Damien Robitaille : encore plus omniprésent

Archives ONFR+

[LA RENCONTRE D’ONFR+] 

L’homme-orchestre Damien Robitaille a profité de la pandémie pour enregistrer des chansons chez lui, avec son téléphone cellulaire et son chien, jamais très loin derrière. Ses reprises créatives de succès internationaux ont fait de lui une véritable vedette du web. En quelques mois, « l’homme qui me ressemble » a rassemblé des millions de vues. Ce soir (samedi 9 octobre) à 20h, il débute le Damien Robitaille World Tour, un spectacle virtuel gratuit de 24 h pour remercier ses fans. Rencontre avec un artiste intarissable.

« Comment la musique est-elle entrée dans votre vie?

Mon père chantait beaucoup autour du feu. Dans la communauté aussi, il y avait beaucoup de musique. On chantait à l’école, à l’église. Mes parents m’ont poussé à ça, ils m’ont inscrit à des leçons de piano, par exemple. J’étudiais les Beatles, le piano blues, le classique aussi. C’est un mélange de tout ça.

Qu’est-ce qui vous a donné le goût d’écrire en français?

Il y avait le concours Ontario Pop, qui est devenu Rond Point depuis. J’avais un prof de musique au secondaire qui était impliqué dans le milieu franco-ontarien et qui m’a encouragé à m’inscrire. Je n’ai pas gagné, mais le prof m’a dit : il y a du potentiel. Je vais t’enregistrer un disque. Il m’a pris sous son aile.

On pense que votre premier album est L’homme qui me ressemble, mais il y en a eu un autre avant

Ouais, c’était moins professionnel, enregistré dans une classe d’école secondaire. Mais quand même, ça m’a donné de l’expérience. C’est plus motivant d’écrire quand tu as une raison.

Vous avez récemment remis sur Twitter une chanson de cet album, intitulée Francofun. Est-ce que cette chanson veut encore dire quelque chose pour vous?

(Rires). Chaque chanson, c’est une photo d’une époque. Je n’écrirais pas une chanson comme ça aujourd’hui, mais disons que c’est le fun à sortir de temps en temps. Ça me rappelle des souvenirs. C’est une époque où je découvrais la culture francophone.

Damien Robitaille dans une vidéo d’ONFR+ en 2019, où il parlait de son accent franco-ontarien. Archives ONFR+

Aujourd’hui, quel est votre rapport avec votre identité franco-ontarienne?

Je suis mélangé… Le Franco-Ontarien, tu l’entends dans mon accent quand je parle français. Mais ma vie, je la partage entre le français, l’espagnol et l’anglais. Mes enfants vivent en Espagne. Alors là, moi, c’est quoi ma culture? Je ne suis pas allé en Ontario depuis longtemps à cause de la COVID-19. Je me sens un peu loin de mes racines. Je suis dû pour un retour aux sources. Mais je suis tout le temps fier. À travers ma carrière, ça a toujours été important pour moi de spécifier que je suis franco-ontarien. Je vois que ça a eu un impact. Il y a 15 ans, les gens ne connaissaient pas ça pantoute. Je ne dis pas que c’est grâce à moi, mais moi et plusieurs autres artistes et le mouvement général… Les gens sont plus conscients des réalités des francophones hors Québec. Pour moi, c’est une fierté de voir qu’on est un peuple reconnu.

Donc, ça s’est amélioré? Est-ce que les Québécois sont assez conscients qu’il y a des francophones hors Québec?

Je ne peux pas les blâmer. Mais ça prend des petites crises. Comme celle pour l’université francophone en 2018. Ça a ouvert les yeux. Ça a fait comme : OK, oui, on est solidaire avec vous.

Vous avez écrit la chanson Il me semble pour les journées de la culture en 2020. Elle peut rejoindre cette idée de bâtir des ponts entre les communautés?

C’est ça qui est génial avec l’art. On peut l’interpréter comme on veut. Mais honnêtement, j’ai écrit ça pour mes filles. Disons que dans les dernières années, les ponts que j’essaie de créer, c’est avec ma famille. Mes enfants en Espagne. Mes parents en Ontario. Il y a eu une grosse déconnexion depuis deux ans, avec la pandémie. Le côté militant francophone a un peu été mis de côté. Rester en contact avec ma famille, c’est le plus important.

Pendant la pandémie, votre projet de chansons du jour a fait exploser votre popularité. D’où vous est venue cette idée?

J’ai toujours voulu être actif sur les réseaux sociaux. Et là, j’avais du temps. Je voulais montrer un peu mon talent… et c’était thérapeutique. Pour moi, chanter, ça sert à quelque chose. C’est une méditation, une thérapie, une façon de bâtir des ponts ou juste de se sentir bien. Je chante quand je suis triste, je chante quand je suis heureux, je chante quand je suis fâché. C’est ma façon de m’exprimer. Et heureusement, ça aide des gens aussi. J’ai vu le pouvoir que ça avait sur le moral de gens un peu partout, alors ça m’a motivé à en faire tous les jours. C’était trippant. Il y avait une liberté de chanter ce que je voulais, sans limite.

Capture d’écran, chanson Pump Up The Jam. Source : Youtube Damien Robitaille

Sentiez-vous que quelque chose de spécial allait se passer quand vous avez posté Pump Up The Jam, de Technotronic?

