Diefenbunker : des expositions plus inclusives

De l'extérieur, difficile de soupçonner la grandeur de ce bunker qui s'étale sur quatre étages. Crédit image: Rachel Crustin

OTTAWA – Depuis le 3 mars dernier, le Diefenbunker d’Ottawa accueille deux nouvelles expositions permanentes. L’une raconte comment les Canadiens vivaient au temps de la guerre froide et l’autre explique, d’un point de vue inuit, ce qu’était la ligne DEW et ses conséquences. Visite en compagnie du conservateur, Sean Campbell, en cette Journée internationale des musées.

Le Diefenbunker est un authentique abri antinucléaire, commandé par le premier ministre canadien John Diefenbaker à l’époque de la Guerre froide. Jamais utilisé pour sa fonction première, qui aurait été d’abriter des membres du gouvernement et de l’armée en cas d’attaque, le lieu a été converti en musée de la Guerre froide.

« Le message que nous voulons envoyer, c’est que la diplomatie et la paix vont éventuellement prévaloir et que c’est vers elles que nous devrions tous travailler », relate Sean Campbell. « Notre site n’a jamais été utilisé pour son but initial, mais il était ici. C’est une relique de cette époque. »

Sean Campbell dans le tunnel d’explosion, conçu pour protéger les réelles portes d’entrée du bunker. Crédit image : Rachel Crustin

Le Canada entre deux puissances

Si la guerre froide opposait les États-Unis à l’Union soviétique, le Canada était politiquement et géographiquement positionné au milieu du conflit. L’exposition renouvelée Le Canada et la Guerre froide explique de quelle façon les Canadiens ont vécu cette période de tensions et la façon dont le gouvernement se préparait à réagir en cas d’attaque ouverte.

L’exposition Le Canada et la Guerre froide se situe dans les anciens dortoirs du Diefenbunker. Certains éléments originaux ont été conservés, comme les casiers visibles sur cette photo. Crédit image : Rachel Crustin

Il est intéressant de constater le contraste entre les façons dont les Canadiens continuaient leur vie quotidienne et le climat de peur qui s’installait par des campagnes publicitaires. Alors qu’on découvre les affiches, les brochures et les avertissements télévisuels du gouvernement canadien, on apprend aussi que les Soviétiques ne savaient à peu près rien de notre pays et de ce qui s’y déroulait.

Un coin de l’exposition Le Canada et la Guerre froide recrée un salon canadien de l’époque, avec les publicités gouvernementales qui jouaient à la télévision. Dans le coin, des jeux de société élaborés autour du thème de la guerre. Crédit image : Rachel Crustin

Le public est amené à participer à quelques activités interactives, comme associer les différentes missions de paix des Forces armées canadiennes au conflit correspondant, remplir un sac de matériel de survie, se rappeler de quel côté se rangeait chaque pays ou remettre des événements historiques ultérieurs à la Guerre froide en ordre.

Tout au long de l’exposition, des cadrans sur les murs représentent l’horloge de la fin du monde, un outil élaboré en 1947. Chaque année, le Bulletin of the Atomic Scientists estime selon différents facteurs « à quel point le monde est proche de l’anéantissement », peut-on lire sur le grand cadran relatant les événements ayant influencé l’horloge.

Durant la visite, Sean Campbell nous explique que peu de temps après que cet élément de l’exposition ait été installé, le Bulletin of the Atomic Scientists a annoncé que l’aiguille avançait à 90 secondes avant minuit, principalement à cause de la guerre en Ukraine.

L’horloge de la fin du monde est un outil métaphorique pour exprimer l’évolution des différentes tensions dans le monde, selon les conflits armés, les armes nucléaires et les changements climatiques. Gracieuseté Diefenbunker : Musée canadien de la Guerre froide

Un élément important de cette nouvelle exposition est la reconnaissance des impacts de cette période sur les Inuits. Dans la crainte que l’URSS n’attaque les États-Unis en passant par le Grand Nord, le gouvernement canadien les force à se sédentariser et les utilise à la manière de drapeaux humains, pour montrer sa présence et son contrôle sur le territoire. Cette partie de l’exposition, racontée du point de vue inuit, est particulièrement bouleversante. Pour Sean Campbell, il était important de montrer plus de points de vue sous-représentés.

« Le moment où nous avons activement été regroupés en communautés – par une force extérieure. » Sean Campbell explique que la notion de dates n’a pas la même importance chez les communautés autochtones, alors cette partie de l’exposition privilégie des expressions comme marqueurs de temps. Crédit image : Rachel Crustin

Un point de vue oublié

La deuxième exposition est déclinée en une seule salle dont les murs et le sol sont remplis d’information en français, anglais et inuktitut. On y explique plus en détail ce qu’était le Réseau d’alerte avancée (Réseau DEW, pour Distant Early Warning) et ses impacts sur l’environnement, la faune et les humains qui vivent dans le Grand Nord. L’exposition a été élaborée par la conservatrice des collections patrimoniales au gouvernement du Nunavut, Deborah Kigjugalik Webster.

Par communiqué, cette dernière explique qu’elle souhaite faire réaliser aux visiteurs « à quel point les sites du Réseau DEW ont eu une incidence sur notre culture et notre peuple. L’histoire de la Guerre froide au Canada se déroule dans nos territoires, sur nos terres, avec notre peuple … et nous sommes généralement exclus des livres d’histoire ».

Sean Campbell dans la salle d’exposition Une histoire inuite : Le Réseau DEW. Crédit image : Rachel Crustin

La ligne DEW était un réseau de stations radars grâce auquel « le Sud du Canada aurait été averti deux à trois heures avant l’arrivée de bombardiers soviétiques, » peut-on lire dans Le Canada et la Guerre froide. Au démantèlement de ces stations, rapidement devenues obsolètes, des montagnes de débris ont simplement été laissées sur place.

Ces ours polaires paraissent petits devant la montagne de déchets générée par le démantèlement du réseau DEW. Gracieuseté Diefenbunker : Musée canadien de la Guerre froide

L’ouverture de ces deux nouvelles expositions coïncide avec le 25e anniversaire du Diefenbunker en tant que lieu historique national et musée. Pour souligner cette année importante, le Musée canadien de la Guerre froide sera ouvert sept jours sur sept durant les mois de juillet et d’août. De nouvelles activités familiales et interactives seront aussi annoncées à l’automne.