Demander un service en français, un problème à Pearson

Droits linguistiques: l'aéroport Pearson est sévèrement blâmé par la Cour fédérale dans un jugement rendu mardi. Archives ONFR+

TORONTO – Un passager a été pris à partie par un agent de contrôle à l’aéroport international Pearson de Toronto pour avoir demandé à être servi en français, apprend-on dans un rapport d’enquête du Commissariat aux langues officielles (CLO). Le commissaire note un problème systémique à l’aéroport de la Ville reine.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

L’incident s’est produit à la fin du mois d’août 2017, lorsqu’un passage a demandé au point de contrôle à être servi en français, peut-on lire dans le rapport dont #ONfr a obtenu copie.

Aucun des quatre agents sur place n’ayant été en mesure de le servir dans la langue de Molière, il lui a fallu attendre plus de 30 minutes, le seul agent bilingue disponible étant dans une autre aérogare. Il a finalement dû terminer le processus de contrôle en anglais pour ne pas rater son vol.

Mais non content de ne pas s’être vu offrir un service en français, le passager a été pris à partie par un des agents de contrôle qui lui aurait proféré des insultes et aurait agi de manière agressive, selon des témoins. Des accusations confirmées par une enquête menée par l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien (ACSTA) auprès de l’entreprise qui gère les services de contrôle à Pearson en son nom, GardaWorld Aviation Services (Garda).

Manque de personnel bilingue

Plusieurs plaintes ont été déposées auprès du CLO qui constate le manque récurrent de personnel bilingue à l’aéroport Pearson.

« Ces problèmes perdurent malgré les engagements contractuels pris par le fournisseur de services tiers de l’institution [Garda]. »

Le chien de garde des droits linguistiques a demandé à l’ACSTA que l’offre active et le service de qualité égale dans les deux langues officielles soient considérés « comme un tout indissociable dans l’application des mesures de sûreté aux points de contrôle » et de s’assurer d’un nombre optimal d’agents bilingues.

Le gouvernement blâme l’ACSTA

Du côté de Transports Canada, ministère auquel se rapporte l’ACSTA, on pellette le problème dans la cour de la société d’État.

« Le gouvernement s’attend à ce que l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien continue de prendre les mesures nécessaires pour accroître sa capacité bilingue et respecter les obligations en vertu de la Loi sur les langues officielles. (…) À titre de société d’État indépendante du gouvernement, l’ACSTA est responsable de gérer ses activités. »

Le ministère assure toutefois faire des suivis périodiques auprès de la société d’État afin de voir à ce qu’il y ait une amélioration au niveau du service dans les langues officielles.

L’ACSTA dit avoir pris des mesures

L’ACSTA s’est engagée auprès du CLO à prendre différentes mesures pour régler la situation, qui sont jugées encourageantes par le commissariat.

Présidente du conseil d’administration de l’ACSTA, ​Marguerite Nadeau n’était pas disponible pour une entrevue, a-t-il été indiqué à #ONfr. Mais dans un échange de courriels, la société d’État assure prendre au sérieux les plaintes formulées.

« Bien que la sécurité soit notre principale priorité, l’ACSTA est déterminée à respecter ses obligations en matière de langues officielles. (…) En ce qui a trait au rapport en question, nous avons mené une enquête approfondie et avons conclu que l’agent de contrôle avait contrevenu aux exigences de l’ACSTA en regard de la Loi sur les langues officielles et n’avait pas satisfait les attentes de l’Administration à l’égard du service à la clientèle. Des mesures correctives ont été prises à l’égard du personnel de contrôle visé, en fonction des résultats de l’enquête. »

L’ACSTA indique également que les obligations linguistiques aux points de contrôle sont spécifiées dans les contrats signés avec des fournisseurs de services comme Garda.

« Lorsqu’un passager souhaite être servi dans la langue que l’agent de contrôle ne parle pas, ce dernier doit immédiatement demander l’aide d’un agent de contrôle ou d’un superviseur bilingue pour servir le passager dans la langue de son choix. »

Ce n’est pas la première fois que de tels problèmes sont soulevés à Pearson. Cette histoire n’est également pas sans rappeler celle, récemment rapportée par #ONfr, relative au Bureau central de bagages d’Air Canada géré lui aussi par une entreprise tierce qui a été pointée du doigt pour ne pas avoir été capable de servir un client en anglais.


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