérogatoire. Ici à Smooth Rock Falls, nous n’avons pas de quartier, mais je comprends très bien l’idée pour Toronto que chaque quartier ait son représentant. »

M. Arseneault aimerait que les municipalités soient totalement indépendantes. « Il y a quelques années, on a décidé de passer le nombre de conseillers municipaux de six à quatre pour économiser de l’argent. Ce n’était pas au gouvernement provincial de décider! »

Mercredi en après-midi, le projet de loi du gouvernement a été adopté en première lecture par 63 voix contre 17. Tous les députés n’étaient pas présents lors du vote. La faute notamment à l’exclusion de certains élus néo-démocrates pour avoir manifesté trop bruyamment et volontairement leur opposition.