Consultation sur l’immigration francophone : critiques et solutions
HAMILTON – Alors que le gouvernement de Kathleen Wynne vante sa vision en matière d’immigration francophone, plusieurs acteurs de la communauté critiquent vertement le système en place. À l’occasion de la consultation sur l’immigration de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO), le mardi 10 janvier, ces intervenants ont identifié les problèmes actuels et fourni des pistes de solutions.
ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg
« Il n’y a pas de réelle filière francophone en immigration en Ontario. Les francophones ont un réseau scolaire francophone, mais en immigration, ça n’existe pas! Actuellement, on ne peut tout simplement pas promouvoir nos communautés à l’étranger et présenter la vie francophone d’ici », affirme Sébastien Skrobos de l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO) – Régionale-Hamilton.
Il était de la quinzaine de personnes rassemblées à Hamilton pour cette rencontre s’inscrivant dans une série de tables rondes qui se dérouleront au cours des prochaines semaines partout dans la province.
« Les immigrants francophones doivent être reconnus comme francophones. On doit les accueillir en leur demandant leur langue de choix et leur expliquer la réalité francophone dès le début, sinon on les perd », a insisté Lorrain Hamilton, qui travaille de près avec les immigrants au sein du Collège Boréal.
Sa collègue, Suzanne Bélanger-Fontaine, a aussi critiqué le modèle actuel. « Personne ne regarde le continuum. On donne de l’argent un peu ici, un peu là. Il y a une compétition pour le financement. On est un paquet d’organismes communautaires qui reçoivent des chèques avec une opportunité d’avoir une photo avec le député dans le journal. Mais la politique institutionnalisée ne nous donne pas les occasions de bâtir un continuum, car on est dépendant des subventions », constate-t-elle.
Accueil en français
Plusieurs participants ont souligné les problèmes dans l’accueil et l’intégration des immigrants francophones. Bien souvent, ces deux étapes se font en anglais et les francophones s’éloignent de la communauté franco-ontarienne, a-t-il été dit.
« Je suis originaire de la Belgique. Quand j’ai assisté aux présentations du Canada en Belgique, on nous disait que le pays est bilingue. Mais en arrivant, c’est un choc! C’est un pays surtout anglophone. C’est très difficile de rassembler les francophones et de recevoir des services en français en arrivant », a soutenu Kaur Arwinder.
« Il faut un organisme francophone à l’aéroport. Quand j’arrive de l’extérieur, je coche le français et c’est quelqu’un qui parle le français qui m’oriente vers les bonnes ressources », a renchéri Émilienne Mondo du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Centre-Sud-Ouest.
Le défi de l’intégration économique en français
Il manque également d’opportunités économiques en français pour les nouveaux arrivants, ont souligné des intervenants lors de la consultation.
« Nous sommes une communauté d’employés, mais très peu d’entrepreneurs. On ne se donne pas l’opportunité d’offrir des emplois aux autres francophones ou d’être visibles. On manque d’histoires de réussites qui pourraient nous amener plus haut », dit Fayza Abdallaoui. Pour avoir un poids politique, les francophones devraient aussi se rassembler dans des quartiers précis, ce qui faciliterait aussi l’offre de services, a-t-elle ajouté.
Et l’immigration francophone ce n’est pas seulement une affaire de jeunes professionnels hyper-qualifiés parfaitement bilingues. Des intervenants ont insisté sur les défis rencontrés par certains immigrants francophones qui n’ont pas de diplômes et ont des difficultés en anglais, mais aussi en français. Ils devraient aussi être consultés dans le cadre du processus de consultation, a renchéri un intervenant.
Dans quelle mesure la communauté franco-ontarienne est-elle inclusive à l’endroit des immigrants francophones? Les Franco-Ontariens « de souche » comprennent-ils l’importance de l’immigration de langue française? Deux questions délicates qui ont été posées lors de la rencontre.
« On parle beaucoup du gouvernement et de ce qu’il ne fait pas. Mais il faut parler de ce qu’on peut faire aussi. Pour intégrer une famille, comme communauté d’accueil, on n’a pas besoin du gouvernement. Est-ce que, par le comportement de la communauté, on repousse des immigrants francophones qui vont vers les anglophones? Il faut avoir le courage d’en parler », a affirmé Alain Dobi, directeur du Réseau de soutien à l’immigration francophone du Centre-Sud-Ouest.
Si le gouvernement a un rôle à jouer, les intervenants présents ont mentionné l’importance d’aider les immigrants à s’enraciner dans la communauté. « Il y avait auparavant des programmes de jumelage avec des francophones. Ce n’est pas avec un responsable en immigration qu’on va aller boire un verre la fin de semaine! Il faut bâtir des racines dans la communauté », a soutenu Sébastien Skrobos.
Le représentant de l’ACFO Régionale-Hamilton propose aussi que les bénéfices d’être immigrant francophone soient mis de l’avant. « De gonfler les rangs de la communauté franco-ontarienne et d’élever leurs enfants en français, plusieurs immigrants s’en foutent quand ils arrivent ici! Il faut leur montrer les avantages et mettre en place des bénéfices, comme un processus accéléré pour obtenir sa citoyenneté si on est un immigrant francophone », a-t-il suggéré.
Les consultations menées actuellement déboucheront sur un Livre blanc sur l’immigration francophone en Ontario. Les deux prochaines rencontres se dérouleront à Windsor et Sudbury, le 12 janvier.