Dépoussiérer la Loi sur les services en français

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[ANALYSE]

TORONTO – À huit mois des élections provinciales, le compte à rebours est commencé pour la refonte de la Loi sur les services en français (LSF). Se fera-t-elle? La pression est en tout cas mise sur Marie-France Lalonde.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

François Boileau et l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) l’avaient manifestement prise au mot pendant son allocution en marge du 30e anniversaire de la LSF en novembre 2016. La ministre des Affaires francophones s’était alors engagée à une refonte de cette loi symbolique pour les 622 000 Franco-Ontariens. 11 mois plus tard, les choses traînent toujours…

Une attente qui fait même perdre au commissaire aux services en français son optimisme. « Il n’y a pas d’appétit gouvernemental pour une refonte », confiait-il même à #ONfr en début de semaine. Dans le même temps, l’AFO a dévoilé son sondage sur les priorités pour moderniser la loi. À demi-mot, le président de l’organisme M. Jolin reconnait que tout ne va pas très vite du côté de Queen’s Park.

Mais pourquoi donc moderniser cette loi? L’Ontario a certes montré la voie pour d’autres lois similaires : à l’Île-du-Prince-Édouard (1999), en Nouvelle-Écosse (2004), et plus récemment au Manitoba (2016). C’est peut-être là où le bât blesse. La province la plus populeuse du Canada possède aujourd’hui une loi en décalage avec les réalités de son époque.

L’enjeu de l’offre active

L’absence de l’offre active constitue un exemple flagrant. Dans les bureaux de ServiceOntario dans les régions désignées, le « Hello » est souvent légion pour aiguiller les Franco-Ontariens. Une bonne partie des francophones ignorent qu’ils peuvent être servis dans leur propre langue à Ottawa ou Toronto. L’absence d’offre active reste une lacune fondamentale, à une époque où la francophonie se régénère bien souvent avec de nouveaux arrivants… la plupart du temps ignorants de leurs droits linguistiques.

Seconde indication : l’Ontario ne possède pas un comité consultatif capable de conseiller le gouvernement sur les services à offrir. Une clause pourtant présente dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard. Au Manitoba, la nouvelle loi oblige même à revoir la politique tous les cinq ans. Pas de comité, c’est le risque d’une ligne de séparation entre les pourvoyeurs de services et les clients francophones. Une absence de dialogue.

Plus de 100 000 francophones dans une région non désignée

Enfin, l’autre idée ressassée depuis quelques mois serait de désigner entièrement la province en vertu de la Loi sur les services en français. Ce n’est pas le bilinguisme officiel de la province (lequel sera à coup sûr une revendication francophone dans quelques années), mais une étape sérieuse.

Plus de 100 000 Franco-Ontariens ne résident toujours pas dans une région désignée en vertu de la LSF. Les échecs répétés des francophones d’Oshawa pour obtenir ce statut montrent les limites des critères de désignation requis. Une donnée qui devrait faire l’effet d’une douche froide : durant les dix dernières années, seule Kingston (2009) a été désignée. À Markham, les francophones devront patienter jusqu’à juillet 2018 pour devenir entièrement assujettis à la LSF.

Pour le moment, Mme Lalonde se cantonne à vouloir revoir le processus de désignation, sans détailler son engagement de novembre dernier. Le tempo n’est aujourd’hui pas le meilleur pour les libéraux. D’une, d’autres dossiers francophones semblent prioritaires à l’instar de l’université franco-ontarienne. D’autre part, la préparation d’une nouvelle loi est tout sauf une formalité de quelques jours. Le temps tourne inlassablement pour une loi quasi inchangée depuis 31 ans.

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 16 octobre.