Coupes du gouvernement Ford : l’inquiétude dans les conseils scolaires

La ministre de l’Éducation, Lisa Thompson. Crédit image: Jackson Ho

[ANALYSE]

Pas un fonctionnaire coupé. En pleine campagne des élections provinciales, il y a un an, Doug Ford tentait de rassurer des employés inquiets par sa volonté d’assainir les finances publiques de la province. Le filon était gros.

Lors de la présentation de la réforme de l’Éducation en mars, la ministre Lisa Thompson l’avait promis : l’augmentation du nombre d’élèves de 22 à 28 par classe ne devait pas entraîner la suppression de postes du personnel enseignant. Ou plutôt des coupes par attrition, comme l’a affirmé la ministre de l’Éducation quelques semaines plus tard. Une estimation de 3 500 pertes de postes de cette manière était alors annoncée. Là encore, le filon était gros.

La vérité est plus nuancée. Et la lessive aurait déjà commencé du côté des conseils scolaires, contraints par le gouvernement à sabrer dans leurs dépenses. On dit que certains enseignants auraient même déjà reçu une lettre leur indiquant être « en surplus ».

Si la majorité des institutions éducatives francophones font preuve d’une extrême prudence quand il s’agit de parler du gouvernement Ford, deux ont confirmé les pressions du ministère de l’Éducation.

Des coupes, mais où couper?

Selon des documents financiers obtenus par ONFR+, le conseil scolaire MonAvenir doit trouver 4,2 millions d’économie pour cette année. Un chiffre qui se fixe à 2,5 millions du côté de Viamonde. Une bien délicate mission qui met les enseignants en première ligne en cas d’éventuelles coupes. Ce sont en effet les salaires du personnel et les avantages sociaux qui représentent la plus grosse part des dépenses des conseils scolaires.

La solution évoquée par les conseils scolaires : le fameux non-remplacement des départs à la retraite, comme le suggérait la ministre. Mais cela ne suffira peut-être pas.

Les cours plus spéciaux, comme les arts plastiques et la musique, pourraient éventuellement être ciblés du fait du faible nombre d’élèves inscrits.

L’autre possibilité pour les conseils scolaires francophones reste de couper dans les transports scolaires ou les frais plus « administratifs » (chauffage, fourniture de livres, électricité). Dans le cas du transport scolaire, la plus faible présence d’écoles francophones rallonge les distances pour le transport… et l’argent dépensé. Des économies en somme de bout de chandelle.

La défense du gouvernement

Sur le fond, le gouvernement progressiste-conservateur se défend cependant de chercher des économies. Et les 16 millions de dollars supplémentaires pour 2019-2020 alloués pour l’ensemble des 12 conseils scolaires sont effectivement une augmentation.

C’est oublier que cette enveloppe de 16 millions sur un budget de 1,79 milliard ne représente que des miettes, considérant l’inflation. Fait à noter : durant les dernières années, les conseils scolaires francophones ont vu leur enveloppe totale réévaluée chaque année entre 50 et 100 millions de dollars.

Dans la forme, la méthode est aussi contestable pour beaucoup d’experts. En demandant des « efficacités » directement aux conseils scolaires, le gouvernement Ford semble se dédouaner de toute responsabilité. Car c’est le ministère de l’Éducation qui garde bel et bien le gros bout du bâton pour décider où couper.

Cette stratégie ressemble à celle déjà utilisée avec la baisse des frais de scolarité de la part du gouvernement pour les collèges et universités. Une manière alors de rejeter la patate chaude entre les mains des institutions postsecondaires.

En chute dans les sondages, Doug Ford doit trouver un nouveau souffle. Mais en touchant au cœur du système éducatif, le premier ministre risque de rester dans les basses eaux.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 3 juin.