Des géants de l’Ontario français nous ont quittés en 2018

Le drapeau franco-ontarien. Archives #ONfr

TORONTO – L’année 2018 aura été marquée par le départ de plusieurs géants de l’Ontario français. Des acteurs marquants qui ont changé le visage de la francophonie ontarienne par leurs actions et leur implication dans la communauté. Ils ont inspiré et inspireront pour longtemps encore des générations de Franco-Ontariens.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

Eugène Bellemare, précurseur de l’éducation pour adultes

Eugène Bellemare est à l’origine de la création de l’École des adultes Le Carrefour, la première école de jour francophone hors Québec, en 1982. Actif sur la scène politique, il a été conseiller de Gloucester entre 1970 et 1988, puis conseiller de l’ancienne municipalité régionale d’Ottawa-Carleton, de 1979 à 1985.

Eugène Bellemare (à gauche) avec le maire d’Ottawa, Jim Watson , en 2018. Source : Twitter

Mais il a surtout fait sa marque comme député fédéral de la circonscription de Carleton-Gloucester entre 1988 et 2004. Derrière les portes closes, il était un féroce défenseur de la culture, de la langue française et des institutions publiques et savait influencer l’appareil gouvernemental pour le bien de la communauté.

Jacques Blouin, acteur de la lutte pour Montfort

Jacques Blouin a été un acteur marquant de l’histoire du quotidien Le Droit. Pendant sa vie, il incarnera la devise du journal : « L’avenir est à ceux qui luttent ». Au fil des ans, il sera président de l’ACFO de Prescott-Russell, participera au démarrage de la branche locale de Centraide, puis sera directeur de la Fondation de l’hôpital Montfort, entre 1997 et 2004.

Lors du mouvement de solidarité pour sauver l’hôpital, il jouera un rôle de premier plan pour mobiliser les troupes. Sans lui, jamais il n’y aurait eu 10 000 personnes à la grande manifestation, a déjà dit Gisèle Lalonde, visage de la lutte.

Simon Brisebois et les Compagnons des francs loisirs

Le Centre culturel francophone de North Bay, les Compagnons des francs loisirs, a perdu l’un de ses fondateurs, en 2018. Il y a cinq décennies, Simon Brisebois a participé à la création de l’organisme après le succès d’un premier carnaval francophone dans la communauté.

Jamais il n’a arrêté de travailler pour l’épanouissement de la francophonie de sa région. Comme surintendant de la section française du conseil scolaire catholique, il a aussi joué un rôle de premier plan pour bâtir la fierté des jeunes francophones.

Marc Charbonneau, passionné de radio

Le directeur général de la station FM 92.1, dans l’Est ontarien, Marc Charbonneau, a rendu l’âme le 4 août dernier. Véritable passionné de radio, il ne comptait pas les heures pour permettre à la radio communautaire francophone de Cornwall de survivre dans un contexte difficile.

Il a redressé la situation financière de la station, où il a porté à peu près tous les chapeaux. Sa voix grave et sa passion contagieuse ont fait de lui un acteur marquant de la communauté francophone de l’Est ontarien. Il a transmis cet amour des mots, de l’information et de la culture à de nombreux jeunes artisans, qui prennent aujourd’hui le flambeau à l’antenne de cette station franco-ontarienne.

Jacques de Courville Nicol, homme d’action

Jacques de Courville Nicol rêvait d’un Canada uni, fort de sa dualité linguistique et culturelle. Sa vie sera marquée par son combat pour faire avancer le français.

En journalisme pour Franc-Jeu, le Lien, Vox Discipuli ou Le Droit, il fera entendre la voix de l’Ontario français. Au gouvernement, il laissera sa marque au sein d’institutions phares des langues officielles. Passionné de culture, il a participé à donner une visibilité à la scène culturelle franco-canadienne.

En fait, il a été de toutes les luttes franco-ontariennes des dernières décennies. Son dernier combat, il l’a mené pour faire reconnaître le caractère bilingue de la Ville d’Ottawa en tant que coordonnateur national du Mouvement pour une capitale du Canada officiellement bilingue. Un mouvement qui a permis le vote d’une Loi sur la reconnaissance du caractère bilingue d’Ottawa, à Queen’s Park, en décembre 2017.

Michel Dupuis, symbole de fierté

L’autre co-créateur du drapeau franco-ontarien, Michel Dupuis, a aussi rendu l’âme cette année. Il participera à ce projet marquant pour l’histoire francophone alors qu’il était encore étudiant en science politique à l’Université Laurentienne. Avec Gaétan Gervais et d’autres étudiants, ils hisseront le fameux drapeau pour la première fois le 25 septembre 1975.

