Crise linguistique : dix jours et dix moments

La députée progressiste-conservatrice Amanda Simard et le président de l'AFO, Carol Jolin. Crédit image: Benjamin Vachet

Ce dimanche marque le dixième jour de la crise linguistique en Ontario. #ONfr vous propose un récapitulatif des dix moments-clés des événements des derniers jours.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

Jeudi 15 novembre. 13h30. Le coup de massue.

Incroyable coup de théâtre synonyme d’assommoir pour les Franco-Ontariens. Dans son énoncé économique, le gouvernement progressiste-conservateur de Doug Ford annonce l’annulation du projet de l’Université de l’Ontario français et l’abolition du poste de commissaire aux services en français. Une décision qui condamne de fait son occupant François Boileau.

Sur les médias sociaux, les réactions déferlent. Les nouvelles font l’effet d’une bombe d’autant que l’équipe de Doug Ford s’était engagée officiellement pour l’Université, en juillet. Cette dernière existe déjà comme entité légale avec son conseil de gouvernance.

Vendredi 16 novembre. La crise devient progressivement nationale.

Les déboires des Franco-Ontariens ont des échos au gouvernement fédéral. La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de Francophonie, Mélanie Joly, signale dès le vendredi sa « grande déception face aux décisions du gouvernement de l’Ontario ».

Dans les jours qui suivent, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh demande au gouvernement de financer l’Université de l’Ontario français. Le leader conservateur Andrew Scheer, pris entre l’arbre et l’écorce, finit par avouer qu’il n’aurait pas pris les décisions de Doug Ford.

Dimanche 18 novembre. 10h. La mobilisation francophone démarre.

Une première rencontre à huis clos est organisée en présence des leaders francophones sous l’impulsion de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO). Si l’issue à la crise se veut avant tout politique, on commence à réfléchir aussi à un dénouement juridique.

Les avocats et juristes sont sur le pied de guerre. À l’image de Ronald Caza qui affirme la similarité de cette crise avec celle de SOS Montfort à la fin des années 1990. « En fermant ces deux institutions (Commissariat et l’Université), le gouvernement refuse de reconnaître les besoins des minorités et la nécessité pour sa vitalité et son épanouissement d’avoir ses propres institutions. »

Lundi 19 novembre, 15h. Doug Ford persiste et signe.

Hasard du calendrier, le premier ministre du Québec, François Legault, est reçu par son homologue ontarien, la journée même à Queen’s Park. Doug Ford ne peut échapper aux critiques.

Dans un point de presse improvisé, le premier ministre ontarien justifie ses décisions pour les francophones, qualifiant le choix du projet universitaire d’« irresponsable » financièrement. M. Ford dénonce la désinformation, assurant qu’il y a « dix universités et collèges en Ontario qui offrent plus de 300 programmes en français ».

Le premier ministre Doug Ford et la ministre déléguée aux Affaires francophones, Caroline Mulroney. Capture écran #ONfr

Mardi 20 novembre. 12h. Caroline Mulroney en difficulté.

Caroline Mulroney apparaît mal à l’aise et hésitante devant les médias. La ministre déléguée aux Affaires francophones continue d’invoquer la dette de 15 milliards de dollars pour expliquer les décisions. La veille, Mme Mulroney avait déjà proposé à François Boileau… un poste d’ombudsman adjoint.

Pour ne rien arranger, la ministre refuse l’invitation du gouvernement fédéral à comparaître devant le comité permanent des langues officielles. Ce mardi marque la dernière apparition à Queen’s Park de Caroline Mulroney au cours de la semaine.

Mercredi 21 novembre. 13h. La Nouvelle Scène s’ajoute à la liste.

Nouveau rebondissement quand la Nouvelle Scène reconnaît n’avoir pas reçu la subvention de 2,9 millions de dollars tant espérée dans l’énoncé économique de Doug Ford. La subvention devait permettre au centre artistique francophone d’Ottawa de « remédier à des défis inattendus encourus lors de la reconstruction de l’édifice ».

Les pépins de la Nouvelle Scène accentuent encore un peu plus le climat de peur qui règne chez les francophones vis-à-vis d’éventuelles nouvelles compressions.

Mercredi 21 novembre. 18h30. Amanda Simard sort du silence.

Sous le feu des critiques depuis presque une semaine, Amanda Simard brise le silence. Dans un long message Facebook, la députée progressiste-conservatrice et franco-ontarienne se désolidarise des décisions de Doug Ford. « En passant, j’ai lu quelque part que la députée Simard might be upset. Faux. Je suis definitely upset. »

La prise de position est automatiquement saluée sur les médias sociaux, tandis que l’avenir de l’élue de Glengarry-Prescott-Russell au sein de son parti semble s’obscurcir.

Jeudi 22 novembre. 11h. Le mouvement « Résistance » lancé.

Après plusieurs jours à peaufiner sa campagne « Résistance », l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) passe à l’attaque. Côte-à-côte dans une conférence de presse, le président Carol Jolin et le directeur général, Peter Hominuk, annoncent une quarantaine de manifestations le samedi 1er décembre devant les bureaux de circonscription des députés progressistes-conservateurs.

« Nous ne reculerons pas », laisse entendre M. Jolin, qui n’exclut pas une action juridique d’ampleur.

Vendredi 23 novembre. 17h. Léger recul de Doug Ford.

Un communiqué de presse du bureau de Doug Ford prend tout le monde par surprise. Le premier ministre annonce la création d’un poste de commissaire aux services en français intégré dans le bureau de l’ombudsman, l’autonomie du ministère des Affaires francophones, et la mise en place d’un poste de conseiller principal en politiques responsable des Affaires francophones.

L’AFO salue « l’ouverture », mais reste globalement insatisfaite. Sur les médias sociaux, la grogne ne faiblit pas.

Dimanche 25 novembre. 13h. Amanda Simard face à ses électeurs.

Devant quelque 300 résidents à St-Isidore dans l’Est Ontarien, Amanda Simard laisse entendre qu’elle reste pour l’instant membre du Parti progressiste-conservateur. L’élue de Glengarry-Prescott-Russell invite toutefois les francophones à maintenir la pression sur l’équipe de Doug Ford.

Les rumeurs des derniers jours laissaient penser que la députée pourrait siéger pour un autre parti, voire comme indépendante. « Ce n’est pas des questions qu’on prend à la légère. Je me suis alliée à un parti qui se rapproche le plus de mes convictions, mais quand ça vient le temps de la francophonie, c’est très important pour moi. L’argument économique ne peut pas justifier de fermer des institutions essentielles. »


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