De l’optimisme pour pallier l’absence de bonbons

Le Premier ministre Doug Ford lors de sa conférence de presse du 2 octobre. Capture écran ONFR+

[ANALYSE]

TORONTO – Doug Ford nous avait habitués à un ton sombre et de circonstance lors des projections de la croissance de la pandémie de COVID-19. Mais lors de la dernière modélisation du genre présentée jeudi, le premier ministre de l’Ontario a offert un ton optimiste. Le pire scénario de la deuxième vague n’aura peut-être pas lieu.

« Ce n’est donc pas que nous ayons atteint un sommet et que nous redescendons maintenant de l’autre côté de la courbe épidémique; nous arrivons seulement à une période de croissance plus lente dans cette courbe », a affirmé Adasteinn Brown, le doyen de l’école de santé publique Dalla Lana de l’Université de Toronto.

Graphiques à la clé, l’étude démontre une croissance plus lente du taux d’hospitalisation et de l’utilisation des lits de soins intensifs. Des bonnes nouvelles à priori trois semaines après la fermeture imposée des espaces intérieurs des bars et restaurants, gymnases et cinémas à quatre régions de l’Ontario (Toronto, Ottawa, Peel et York).

On ne demanderait qu’à croire cette modélisation. D’autant que le respect scrupuleux des gestes barrière, la responsabilité individuelle des Ontariens dans les comportements avec le port obligatoire du masque, tout comme la généralisation du dépistage, sont aujourd’hui sans commune mesure avec la première vague au printemps.

Des chiffres pourtant élevés

Mais derrière les hypothèses optimistes, des lignes de fracture plus subtiles apparaissent. Les graphiques montrent par exemple une différence entre les éclosions des deux principaux foyers de population de l’Ontario au cours des trois derniers mois. Alors qu’à Toronto, les bars et restaurants sont davantage ciblés, Ottawa montre une grande vulnérabilité dans les écoles.

Dans la capitale du Canada, quatre éclosions sur dix sont à mettre à l’actif des établissements scolaires. Ces 74 « zones d’urgence » contre 45 seulement à Toronto obligent à une réflexion sur les restrictions, avec peut-être la fermeture d’écoles à des endroits ciblés.

À ces inquiétudes mathématiques s’ajoute le nombre de cas quotidiens lequel continue de grimper en flèche. Dimanche dernier, la province a pour la première fois passé la barre des 1 000 infections. Dans les foyers de soins de longue durée, le nombre d’éclosions a quadruplé durant le dernier mois.

Les données de la modélisation tablent pourtant sur une lente stabilisation, avec une fourchette de 800 à 1 200 nouveaux cas quotidiens au cours des prochaines semaines.

Ces projections sont bien sûr encourageantes. Si elles se réalisent, elles viendraient briser le schéma voulant que, depuis le début de la crise, la tendance des courbes sanitaires du Canada incluant l’Ontario suive celles de l’Europe avec quelques semaines de retard.

Or, la situation sur le Vieux Contient se dégrade. Depuis vendredi, la France a reconfiné de manière très stricte l’ensemble de sa population, alors que l’Espagne et la Belgique viennent de décréter des couvre-feux nationaux.

L’enjeu du dépôt budgétaire

Semble-t-il soucieux de ne pas entamer le moral des Ontariens à l’approche du temps des fêtes, Doug Ford devra de nouveau faire preuve de doigté lors du dépôt du budget provincial, jeudi prochain.

Cette présentation des états financiers provinciaux sera la première depuis le printemps 2019. Coupes? Investissements massifs en santé? Moyens supplémentaires pour les conseils scolaires? Les pronostics vont bon train.

Cette crise inédite a bousculé les repères, et porté une ombre sur chaque estimation. Mais dans ce combat long et laborieux, on ne peut souhaiter que les meilleures prédictions se réalisent.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 31 octobre.