L’Est, le Nord et Toronto sur des planètes différentes : déconfinement uniforme

Crédit image: photomontage ONFR+

TORONTO – Doug Ford persiste et signe : malgré leurs réalités différentes, les différentes régions de l’Ontario vont se déconfiner en même temps et de la même façon. Une approche bien différente de celle de plusieurs autres provinces ou régions de la planète, qui privilégient le cas par cas.

Toronto continue d’avoir un taux de contamination jusqu’à 20 fois plus élevé que celui d’autres régions de la province, à peu près épargnées par la pandémie. Alors que certains bureaux de la santé publique ne rapportent aucun cas, depuis plus de 24 heures, la situation dans le Grand Toronto et à Ottawa, notamment, demeure préoccupante.

Jeudi, le premier ministre ontarien a été questionné sur la possibilité de déconfiner ou de diminuer les contraintes dans les secteurs où la pandémie est moins active. Il a, encore une fois, fermé la porte à cette possibilité.

« Nous voulons être consistants avec le message que nous allons ouvrir tout en même temps, partout dans la province », a-t-il insisté.

Au contraire du Québec qui a décidé de rouvrir les écoles partout sauf à Montréal, Doug Ford a été sans équivoque : les écoles ouvriront toutes en même temps ou aucune n’ouvrira.

« La priorité est de protéger tous nos enfants. C’est la priorité absolue », a-t-il lancé.

Certains hygiénistes en chef de la province ont pourtant demandé au premier ministre qu’il adopte des différences régionales. Doug Ford réplique que cela mettra à risque les citoyens de ces régions qui pourraient constater l’arrivée de visiteurs de grands centres voulant profiter de ces libertés.

Les dernières données de la Santé publique de l’Ontario concernant les cas par bureau de la santé publique. Gracieuseté : Santé publique Ontario

Le virologue et spécialiste des maladies virales, Hugues Loemba, croit que la province pourrait se permettre de lâcher du lest dans les régions. « Si on considère l’Ontario comme un tout, on pourrait aussi voir le Canada comme un tout ou l’Amérique comme un tout. Mais je crois au contraire qu’on peut prendre les secteurs de manière indépendante si les facteurs sont favorables. S’il y a une réduction de cas depuis deux semaines, on peut commencer à déconfiner », croit-il.  

Situation stable dans le nord

Le 11 mars, Sudbury avait fait les manchettes avec un premier cas de coronavirus lié à un voyageur revenant de Toronto. Mais avec ses 164 000 citoyens, Sudbury a aujourd’hui un taux de contamination relativement faible comparativement à des bureaux de la santé publique couvrant une population similaire. Depuis le début, les derniers résultats dévoilés font état de 61 cas et de deux décès.

Dans le district de Thunder Bay, 78 cas ont été rapportés depuis le début de la pandémie, dont une vingtaine associés à un seul site minier. Le premier et unique cas rapporté dans la petite communauté de Greenstone, par exemple, était associé à cette éclosion.

Le bureau de la santé publique de Porcupine ne rapportait aucun nouveau cas, jeudi. Depuis le début de la pandémie, 65 cas ont été rapportés, mais seulement huit demeurent encore actifs, les autres sont tous guéris.

Les taux de contamination par région par 100 000 de population. Les zones vertes foncées sont les plus touchées. Gracieuseté : Santé publique Ontario

Ottawa et l’Est ontarien : les aînés premières victimes

De nombreuses résidences pour aînés d’Ottawa connaissent des éclosions de coronavirus, assombrissant le portrait dans la Capitale nationale.

Dans l’Est ontarien, à Plantagenet, la résidence Pinecrest a été frappée de plein fouet. La maladie a arraché la vie à neuf résidents jusqu’à maintenant.

Au contraire, la propagation communautaire dans cette région de la province est demeurée relativement limitée, même si l’Est ontarien est bordé par le Québec et les États-Unis.

« Plusieurs facteurs n’allaient pas dans le sens de la réussite. Beaucoup de gens bougent dans notre région, notamment à Ottawa et nous avons une population plus âgée qu’ailleurs », affirme l’hygiéniste en chef du Bureau de la santé publique de l’Est ontarien, Paul Roumeliotis.

« À Limoges et Rockland, il y a beaucoup de gens qui travaillent à Ottawa. Nous avons aussi une proportion plus forte de personnes âgées et de personnes qui ont des maladies chroniques. »

Pourquoi alors une réussite? « Nos gens ont respecté les mesures de santé publique. Finalement, peu de personnes ont voyagé ailleurs et on a constaté le plafonnement de la courbe communautaire », ajoute-t-il, soulignant qu’en dehors des résidences pour aînés, aucun décès communautaire n’est à signaler.

Le Grand Toronto en haut de la liste

À Toronto, 153 nouveaux cas ont été rapportés, entre mercredi et jeudi, portant le total à 8 097. Un total de 648 Torontois sont décédés du virus.

Autour de Toronto, notamment dans Peel et le Niagara, les taux de contamination sont aussi élevés. La circulation des citoyens autour du Grand Toronto dans les débuts de la pandémie est évoquée pour expliquer cette réalité. Windsor, qui bordure la frontière américaine, a aussi un taux de personnes contaminées important.

L’analyse des autorités en ce qui concerne les grands centres doit être différente de celle des régions, insiste le virologue Hugues Loemba.

« Le risque dans un grand centre est augmenté comparativement aux régions. Il y a aussi plus de résidences pour aînés. Pour ouvrir, il faut s’assurer d’avoir les bonnes conditions, vérifier la capacité de traçage et tester énormément », souligne-t-il.

Dans le cas des écoles, le gouvernement ontarien prendrait cependant la bonne décision de miser sur un plan de match uniforme, partout en province.

La distanciation sociale est difficile dans le milieu scolaire et le réseau éducatif a besoin de plus de temps pour changer ses manières de faire, croit le Dr Loemba. « 

Il y a encore beaucoup d’inconnus sur cette maladie. Au départ, on disait que les enfants n’étaient jamais atteints. Là, on voit des situations, notamment à New York. Ensuite, le syndrome de Kawasaki dont on parle beaucoup. À chaque fois qu’on avance, il y a du nouveau. Je pense que le risque associé à un retour à l’école est beaucoup plus grand que le bénéfice, pour l’instant », dit-il.