Déchirements autour du budget du ministère des Affaires francophones

Le premier ministre Doug Ford. Archives ONFR+

TORONTO – La divulgation du budget détaillé du ministère des Affaires francophones, au cours des derniers jours, a provoqué la surprise de plusieurs intervenants. Plutôt qu’une diminution de 200 000 $ du budget du ministère, les documents laissent croire qu’elle serait d’un million de dollars. Le gouvernement Ford nie en bloc cette lecture.

Lors du dévoilement du budget, le 11 avril dernier, le gouvernement Ford annonçait une diminution de 200 000 $ du montant alloué au ministère des Affaires francophones, faisant passer son budget de 6 millions à 5,8 millions de dollars.

Or, les documents dévoilés cette semaine, laissent penser que le ministère pouvait plutôt compter sur un financement de près de 6,8 millions de dollars lors de la dernière année. Selon les chiffres dévoilés, jeudi, le gouvernement aurait donc coupé un million au budget du ministère responsable de s’occuper des dossiers francophones.

Le gouvernement Ford se défend

Cette lecture est erronée, affirme le gouvernement Ford. Vendredi après-midi, des hauts placés du gouvernement en matière de francophonie ont contacté ONFR+ pour expliquer la position gouvernementale.

À la fin de son mandat, le gouvernement libéral de Kathleen Wynne a promis l’embauche de neuf nouveaux employés dédiés au ministère des Affaires francophones, ont-ils indiqué. Une fois au pouvoir, les conservateurs ont annulé cette décision. L’argent n’a pas été dépensé et n’aurait même pas été transféré au ministère des Affaires francophones, disent les porte-paroles du gouvernement Ford.

« La différence dans le budget alloué aux Affaires francophones représente de façon générale les postes prévus non comblés », disent-ils.

Pour ces intervenants politiques du bureau de la ministre des Affaires francophones, Caroline Mulroney, l’engagement libéral n’était qu’une série de « paroles en l’air ». « N’essayez pas de trouver des gens coupés, il n’y en a pas! C’est de l’argent qui n’a jamais été dépensé, donc ce n’est pas une coupe », disent-ils.

Par courriel, le porte-parole de Caroline Mulroney affirme que le budget du ministère des Affaires francophones lui permet déjà d’agir efficacement et de répondre à son mandat.

« Le ministère des Affaires francophones a le plein pouvoir et la capacité pour veiller à l’application la Loi sur les services en français et le ministère sera en mesure de continuer à remplir son mandat avec le même nombre d’employés que par le passé. Contrairement au libéraux qui ne faisaient que parler, nous nous assurerons d’avoir les ressources nécessaires pour effectuer ce travail important », affirme Jesse Robichaud.

Les opinions divergent

Le politologue Martin Normand ne fait pas la même lecture que le gouvernement. Pour lui, une coupe du budget du ministère des Affaires francophones a bel et bien été effectuée.

« C’est une réduction de la capacité d’agir du ministère par rapport à ce que ça aurait dû être si l’argent avait été dépensé », affirme le politologue de l’Université d’Ottawa. « Ça reste une réduction d’un million, parce qu’on abolit des postes qui avaient été promis. Sans un changement de gouvernement, cet argent aurait été dépensé parce qu’il avait été alloué », renchérit-il.

Les libéraux promettaient notamment d’embaucher du nouveau personnel qui serait responsable de travailler sur le dossier de l’Organisation internationale de la Francophonie, dont l’Ontario est membre depuis deux ans. Les conservateurs affirment que du personnel s’occupe déjà du dossier et qu’il n’est pas nécessaire d’en ajouter.

Guy Bourgouin du NPD. Archives ONFR+

Le NPD juge sévèrement la position du gouvernement dans ce dossier.

« Je suis absolument outré. Avec l’élimination du Commissaire aux services en français et l’annulation du financement de l’Université de l’Ontario français, Doug Ford avait déjà montré qu’il ne respectait pas les besoins de la communauté franco-ontarienne. Pire encore, le budget du 11 avril avait annoncé une réduction du financement aux Affaires francophones de 200 000 $. Maintenant, avec la publication des prévisions du Conseil du Trésor, nous savons que le budget du ministère des Affaires francophones a été réduit de plus d’un million de dollars », affirme le critique du parti néo-démocrate en francophonie, Guy Bourgouin.

« Cela représente environ 15 % du budget total du ministère. On dit que le diable est dans les détails. Cette réduction dramatique du financement des Affaires francophones va faire mal à la population franco-ontarienne », poursuit-il.

Le gouvernement conservateur de Doug Ford estime que son homologue fédéral ne lui fait pas parvenir assez de sous pour l’appuyer dans ses efforts en matière de langues officielles. La minorité franco-ontarienne obtiendrait bien moins que d’autres minorités francophones du pays, affirme le gouvernement Ford sur de nombreuses tribunes, depuis la crise linguistique de l’automne.