Des progrès pour l’éducation en français au Yukon

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WHITEHORSE – Le gouvernement territorial de Darrell Pasloski et la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) ont trouvé un accord afin d’élargir les critères d’admission dans les écoles de langue française au Yukon. Mais cette bonne nouvelle doit être nuancée, selon l’avocat spécialisé en droits linguistiques, Mark Power.

BENJAMIN VACHET
bvachet@tfo.org | @BVachet

Alors que la Cour suprême du Canada les avait renvoyés au point de départ en mai 2015, le gouvernement du Yukon et la CSFY sont finalement parvenus à une entente hors cour, dans le courant du mois d’août, sur un des points de leur litige de 2011 : la gestion des admissions scolaires.

En 2011, la CSFY avait fait appel aux tribunaux pour obtenir la construction d’une école secondaire à Whitehorse et la pleine gestion scolaire.

En juillet, la vice-première ministre et ministre responsable de la Direction des services en français, Elaine Taylor, expliquait à #ONfr la volonté de son gouvernement de ne plus avoir recours aux tribunaux pour régler ses différends  avec la CSFY. Un souhait partagé par la communauté franco-yukonaise.

Après des négociations avec le ministre de l’Éduction, Doug Graham, le gouvernement du Yukon a annoncé l’adoption d’un nouveau règlement sous la Loi sur l’éducation qui prévoit que le ministre de l’Éducation délègue à la CSFY le contrôle des admissions pour l’école Émilie-Tremblay, l’Académie Parhélie et la future école secondaire francophone.

Pas d’inscriptions à la hausse

Le Règlement sur l’instruction en français langue première enlève l’obligation que le ministre approuve les admissions provenant d’ayants droit pour les écoles de langue française, tel que défini dans l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le nouveau règlement prévoit toutefois que le ministre puisse garder un œil sur les processus d’admission qu’il sera appelé à évaluer.

« Ce nouveau règlement représente notre engagement à travailler avec la Commission scolaire francophone du Yukon pour l’éducation en français langue première au Yukon. Nous avons hâte de continuer à travailler ensemble pour résoudre les questions en suspens et appuyer les élèves inscrits au programme de français langue première », a commenté M. Graham dans un communiqué.

La CSFY aura désormais la responsabilité des admissions des non-ayants droit et pourra accueillir des élèves canadiens francophiles, des élèves de familles immigrantes ainsi que des enfants dont les grands-parents avaient le français comme langue première.

« Nous sommes très heureux de ce dénouement qui reflète la pratique existante. Désormais, en bout de ligne, c’est la commission scolaire qui prendra la décision alors qu’auparavant, c’était au ministre de décider à la fin », explique Édith Campbell, porte-parole de la CSFY.

Selon Mme Campbell, cette délégation de pouvoir ne devrait toutefois pas entraîner d’inscriptions supplémentaires puisqu’auparavant, la CSFY avait déjà un comité d’admission chargé d’étudier les demandes d’admission selon des critères précis, y compris les demandes des non ayants-droit.

« Il y aura peut-être plus d’intérêt, mais nous ne prévoyons pas que cela conduise à une augmentation des admissions. En fait, cette décision du gouvernement ne fait qu’officialiser une pratique existante. »

Une bonne nouvelle pour le 150e

La présidente de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones (FNCSF), Mélinda Chartrand, se réjouit de cette décision : « La CSFY réclamait depuis longtemps le pouvoir d’accorder des permissions d’admission à des ancêtres francophones, des immigrants et des francophiles dans la mesure où cela fait avancer l’objet de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés. Notre fédération se réjouit que la CSFY ait enfin un pouvoir discrétionnaire plus large relativement aux admissions des non-ayants droit comme la plupart des conseils scolaires francophones en contexte minoritaire ailleurs au pays. »

Son directeur général, Roger Paul, voit cette annonce comme un beau cadeau à la veille des 150 ans de la Confédération en 2017.

« Le fait que la CSFY ait  le pouvoir de décider d’admettre ou pas, au cas par cas, des enfants de non-ayants droit dans ses écoles représente une grande avancée pour le fait français au Yukon. Ce nouveau règlement s’inscrit parfaitement dans l’esprit des fêtes du 150e anniversaire de la Confédération alors que le Canada s’apprête à célébrer sa dualité linguistique. »

Du côté de l’organisme porte-parole de la communauté franco-yukonnaise, l’Association Franco-Yukonnaise (AFY), l’heure est également à la satisfaction.

« Cette décision est un bon pas vers la demande que font la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) et la communauté francophone depuis des années d’accorder la pleine gestion scolaire à la CSFY. L’AFY se réjouit de cette nouvelle avancée qui appuie le développement de la communauté francophone au Yukon. (…) C’est une bonne représentation de l’amélioration des relations entre le gouvernement du Yukon et la communauté francophone du Yukon au cours des dernières années », commente la présidente Angélique Bernard, pour #ONfr.

Une bonne nouvelle à nuancer

Toutefois, malgré cette vague d’optimisme, l’avocat spécialisé en droits linguistiques, Mark Power, se montre plus nuancé.

« C’est un progrès majeur certes, mais le gouvernement territorial maintient son mot à dire sur la question des admissions, ce qui rend la situation du Yukon bien moins favorable que celle de l’Ontario ou du Nouveau-Brunswick, par exemple. Si l’Ontario, bien qu’elle soit la province comptant le plus de francophones à l’extérieur du Québec, n’a pas jugé utile de maintenir un contrôle, pourquoi le gouvernement du Yukon souhaite-t-il le faire? Il faut saluer l’effort des deux parties, mais il ne fait pas oublier que comme il ne s’agit que d’un règlement, ça reste très vulnérable. Il serait très facile pour un nouveau gouvernement de changer ce qui a été fait, sans même avoir besoin de passer par un vote, par exemple. »

Mais la porte-parole de la CSFY préfère rester optimiste.

« Même si cela avait été inscrit dans une loi, un nouveau gouvernement aurait tout aussi bien pu la modifier. C’est une réalité, mais nous sommes confiants. Compte tenu de l’attitude actuelle du gouvernement, il n’y a pas lieu de croire que celui-ci pourrait vouloir changer le nouveau règlement », juge Mme Campbell.

D’autres points à régler

Satisfaite, la CSFY se penche désormais sur deux autres points importants à régler avec le gouvernement territorial : la construction d’une école secondaire à Whitehorse et la question plus large de la pleine gestion scolaire.

« Concernant l’école secondaire, les choses avancent bien. Un appel d’offre sur le design de l’école est en cours et le processus se poursuit. La décision du gouvernement sur le volet des admissions montre son ouverture. Les discussions sont productives et de bonne foi entre toutes les parties qui veulent coopérer », assure Mme Campbell.