Crédit image: Getty Images

Alors que l’impact de la COVID-19 se fait sentir chez les petites entreprises, c’est aussi le cas au niveau aérien dans les aéroports du Nord de l’Ontario. De Hearst à Kapuskasing en passant par Sudbury et Greenstone, l’impact de la baisse de voyageurs et d’avions sur le terminal est considérable.

À l’Aéroport municipal René Fontaine de Hearst, on observe une baisse de 50 % des mouvements aériens en raison de la pandémie.

« On a vu des diminutions partout, même dans le transport médical. Nos vols nolisés se sont arrêtés complètement. Avant, on avait régulièrement des compagnies ou des avocats qui allaient à Baie-James. Même le gouvernement, via le ministère des Richesses naturelles, avait arrêté complètement ses déplacements en avion. Ça a juste recommencé cette semaine. Le transport médical représente 50 % de notre clientèle, alors que les vols nolisés représentent à peu près 30 % », précise Luc Lanoix, gérant de l’aéroport de la ville francophone de près de 5 000 résidents.

Ce dernier note toutefois une résurgence des pilotes amateurs sur le tarmac.

« Le privé n’a pas arrêté lui, ça a même été une meilleure année. Les gens avaient plus de temps pour des voyages de pêche, de chasse ou pour se balader. Le monde ne pouvait pas sortir, alors il y avait plus de temps pour ce genre de libertés. »

Cette hausse ne se traduit toutefois pas en profits financiers, alors que ce sont les gros avions ou transporteurs qui rapportent de l’argent à l’aéroport municipal et non les plus petits clients.

« On a baissé de 50 % notre achalandage, alors sûrement que nos revenus ont fondu de moitié aussi. (…) Les petits avions sont exemptés de beaucoup de frais à cause de leur poids, alors ils n’ont pas de frais d’atterrissage. Deuxièmement, ils ne prennent pas beaucoup d’essence comme les gros avions, alors ce n’est pas ça qui va faire la différence dans nos profits », affirme M. Lanoix.

La situation à Hearst est aussi similaire à celle de Sudbury.

Le plus grand aéroport du Nord de l’Ontario sert souvent d’escale régionale pour certaines compagnies aériennes de plus gros renom comme Porter, Air Canada et Bearskin. Avant la COVID-19, 15 à 20 avions par jour y passaient. Ce nombre est réduit aux alentours de cinq à dix durant cette période de l’année.

« C’était eux la grande majorité de notre clientèle. Notre source de revenu principal est la clientèle qui passe par le terminal, alors évidemment avec la baisse du nombre de passagers, ça affecte de façon importante notre source de revenus », indique le directeur du marketing, excellence aéroportuaire et innovation, Jean-Mathieu Chénier de l’aéroport du Grand Sudbury.

À Greenstone, où la municipalité gère deux aéroports, le trafic est en baisse, mais pas complètement à plat.

« Nos petits aéroports sont beaucoup au ralenti, mais il y a encore de l’activité qui se passe avec le Cercle de feu ou les Premières Nations qui voyagent pour aller dans les hôpitaux, mais comme tous les autres, il n’y a pas de doute qu’on est au ralenti », affirme Renald Beaulieu, le maire de Greenstone.

Une exception à Kapuskasing

Kapuskasing compte parmi les exceptions à la règle dans le monde de l’aéronautique, n’essuyant pas de pertes financières.

« Notre trafic n’a pas tellement changé. On a une compagnie aérienne, North Star Air, qui transporte de la marchandise dans le Nord et ils ont augmenté leurs voyages. À cause d’eux, nos frais d’exploitation n’ont pas changé. En raison de North Star Air, je ne peux pas dire que la COVID-19 nous a beaucoup affectés », lance Rock Robitaille, gérant à l’aéroport de Kapuskasing.

Par contre, les vols privés ont baissé de plus de 75 % à Kapuskasing, en raison de la réalité géographique de la région.

« Durant l’été, tous nos avions locaux vont sur les lacs et restent sur des flottes, donc ça ne change rien en termes de trafic. En hiver, ces amateurs ne volent presque pas. C’est à la baisse sans aucun doute. Le mouvement d’avions privés est quasiment nul depuis la COVID-19 », avoue M. Robitaille.

Ce dernier s’avoue chanceux de voir l’aéroport toujours rouler à un rythme normal de 40 à 50 mouvements par semaine, alors que le restant de l’industrie aérienne essuie de grosses pertes.

« On a été très très chanceux avec le coronavirus. Je pense que depuis le début de la pandémie, on a eu un cas à Kapuskasing. On est un arrêt populaire pour des vols nolisés qui viennent se remplir de pétrole. Ce monde-là débarque, rentre dans le terminal avec leurs masques et désinfecte leurs mains et l’on nettoie la bâtisse quand ils partent. On n’a pas été affecté au niveau local, on est choyé. »

Une aide financière en vue?

À Sudbury, les administrateurs attendent toujours une réponse du gouvernement fédéral, mais avouent que les chances s’amoindrissent surtout avec la récente mise à jour économique du gouvernement canadien, qui n’a rien apporté de nouveau pour le secteur aérien, selon les transporteurs.

« Pour l’instant, le Canada est l’un des seuls pays au monde qui n’a pas aidé le secteur aérien. Ils ont fait quelques annonces lors de la mise à jour économique, mais c’était plus général. Il n’y avait rien de vraiment ciblé pour les compagnies aériennes. Il n’y a pas un aéroport au Canada qui ne perd pas de l’argent. Aux États-Unis, ils ont reçu 10 milliards de dollars et il y avait des discussions pour un autre montant similaire avant que les élections surviennent, et c’est comme ça un peu partout. C’est une industrie qui est très réglementée alors, on a beaucoup de coûts élevés et fixes », soutient Jean-Mathieu-Chénier.

« Notre économie et nos transports médicaux dépendent beaucoup du secteur aérien, mais on ne reçoit honnêtement pas grand-chose du gouvernement. » – Jean-Mathieu Chénier

Le manque d’aide financière décourage les aéroports qui disent avoir tout fait pour continuer à faire rouler l’économie et assurer la sécurité des passagers.

« Notre économie et nos transports médicaux dépendent beaucoup du secteur aérien, mais on ne reçoit honnêtement pas grand-chose du gouvernement. C’est franchement décevant. On a fait notre part, on nettoie le terminal, on pose des questions aux gens sur leurs symptômes, on demande le port du masque. On a tout fait pour assurer la sécurité des gens », ajoute le dirigeant de l’aéroport sudburois.

De telles pertes financières pourraient-elles venir influencer les tarifs imposés aux voyageurs ou encore aux clients d’aéroports dans le futur?

« Ça reste à déterminer, mais on ne peut pas vraiment augmenter. Il faut que tout le monde augmente pour que nous aussi on augmente, car on a quand même des compétiteurs. On va attendre que la COVID-19 soit terminée avant de déterminer ça », prévient de son côté Luc Lanoix de Hearst.