Michel Dupuis qui hisse le drapeau franco-ontarien devant l’Université de Sudbury, le 25 septembre 1975. Crédit image : Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française

« Son legs flottera au vent pour des générations. Nous continuerons d’en ressortir une immense fierté », dira François Boileau, commissaire aux services en français, en hommage à ce géant.

Benjamin Gaillard, bâtisseur du théâtre francophone

Le milieu culturel a perdu de manière tragique un comédien marquant des dernières années en Ontario français. Benjamin Gaillard est décédé dans un accident de voiture, tout comme son fils.

« Vous avez tourné le coin. Nous aurons beau courir de toutes nos forces, nous ne pourrons vous rattraper. C’est difficile de nous résoudre à l’idée de ne plus vous revoir, de vous laisser partir. Vers où? Je ne cherche pas à connaître la réponse, probablement parce qu’il n’y en a pas », écrira sa femme, Véronique Grondin, dans un hommage touchant publié en ligne.

Le comédien Benjamin Gaillard. Crédit image : Gracieuseté

Cette dernière, ainsi que leur fille, ont été gravement blessées dans l’accident, mais ont eu la vie sauve. Diplômé en théâtre et en philosophie de l’Université d’Ottawa, Benjamin Gaillard était actif dans le milieu théâtral franco-ontarien depuis 1998 à titre de comédien, metteur en scène et auteur, notamment.

Royal Galipeau, dédié à la francophonie minoritaire

Royal Galipeau était un visage politique connu et apprécié. L’homme politique est né à St-Isidore, dans l’Est ontarien. L’ancien conseiller municipal de Gloucester a ensuite fait son entrée à la Chambre des communes en 2006. Il fera finalement trois mandats à titre de député d’Ottawa-Orléans.

D’abord militant libéral et proche de Mauril Bélanger, il fera le saut chez les conservateurs à la suite du scandale des commandites. Une fois au parlement, il sera l’une des voix fortes de la francophonie minoritaire. Il a joué un rôle de premier plan pour permettre la naissance de la radio communautaire d’Ottawa, Unique FM, et jouera un rôle important pour l’organisation des célébrations du 400e anniversaire de la présence française en Ontario.

Gaétan Gervais, un grand bâtisseur

L’historien sudburois, Gaétan Gervais, s’est éteint pendant une nuit d’octobre, après une difficile lutte contre la maladie de Parkinson, comme l’a révélé sa sœur, Joanne. L’une des œuvres majeures de la vie de Gaétan Gervais reste sans aucun doute la co-création du drapeau franco-ontarien, en 1975.

L’historien Gaétan Gervais. Crédit image : Gracieuseuté

« Cet auteur, professeur et historien connu et aimé par notre communauté s’est dévoué à la francophonie tout au long de sa carrière, engagé dans la cause franco-ontarienne à travers ses recherches et ses publications sur notre histoire, tout en mettant sur pied l’Institut franco-ontarien », dira à son sujet, Carol Jolin, président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO).

Jos Meloche, homme fier de ses racines

Jos Meloche a fait danser et chanter des milliers de personnes dans sa longue carrière. L’artiste country et western s’est éteint à Timmins, à l’âge de 85 ans, en septembre. Animateur d’une émission radiophonique pendant plusieurs années, il a déjà été le roi des ondes avec son émission culturelle hebdomadaire.

Celui qui s’autoproclamait l’ami des bûcherons était proche de son monde. Proche d’un Ontario français ouvrier pendant l’âge d’or de l’industrie forestière à Kapuskasing, Cochrane et Timmins.

Noble Villeneuve et l’action politique francophone

Élu député, en 1983, sous la bannière progressiste-conservatrice dans Stormont-Dundas-Glengarry et Grenville-Est, Noble Villeneuve a patienté 11 ans pour obtenir un poste ministériel. Après le ministère de l’Agriculture, il obtiendra le poste de ministre délégué aux Affaires francophones dans une période trouble, soit l’annonce de la fermeture de l’Hôpital Montfort. Localement et provincialement, il demeure que son parcours est salué.

« M. Villeneuve a grandement aidé à la création en Ontario des 12 conseils scolaires de langue française en 1997, un moment déterminant de l’histoire franco-ontarienne. Fier francophone et ami du réseau d’éducation en français, il a fait partie du comité ayant mené à la création de l’école élémentaire catholique La Source, à Moose Creek », écrira à son sujet Carol Jolin, président de l’AFO.