Des différences entre les lois sur les services en français

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OTTAWA – Le français comme langue minoritaire, voilà l’un des dénominateurs communs des neuf provinces hors Québec. Mais les politiques et lois sur les services en français n’ont pas toutes la même substance d’un océan à l’autre.

SÉBASTIEN PIERROZ
spierroz@tfo.org | @sebpierroz

La loupe est de nouveau placée sur les enjeux, d’autant que le Manitoba se dirige à son tour vers une loi sur les services en français. Sans compter que l’arrivée d’un nouveau gouvernement à Ottawa semble raviver les ardeurs des francophones.

Le Nouveau-Brunswick et son statut de province officiellement bilingue font toujours office de modèle pour les francophones en milieu minoritaire. En 1993, l’égalité des droits de « la communauté linguistique française et la communauté linguistique anglaise » dans la province maritime était reconnue dans la Charte canadienne des droits et des libertés.

Derrière, seules trois provinces possèdent toujours une loi sur les services en français. L’Ontario a ouvert le bal en 1986 avec la Loi sur les services en français (Loi 8), suivie par l’Île-du-Prince-Édouard (1999) puis la Nouvelle-Écosse (2004).

L’Ontario posséderait à cet égard le contenu juridique le plus avantageux si l’on en croit Pierre Foucher, professeur de droit à l’Université d’Ottawa. « La province se distingue par la loi la plus aboutie. Tout d’abord, elle très étendue sur le territoire et les droits y sont clairs. Par ailleurs, on voit le recours aux tierces parties dans l’offre de services. Enfin, l’Ontario bénéficie d’un commissaire aux services en français pour juger des infractions à la loi. »

Pour Rémi Léger, professeur en sciences politiques à l’Université Simon Fraser, il est fort possible que la loi probablement votée prochainement au Manitoba ressemble davantage à celle de l’Ontario.

« Dans le cadre de l’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse, on parle de lois sectorielles, c’est-à-dire qu’elles désignent quelques institutions, mais ne s’appliquent pas à tous les ministères. »

Mais comment expliquer que ce sont justement ces deux provinces qui ont emboité le pas à l’Ontario? « Il y a dans ces endroits une concentration géographique plus forte de la population francophone. Aussi, le contexte du référendum perdu de 1995 a poussé les Acadiens a demandé plus de droits. »

Reste que toutes les provinces n’ont pas une loi, sans pourtant renier les droits aux services en français. On parle dans ces cas-là de simples politiques. Le Manitoba (1989), la Saskatchewan (2003) et Terre-Neuve-et-Labrador (2015) ont fait ces choix.

« Les politiques sont des éléments internes à une administration et peuvent être modifiées », rappelle M. Foucher. « Au contraire, une loi a une valeur officielle, même si elle demeure timide. »

L’Alberta et la Colombie-Britannique, respectivement quatrième et cinquième province au Canada en terme de population francophone, sont les deux seules à ne posséder ni loi, ni politique.

Vent de changement?

Les clefs sont pourtant nombreuses pour augmenter l’offre de services en français hors Québec. « Il faut toujours qu’il y ait une volonté politique dans un projet, c’est l’élément principal », croit M. Foucher. La première ministre de l’Alberta, Rachel Notley, est d’ailleurs attendue au tournant, après le jugement défavorable rendu par la Cour suprême du Canada dans la cause Caron.

Mais les tribunaux peuvent aussi être un recours non négligeable pour les francophones. « Le droit constitutionnel est important », souligne le professeur. « En 1985, la Cour suprême du Canada déclarait ainsi que toutes les lois de la province du Manitoba étaient inconstitutionnelles puisqu’elles étaient uniquement adoptées en anglais. » La province adoptait quatre ans plus tard sa politique sur les services en français.

À l’image de la Loi 8 adoptée en 1986 dans la foulée du de la Chartre canadienne des droits et des libertés (1982), le « contexte politique » influe sur les services offerts à la minorité. « On peut aussi voir que la conférence ministérielle annuelle sur la francophonie canadienne mise en place par Benoit Pelletier dans les années 90 a permis aux provinces de discuter de ces différents projets. »

« Quand vous êtes un citoyen canadien, quel que soit la province où vous vivez, il y a une panoplie de droit auxquels vous devriez avoir accès, et le bilinguisme judiciaire et linguistique nous apparait quelque chose d’important », soulignait récemment à #ONfr la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) du Canada, Sylviane Lanthier.