Déception des aînés après les annonces de Trudeau : « Ce montant ne durera pas longtemps »

Jean-Rock Boutin, président de la Fédération des aînés francophones de l'Ontario. Crédit image: Rudy Chabannes

OTTAWA – Dans la foulée des annonces gouvernementales de soutien aux aînés durant la COVID-19, la réaction des organisations de défense des aînés ne s’est pas fait attendre. La Fédération des aînés et des aînées francophones de l’Ontario (FARFO) et la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada (FAAFC) demandent aux paliers fédéral mais aussi provincial de faire mieux.

Elizabeth Allard ne cache pas son amertume.

« C’est décevant, je m’attendais à quelque chose de plus logique, comme un montant de 100 $ de plus par mois. Beaucoup de nos aînés sont isolés. Ce montant ne durera pas longtemps. » La présidente de la FAAFC attendait mieux.

Justin Trudeau et sa ministre des Aînés ont débloqué, ce mardi, 2,5 milliards pour aider les personnes âgées à faire face aux dépenses quotidiennes durant la pandémie, soit 300 $ pour les bénéficiaires de la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) et 200 $ pour les bénéficiaires du Supplément de revenu garanti (SRG).

À cette aide s’ajoute un investissement de 20 millions de dollars destiné à élargir le programme Nouveaux Horizons qui soutient les organismes communautaires luttant contre l’isolement des aînés.

Une réaction fédérale tardive et insuffisante, juge la FAACF

Même en combinant les deux aides, Mme Allard estime que le coup de pouce fédéral n’est pas à la hauteur des attentes.

« Une partie de nos aînés sont dans une situation précaire à cause de ces événements. Faire venir des repas à la maison, ça coûte quelque chose. Ce n’est pas toujours gratuit. De même que les rendez-vous médicaux qui ne sont pas toujours virtuels et qui requièrent de prendre le taxi ou les transports en commun. »

Elizabeth Allard, présidente de la Fédération des aînées et aînés francophones du Canada. Source : Facebook FAAFC

Élizabeth Allard estime par ailleurs que l’aide arrive trop tardivement : « C’est quelque chose qui aurait pu être pensé dès le début. C’est réactif et non pas proactif. »

Un mal plus profond, selon la FARFO

Le président de la FARFO, Jean-Rock Boutin, rejoint en grande partie cette opinion. Même s’il salue ce « deuxième pas » fédéral, après la bonification du crédit pour la taxe sur les produits et services (TPS), il le juge clairement insuffisant.

« On revendique depuis longtemps de changer la formule de la pension de vieillesse et de l’augmenter plus que de quelques sous par année », rappelle M. Boutin qui déplore une promesse de campagne libérale non tenue.

« C’est une occasion manquée, mais il y aura toujours moyen de se reprendre. Il y a encore la place pour faire plus sur le plan matériel, mais aussi de la santé mentale pour des personnes bien souvent démunies car, n’ayant que cette pension et leur supplément de revenu garanti pour vivre. »

Isolement et santé mentale : le nœud du problème

« Les gens âgés se sentent abandonnés par les gouvernements, les institutions de santé et la société en général », dénonce M. Boutin. « Si tous ces gens meurent dans le système de santé, c’est parce qu’on n’a pas favorisé le maintien à domicile. »

Celui qui a fait toute sa carrière dans le travail social et le maintien à domicile identifie-là « une demande de longue date » des aînés.

« Il faut mieux financer les soins à domicile car, ce que veulent les gens, c’est rester chez eux jusqu’à la dernière possibilité, quand ils deviennent excessivement dépendants. »

Jean-Rock Boutin, président de la FARFO. Crédit image : Rudy Chabannes

Les soins à domicile sont inadéquats, car c’est le système hospitalier qui absorbe une grande majorité du budget de la santé, regrette le président de la FARFO. Il espère que la pandémie va permettre aux gouvernements de saisir l’ampleur de cette problématique, y compris en terme de santé mentale.

« On attend toujours en Ontario une ligne téléphonique dédiée à nos aînés » – Jean-Rock Boutin

« On attend toujours en Ontario une ligne téléphonique dédiée à nos aînés francophones afin de recevoir un soutien moral, de l’écoute active et des ressources en français dans leur milieu. Or, dans les zones rurales, il y a un gros besoin, car l’accès à un réseau Internet rapide est difficile. »

Les représentants des aînés demandent également un meilleur soutien aux aidants naturels, cette génération « sandwich » qui travaille, tout en prenant soin de ses enfants et de ses parents. « Le gouvernement a l’opportunité de bonifier le crédit d’impôt pour ces gens qui sont débordés et qui sont à 80 % des femmes. »