Comprendre d’abord les défis de l’éducation en contexte linguistique minoritaire

Un colloque organisé par l'OÉCLM a réuni une douzaine d'experts en éducation afin de réfléchir aux enjeux et aux besoins futurs de la profession d'enseignant. Crédit image: Lila Mouch

OTTAWA – Un colloque organisé sur le campus de l’Université d’Ottawa par l’Observatoire sur l’éducation en contexte linguistique minoritaire (OÉCLM) et réunissant une douzaine d’experts a mis en lumière, vendredi dernier, les défis de l’enseignement. Au programme : pénurie, immigration et rétention. Les besoins de demain ne sont pas tant à portée de main.

Durant le colloque mis sur pied par Nathalie Bélanger, directrice de l’OÉCLM, de nombreuses pistes de réflexion ont été soulevées par les acteurs de la francophonie ontarienne. Le caractère urgent de la pénurie d’enseignants a jailli des divers témoignages de panélistes et du public, composé d’enseignants, de chercheurs et d’institutions francophones.

Il a donc été question d’élaborer des pistes de réflexions et de solutions pouvant retenir les enseignants francophones dans les écoles en Ontario. Un enjeu majeur, a souligné une des panélistes, Claudine Laporte de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO).

Parmi les solutions, les panélistes s’accordent sur l’importance de valoriser et promouvoir la profession. « On (les enseignants) a tellement d’impact sur la société de demain, mais ce n’est pas cela qui est véhiculé », estime Mme Laporte.  

Sarinah Asselas,directrice générale adjointe de l’AFO et Claudine Laporte, cadre à l’AEFO. Crédit image : Lila Mouch

Pour retenir les enseignants, Mme Laporte suggère également de travailler sur l’accueil et le mentorat qui est donné aux nouveaux et nouvelles enseignantes qui seront issus de l’immigration.

Alice Fomen, fondatrice de l’Alliance pour une communauté éducative et inclusive (ACEI) considère, que « nous avons besoin de politiques d’accompagnements pour les enseignants issus de l’immigration récente et aussi pour les étudiants en enseignement. »

Beaucoup de ces étudiants sont également issus d’une minorité ethnique », reprend-elle. Ils représenteraient plus de 60 % des élèves en enseignement actuellement.

Pour Mme Fomen qui a aussi été enseignante pendant 10 ans, les réalités sont différentes en Ontario. « Il y a un besoin d’intégration sociale, donc d’un mentor et d’un cercle dans lequel les enseignants issus de l’immigration ne seraient pas jugés et où on ne mettra pas en doute leurs compétences. »

Valoriser la profession et la formation

« Certainement en raison de la pandémie, le taux d’échec et d’abandon des deux dernières a augmenté dans les cursus de formation en éducation. 10 % des élèves ont abandonné dans les trois premières semaines », indique Mirela Moldoveanu, chercheure à l’Université d’Ottawa.

Phyllis Dalley est professeure et chercheure à l’Université d’Ottawa, à sa droite Alice Fomen. Crédit image : Lila Mouch

« Plusieurs diplômés de l’éducation choisissent une autre voie à la fin de leurs études et cela est tout aussi inquiétant. »

La chercheure suggère qu’il faille plus de stages pour contrer cet effet négatif, mais qu’il manque cruellement de place. Ce qui se passe donc, c’est que les étudiants-enseignants « ont des retards dans les traitements des dossiers à l’Ordre des enseignants et des enseignantes de l’Ontario, mais aussi font face à un taux d’embauche réduit en suppléance.  

Pour pallier la pénurie d’enseignants, il y a donc le certificat temporaire qui a été implanté en 2021 et renouvelé en 2022 qui permet de faire des suppléances occasionnelles. « Mais bon, peu d’étudiants là aussi trouvent des contrats », poursuit Mme Moldoveanu.

« La stratégie marketing mise en place depuis plusieurs années est peut-être mal orientée, les représentations sociales de la profession sont-elles négative? », s’interroge la chercheure.

Les enseignants quittent l’éducation

Au sein des écoles, on entend dire qu’il faut plus de nombres, explique Phyllis Dalley professeure et chercheure sur le décrochage du personnel enseignant. « Il faut plus de nombres, mais le personnel enseignant se demande si cette recherche ne se fait pas à leurs dépens. »

« On accepte de plus en plus d’enfants endogames anglophones dans les écoles de langue française, mais on refuse de se le dire. »

La chercheure estime qu’« on refuse de se donner la formation nécessaire. Il y a finalement de nombreux enfants qui parlent anglais à la maison, mais dont les parents sont des ayants droit. »

« On est dans un processus de revitalisation de la langue », clame-t-elle. « Il faut donc former autrement le personnel. Il faut le dire dès la formation à l’enseignement. »

Autrement dit, l’apprentissage à des enfants francophones et l’apprentissage à des enfants anglophones ne sont pas les mêmes. Pour Phyllis Dalley, « il y a un problème de condition de travail », dans ce cas-ci.

De gauche à droite : Phyllis Dalley, Alice Fomen, Mirela Moldoveanu et Raphaël Gani. Crédit image : Lila Mouch

Une participante à la recherche de la professeure estime que les écoles de langue française sont des usines à fabriquer des francophones à partir d’anglophones. L’éducation en français en contexte minoritaire est donc en train de vivre une mutation.

Les visages familiers de la francophonie représentés par plusieurs organismes tels que le Centre de recherche sur les francophonies canadiennes de l’Université d’Ottawa (CRCCF), l’Association franco-ontarienne des conseils scolaires catholiques (AFOCSC), l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO), l’Assemblée de la francophonie ontarienne (AFO) ou encore des enseignants, des conseils scolaires, des chercheurs, ainsi que Commission canadienne pour l’UNESCO, ont identifié les défis de l’éducation mettant en lumière les nouvelles réalités du métier d’enseignant. 

Cet article a été modifié le 16 novembre à 11H29.