Confier l’apprentissage en ligne à TFO et TVO inquiète les syndicats d’enseignants

Le ministre de l'Éducation Stephen Lecce. Crédit image: Groupe média TFO

TORONTO – Alors que le diffuseur francophone TFO et son pendant anglophone TVO se sont vus confier un mandat d’apprentissage en ligne, financé à hauteur de 60 millions de dollars, les syndicats d’enseignants demandent au gouvernement de faire machine arrière, l’accusant d’ouvrir la porte à la privatisation de l’enseignement et à l’apprentissage virtuel permanent. La direction de Groupe Média TFO défend un soutien complémentaire et novateur, mais le gouvernement se fait avare de détails concernant l’avenir du CAVLFO.

« C’est strictement politique et pour se faire de l’argent sur le dos du système scolaire publique », dénonce Anne Vinet-Roy, la présidente de l’Association des enseignantes et enseignants franco-ontariens (AEFO). Autour d’elle, l’ensemble des syndicats d’enseignants se sont élevés, ce mercredi en conférence de presse, contre une « manœuvre précipitée et préjudiciable aux élèves comme aux enseignants ».

Ils dénoncent d’une même voix une porte ouverte à la privatisation des contenus éducatifs – puisque ceux-ci seront confiés à des employés non enseignants recrutés par TFO et TVO – dans le but d’en tirer des profits. Une autre dérive les inquiète : la tentation pour le gouvernement de glisser vers un apprentissage virtuel permanent à un moment où « l’accent aurait dû être mis sur un financement adéquat pour assurer la réouverture en toute sécurité des écoles ».

L’annonce du ministre de l’Éducation, la veille, de donner le choix aux parents d’opter pour un retour en classe ou à distance à la rentrée prochaine a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase pour les représentants des enseignants, ralliés par des organisations porte-parole de parents d’élèves.

« Ce genre de programmes virtuels existe déjà dans nos conseils scolaires pour accommoder des besoins particuliers ou certaines régions », fait remarquer Mme Vinet-Roy à propos du Consortium d’apprentissage virtuel de langue française de l’Ontario (CAVLFO), une structure plébiscitée par les parents au cœur de laquelle agissent des enseignants détachés par les conseils scolaires.

Les leaders syndicaux Anne Vinet-Roy (AEFO), Sam Hammond (ETFO) et Harvey Bischof (OSSTF/FEÉSO). Capture d’écran ONFR+

« On est contre un système distinct qui fera de l’argent sur le dos du système d’éducation » – Anne Vinet-Roy, présidente de l’AEFO

« Les parents ne réclament pas qu’on généralise ce mode-là. Des partenariats avec TFO et TVO appuient déjà le système actuel pour répondre a des besoins très spécifiques. On n’est pas contre ça », clarifie-t-elle. « On est contre un système distinct qui fera de l’argent sur le dos du système d’éducation qui a terriblement besoin d’investissement au niveau de l’apprentissage en classe ». Et de qualifier l’intention du gouvernement de « malhonnête et déraisonnable ».

Un mandat élargi et des questions sans réponse

Depuis la modification controversée de la Loi sur l’éducation, en juillet dernier, TFO a vu son mandat à la création, l’administration et la coordination des programmes d’enseignement à distance de langue française. Plus qu’un soutien technologique, la mission de production de contenus conférée au diffuseur public ontarien devait faire l’objet de consultations avec les partenaires en éducation. Des discussions qui n’ont jamais eu lieu, affirment les syndicats.

Groupe Média TFO, qui a soumis au ministère de l’Éducation un plan d’affaires conjoint avec TVO en décembre dernier et mène une importante campagne de recrutement, n’a pas souhaité d’exprimer sur ce dossier sensible, renvoyant la balle au ministère de l’Éducation.

L’apprentissage virtuel sera-t-il permanent? Se fera-t-il au détriment des investissements dans les salles de classe? Le CAVLFO sera-t-il aboli? Des questions toujours sans réponse. « Nous voulons que les élèves apprennent dans leurs salles de classe parce que nous savons que c’est essentiel à leur santé mentale et à leur bien-être », soutient la porte-parole du ministre Lecce, Caitlin Clark, associant l’apprentissage virtuel une réponse temporaire.

« Les parents doivent pouvoir choisir en septembre, pendant que l’incertitude causée par cette pandémie mondiale se poursuit », poursuit-elle . « Alors que les libéraux et les syndicats d’enseignants veulent supprimer ce choix, notre gouvernement le protégera pour les parents tout en assurant qu’ils auront le temps nécessaire pour prendre cette décision. »

Le CAVLFO n’avait pas retourné notre demande d’entrevue à l’heure où nous écrivions ces lignes.