Des jeunes Franco-Ontariens jugés en raison de leur accent

Courtney Lacroix et Tim Woodford ne se sentent pas toujours à l'aise de parler français.

MIDLAND – Ils représentent le futur de l’Ontario français, mais plusieurs d’entre-eux préfèrent bien souvent parler anglais. Certains jeunes Franco-Ontariens le font car ils trouvent la langue de Shakespeare « cool », mais d’autres n’en peuvent tout simplement plus d’être jugés par d’autres francophones.

ÉTIENNE FORTIN-GAUTHIER
efgauthier@tfo.org | @etiennefg

« Je travaille dans un musée et un jour alors que je donnais un tour guidé en français, des visiteurs m’ont interrompu pour me demander s’il y avait un guide francophone disponible. J’étais insultée, car j’ai une mère francophone, j’ai étudié en français et je suis francophone! », laisse tomber Cortney Lacroix, en entrevue avec #ONfr.

La jeune femme de Midland, dans le centre de l’Ontario, confie qu’elle est régulièrement jugée par d’autres francophones en raison de son accent. « Avec mes amis, je suis confortable. Mais quand je vais à Ottawa, on me regarde drôlement et on me juge. On me fait sentir mal, comme si mon accent n’était pas correct », dit Cortney, qui se résout bien souvent à parler en anglais, encouragée par ses interlocuteurs.

Son ami et collègue, Tim Woodford, a quant à lui étudié en français jusqu’à l’université. Cet autre jeune du cœur de l’Ontario fait aussi face à différents commentaires désobligeants en raison de son accent. Sa mère, originaire de Laval au Québec, tenait à ce qu’il étudie en français à l’élémentaire et au secondaire lorsqu’ils ont déménagé en Ontario. « J’ai passé l’année à Montréal où j’étudie maintenant à l’université et partout où je vais, je me fais une fierté de parler français. Mais bien souvent en m’entendant les gens commencent à parler anglais. Disons que ça ne me rend pas très à l’aise de parler français », fait savoir l’étudiant universitaire.

Courtney et Tim ne sont pas seuls dans leur situation, bien au contraire, selon Jérémie Spadafora, président de la Fédération de la jeunesse franco-ontarienne (FESFO).

« L’insécurité linguistique est un phénomène très commun. Et après un certain temps à se faire critiquer, certains jeunes décident de simplement parler en anglais, une langue où les différents accents semblent être moins problématiques », dit-il. Son organisation fait maintenant de cette question l’une de ses priorités.

Il faut bâtir la confiance de la jeunesse franco-ontarienne, selon le président de la FESFO. « Le français est une langue avec beaucoup de normes et de règles. Certains jeunes se disent que leur français n’est pas le bon. Pourtant, c’est magnifique d’entendre les différents accents et les expressions de chacune des régions. Il faut célébrer nos différences et célébrer la francophonie », insiste Jérémie Spadafora, en entrevue avec #ONfr.

À ce sujet, il rappelle l’importance des intervenants dans les écoles ou autres institutions francophones de l’Ontario. Il affirme que les professeurs ont un rôle à jouer pour améliorer la qualité de la langue des jeunes francophones, mais qu’ils doivent corriger les élèves avec énormément de doigté pour ne pas les décourager à parler le français.

 

Faire entendre la langue de l’Ontario français

Au cours des dernières années, plusieurs personnalités publiques ont fait découvrir la beauté des différents accents de l’Ontario à la francophonie canadienne. Katherine Levac, originaire de St-Bernardin, a obtenu une visibilité exceptionnelle depuis qu’elle a été diplômée de l’École nationale de l’humour en 2013. En plus de multiplier les spectacles, elle a participé à des émissions phares de la télévision, notamment à titre de comédienne pour la version québécoise de Saturday Night Live.

Damien Robitaille, originaire du village de Lafontaine, a aussi fait beaucoup pour faire connaître la réalité des francophones de l’Ontario. En entrevue, il affirme que les jeunes Franco-Ontariens doivent être fiers de leur langue, ainsi que de leur accent, et il leur lance un message.

« Je vis les préjugés sur l’accent à tous les jours. Ce sont des gens ignorants qui font cela. Au départ, quand je suis arrivé au Québec, ça me rendait inconfortable. Mais avec le temps, j’ai réalisé que c’était une force. Il faut être fier de ce qu’on a d’unique. Souvent les gens ont peur de quelque chose qui est différent. Mais je crois que les Franco-Ontariens devraient encore plus exploiter leur accent. Je crois qu’il faut embrasser chacun des accents, car c’est ça qui rend une langue riche », lance-t-il avec conviction.

La Fédération de la jeunesse franco-ontarienne étudie différentes options afin d’affronter de front le problème de l’insécurité linguistique, notamment la possibilité de lancer une campagne publicitaire pour encourager les jeunes à parler le français avec fierté et confiance, en plus d’intensifier ses campagnes sur les réseaux sociaux.