DGE : « contraventions apparentes » à Sudbury

Glenn Thibeault a été élu député provincial de Sudbury lors d’une partielle, le 5 février 2015. Archives, #ONfr

TORONTO – Le Directeur général des élections (DGE) de l’Ontario est d’avis que les actes de deux personnes d’influence au sein du Parti libéral dans le cadre d’une élection partielle à Sudbury « constituent des contraventions apparentes » à la loi électorale et il a signalé l’affaire au ministère du Procureur général. Du jamais vu dans la province.

FRANÇOIS PIERRE DUFAULT
fpdufault@tfo.org | @fpdufault

Le chien de garde des élections Greg Essensa juge à la lumière de « faits constatés » et d’« un examen de l’ensemble des transcriptions, enregistrements et documents pertinents », que deux organisateurs libéraux ont violé l’article 96.1 de la loi électorale lorsqu’ils ont fait miroiter « un emploi ou une nomination » à un ex-candidat à Sudbury dans le but de l’écarter du scrutin du 5 février.

L’article 96.1 de la loi électorale de l’Ontario stipule qu’il est interdit de « donner, procurer ou promettre ou convenir de procurer un poste ou un emploi dans le but d’inciter une personne à devenir candidat, à s’abstenir de devenir candidat ou à retirer sa candidature ».

Or, selon le DGE, les organisateurs libéraux Gerry Lougheed et Patricia Sorbara semblent avoir joué de leur influence pour inciter l’ex-candidat Andrew Olivier à ne pas briguer de nouveau l’investiture du parti et à céder le passage à autre candidat plus connu, Glenn Thibeault, dans les semaines qui ont précédé la récente élection partielle.

« Bien que je n’aie pas à peser des questions de crédibilité ou de l’équilibre des faits concurrents comme le ferait un juge, mon rôle non partisan dans la supervision de l’intégrité des élections provinciales signifie que je dois être convaincu qu’il y a plus que la simple probabilité d’une contravention avant de conclure que toute violation possible ait atteint le seuil d’être apparent », a précisé M. Essensa, le jeudi 19 février.

C’est finalement M. Thibeault qui a remporté l’élection partielle dans Sudbury avec 41% des voix. Candidat indépendant, M. Olivier récolté une troisième place avec 12% des suffrages.

Enquête de la police

Le DGE n’a aucun mandat d’intenter lui-même des poursuites. Il a donc soumis le dossier au ministère du Procureur général, pour que celui-ci décide s’il y a lieu ou non de renvoyer l’affaire à la police.

« J’ai été informée par mon sous-ministre que l’affaire a été référée à un procureur fédéral. Elle ne sera pas gérée par mon ministère. Nous voulons nous assurer qu’il y ait une séparation claire (entre le pouvoir politique et la poursuite) dans cette affaire », a déclaré à la presse Madeleine Meilleur, Procureure générale de l’Ontario, le 19 février.

Rappelons que la Police provinciale de l’Ontario (PPO) mène déjà une enquête sur une possible affaire de corruption dans le camp libéral à Sudbury et que ses conclusions préliminaires dans ce dossier rejoignent celles du DGE.

Gerry Lougheed est aussi président de la commission de police de Sudbury – une nomination de la province. Patricia Sorbara est la chef de cabinet adjointe de la première ministre Kathleen Wynne.

L’effet d’un électrochoc

Le rapport du DGE est tombé à peine cinq minutes avant le début de la période quotidienne de questions à Queen’s Park. Il a eu l’effet d’un électrochoc sur les délibérations déjà tendues des parlementaires depuis leur retour en chambre.

« Montrez-nous qu’il reste un peu d’intégrité dans ce gouvernement », a tonné le progressiste-conservateur John Yakabuski, réclamant du même souffle le limogeage des deux organisateurs libéraux ayant vraisemblablement contrevenu à la loi électorale. « Débarrassez-vous de ces deux pommes pourries », a renchéri son collègue Steve Clark, à l’origine d’une des plaintes au DGE et à la police.

« Il est temps que la première ministre fasse son mea culpa », a lancé la chef néo-démocrate Andrea Horwath, exigeant elle aussi la tête des Gerry Lougheed et Patricia Sorbara du moins qu’à la fin des procédures de la police et de la Couronne.

Le clan libéral, lui, a continué à défendre ses deux organisateurs contre les attaques frontales d’une opposition chauffée à bloc.

« Il n’y a pas d’accusation », a souligné Mme Meilleur à #ONfr.

La première ministre Kathleen Wynne a répété plusieurs fois devant la Législature qu’elle n’avait fait qu’exercer son droit politique de choisir M. Thibeault comme candidat à Sudbury, et qu’elle avait seulement cherché par la suite à garder M. Olivier « impliqué » dans son parti.