Non, je pensais que mon projet avait plafonné. J’étais rendu à 130 vidéos. J’ai eu des petits succès à l’international avant ça. Mais quand j’ai lancé celle-là, c’est incroyable comment ça a explosé! Ça m’a apporté une notoriété. Les gens me reconnaissent plus. Ça m’a apporté bien plus de job. C’était un genre de slingshot. Je me suis dit : profites-en, surfe sur la vague. Ça m’ouvre des portes un peu partout. Ça a vraiment brisé un plafond.

Réalisez-vous que vous êtes devenu la plus grande vedette franco-ontarienne?

Quoi, je ne l’étais pas avant? (Rires)

Vous étiez déjà très connu! Mais là, c’est partout dans le monde, le French Canadian qui fait des vidéos avec son chien…

C’est sûr que je chante moins en français, mais de temps en temps j’en mets une. J’ai publié Je tombe, par exemple. Les gens trouvent ça exotique, je pense.

D’ailleurs, quand vous avez publié Je tombe, vous avez mentionné qu’on ne vous la demande pas beaucoup, ironiquement. Comme si les gens ne savaient pas que c’était la vôtre, alors qu’on l’a tellement entendue à la radio. Trouvez-vous cela spécial, ou insultant à la limite?

Pas du tout! Dans la vie, j’aime chanter. Oui, je fais des reprises, mais je fais des arrangements originaux. C’est moi, j’y mets mon cœur. Je choisis des chansons que j’aime, dans lesquelles je peux mettre de l’émotion. Elles deviennent mes propres œuvres. C’est trippant que ça touche les gens un peu partout. Ça fait 15 ans que je chante mes chansons à moi. Ça fait quelque chose de nouveau dans ma vie d’interpréter des chansons, et de chanter en anglais. Ce qui ne veut pas dire que je n’aime plus chanter en français. J’aime chanter dans toutes les langues. Et ce projet m’ouvre des portes un peu partout.

Crédit image : Gaëlle Leroyer

Vous aviez déjà voyagé grâce à la musique. Allez-vous exploiter ce côté-là encore plus, quand ça sera un peu plus facile?

J’espère. Je ne sais pas où ça va aller. C’est encourageant de voir qu’il y a un potentiel. Je suis fier de ce que j’ai accompli. Il ne faut pas se fermer les frontières.

Allez-vous publier de nouvelles chansons du jour une fois de temps en temps?

Je n’ai plus le temps. Mais ça me manque énormément. Le moral est moins bon quand je ne le fais pas. Donc, après mon World Tour, peut-être.

Expliquez-nous le concept de ce World Tour.

On voulait faire un événement web pour viser l’international. Alors moi j’ai dit : pourquoi ne pas faire un spectacle pour chaque fuseau horaire? J’aime ça, les concepts. Je prépare des centaines de chansons. Il va y avoir beaucoup d’improvisation, des demandes spéciales. Je me base beaucoup sur les chansons que j’ai apprises pendant la pandémie. Il y aura des invités comme Michel Rivard, Lisa Leblanc, Bruno Blanchet, une chorale… Pas beaucoup de plan, juste de la passion.

Source : Annexe Communications

Ça doit être assez différent que de préparer votre spectacle avec l’Orchestre symphonique de Québec…

Heureusement, j’ai un arrangeur, c’est plus de travail pour lui. Moi, c’était surtout de choisir les chansons. C’est un privilège de jouer avec un orchestre symphonique et d’avoir quelqu’un qui réarrange toutes les pièces. C’est un rêve. En studio, tu peux engager des violons et tout ça, mais tu ne peux pas les reproduire à chaque spectacle. Alors là, on a pu ressortir des chansons pour les faire vivre comme elles devraient vivre. Ça va être grandiose.

Vous débutez la tournée Bientôt, ce sera Noël le 17 novembre, au Québec. Allez-vous revenir nous voir en Ontario éventuellement? On va vous accueillir à bras ouverts!

C’est sûr! Regarde Robert Paquette et Chuck Labelle, combien de temps ils ont tourné leur spectacle de Noël. Mon idée, c’est que ça revienne chaque année.

Après une fin d’année si occupée, quels sont les projets pour 2022?

Une petite tournée solo, et on verra. Avec la COVID, j’ai appris qu’il ne faut pas trop faire de gros plans. On va juste se croiser les doigts pour qu’il n’y ait plus de pandémie. »


LES DATES-CLÉS DE DAMIEN ROBITAILLE :

1981 : Naissance à Brantford (Ontario). Il passera son enfance dans le village franco-ontarien de Lafontaine.

2005 : Premier artiste hors Québec à gagner les Francouvertes de Montréal.

2006 : Sortie de son premier album professionnel, L’homme qui me ressemble.

2009 : Sortie de l’album Homme autonome, qu’il nomme comme celui qui consolidera sa place dans le monde artistique

2020 : Sa reprise de Pump Up The Jam de Technotronic devient virale sur les réseaux sociaux, à l’échelle mondiale.

2021 : Samedi 9 août, Damien Robitaille donne un spectacle virtuel gratuit intitulé Damien Robitaille World Tour, qui durera 24 h.

Chaque fin de semaine, ONFR+ rencontre un acteur des enjeux francophones ou politiques en Ontario et au Canada.