CLO : seconde chance pour satisfaire tout le monde

La ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly. Crédit image:Archives #ONfr

[ANALYSE]

OTTAWA – La température était montée d’un cran dans les bureaux de Patrimoine canadien au printemps dernier. La nomination avortée de Madeleine Meilleur à titre de commissaire aux langues officielles du Canada n’a fait que des perdants.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

D’une, le gouvernement s’est trouvé empêtré dans une controverse dont il n’avait pas su anticiper les dégâts. Par ailleurs, les francophones, profondément divisés sur le processus de nomination, affichaient leurs désaccords sur la place publique.

Pendant ce temps, le Commissariat aux langues officielles restait – et reste – toujours orphelin d’un nouveau chef de file après le départ de Graham Fraser en décembre.

Il faut donc faire vite. Et le ministère du Patrimoine canadien a pris la balle au bond, en annonçant, vendredi, la mise en place d’un nouveau processus. Un « processus ouvert, transparent et basé sur le mérite », estime le bureau de Patrimoine canadien, dans une formule caractéristique de sa ministre, Mélanie Joly.

Une leçon mieux comprise

Il est clair que le gouvernement semble avoir mieux compris la leçon du printemps. Dans la forme tout d’abord, le processus de nomination est beaucoup plus détaillé que la première fois. On y apprend qu’il y aura bien un comité de sélection et que les partis d’opposition sont « invités à formuler leur avis quant à la participation des intervenants ». Un pas en avant qui sonne aussi comme des excuses.

Seconde constat : le gouvernement, décidément conscient de marcher sur des œufs, recommence le processus de nomination à zéro, avec un nouvel appel aux candidatures. Une décision quasi-symbolique dans la mesure où toutes les candidatures initiales sont conservées. Peu de chances qu’au milieu de l’été, une pléiade de nouveaux aspirants ne se déclare. À contrario, reprendre le processus à l’endroit laissé en juin dernier aurait été vu par beaucoup comme une manigance.

Enfin, en ne donnant pas d’échéancier précis sur la nomination, tout en dévoilant le processus (un vendredi de juillet), Patrimoine canadien montre sa bonne volonté, et cherche à gagner encore du temps. Car le successeur de Graham Fraser ne sera probablement pas connu dans les trois prochains mois.

L’éternel débat sur la transparence

Dès son élection en octobre 2015, le gouvernement de Justin Trudeau a fait de la « transparence » sa marotte. Le choix de Mme Meilleur, qui représentait un test dans le processus d’un agent parlementaire sous M. Trudeau, a montré les limites de ce « concept de l’ouverture ».

Pour les partis d’opposition à la Chambre des communes et la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA), le processus ne va pas assez loin. Selon eux, il faudrait une « distance » des agents parlementaires vis-à-vis des partis. On ne peut pas être contre la vertu, d’autant que l’idée donnerait un peu plus d’oxygène à la démocratie.

Reste encore à définir ce que l’on entend par « distance ». Aucune contribution financière dans un parti au cours des derniers mois, voire des dernières années? Aucun lien avec tel ou tel parti? Le gouvernement Trudeau ne semble pas prêt à ouvrir le débat.

Une certitude quand même : le nouveau chien de garde aux langues officielles sera le plus possible éloigné de considérations politiques.

Le gouvernement pourrait être même tenté de chercher une figure consensuelle aux Franco-Ontariens, Acadiens, et francophones de l’Ouest… preuve au final que la nomination controversée de Madeleine Meilleur a bel et bien laissé des traces, dans les officines du gouvernement et chez les francophones.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 31 juillet.