Clause dérogatoire : un impact politique limité

Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford. Gracieuseté.

[ANALYSE]

TORONTO – Il y a des images qui resteront pour longtemps : Doug Ford défendant bec et ongle sa clause dérogatoire, Andrea Horwath expulsée de la Chambre pointant du doigt les élus progressistes-conservateurs ou encore, des citoyens menottés. La semaine dernière, un climat de chaos flottait à Queen’s Park. 

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La raison? La volonté du premier ministre de recourir à la fameuse clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés dans le dossier de la réduction du conseil municipal de Toronto. Une réaction à la suite de la décision de la Cour supérieure de l’Ontario, quelques jours avant, d’invalider son projet. Il n’en fallait pas plus pour enflammer les débats à l’Assemblée législative.

Mais que risque politiquement Doug Ford avec cette démonstration de force? Car la loi 31 en passe d’être votée, qui ramène le nombre de conseillers municipaux torontois de 47 à 25, a suscité bon nombre d’oppositions. Même l’ancien premier ministre de l’Ontario, Bill Davis, et Justin Trudeau – de manière plus indirecte – ont rappelé l’importance de la Charte canadienne des droits et libertés.

En vérité, le premier ministre de l’Ontario ne risque pas grand-chose. Aussi brutale fut-elle, l’utilisation de la clause dérogatoire est sans risque pour Doug Ford dont le parti est largement majoritaire en Chambre, le tout… à quatre ans du prochain scrutin. Les électeurs auront le temps d’oublier.

Mais surtout, la décision du chef du Parti progressiste-conservateur dérange principalement les quartiers du centre-ville de Toronto. Or, ce n’est pas ici véritablement le cœur de la Ford Nation. Des mécontents qui ne seront pas synonymes de pertes pour M. Ford. Ailleurs en Ontario, on a beau grincer un peu des dents et compatir, l’impact de la décision de Doug Ford reste confiné dans la Ville reine.

Une opposition réveillée

Toujours est-il que le passage en force du gouvernement a réveillé l’opposition. On se souvient que les trois autres partis présents sur les bancs de Queen’s Park n’avaient pas été particulièrement volubiles durant les cinq semaines de la session d’été. Le Nouveau Parti démocratique (NPD) avait même attendu la fin août pour dévoiler son cabinet fantôme.

En tapant sur leurs bureaux pour enterrer la lecture du texte, les néo-démocrates ont marqué les esprits. Mais la chef Andrea Horwath a avoué n’avoir pas « les outils » pour s’opposer à Doug Ford. Signe que le premier parti d’opposition à Queen’s Park devra parcourir mieux les règlements et autres textes de loi à long terme s’il espère « coincer » le gouvernement en place.

Les Franco-Ontariens pas épargnés

Finalement, on pourrait croire que le brouhaha à Queen’s Park n’a pas eu d’impact sur les Franco-Ontariens. C’est en partie faux. La procureure générale, Caroline Mulroney, et Nathalie Des Rosiers se sont opposées sur la clause dérogatoire. Une passe d’armes de plusieurs minutes sur les bancs de Queen’s Park qui n’est pas passée inaperçue. D’autant que la députée libérale a demandé la démission de Mme Mulroney.

Les libéraux, Mme Des Rosiers en tête, promettaient encore il y a quelques semaines de travailler main dans la main avec Mme Mulroney, qui officie également comme ministre déléguée aux Affaires francophones, sur les dossiers franco-ontariens. Ça part donc mal.

Malgré leurs différends, on se souvient qu’autrefois, Madeleine Meilleur et sa principale opposante France Gélinas, se respectaient et s’appréciaient. Pour le meilleur de la francophonie… et de la qualité des débats.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 17 septembre.