Différence d’appréciation des francophones sur le budget

La présidente de l'AEFO, Anne Vinet-Roy
La présidente de l'AEFO, Anne Vinet-Roy, réélue pour deux ans. Gracieuseté

[ANALYSE]

TORONTO – À quelques nuances près, les Franco-Ontariens sont la plupart du temps d’accord sur le contenu d’un budget provincial. En 2018, le document « pré-électoral » des libéraux avait été par exemple bien accueilli. Le 15 novembre 2018, l’énoncé économique, synonyme de « mini budget », et marqué par des coupes dans les services en français, avait provoqué une levée de boucliers générale.

L’ambiance est plus divisée pour ce « budget 2021 » déposé ce mercredi par le ministre des Finances, Peter Bethlenfalvy.

Il y a tout d’abord les satisfaits : l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario (AFO) en tête. À la lecture du document de 231 pages, le président Carol Jolin se déclarait même « très heureux ».

Pour l’organisme porte-parole des Franco-Ontariens, le gouvernement Ford a livré la marchandise. Le « Fonds de secours pour les organismes francophones sans but lucratif suite à la COVID-19 » est renouvelé à raison d’un million de dollars supplémentaires, tandis que le Programme d’appui à la francophonie ontarienne (PAFO) est désormais doublé, avec deux millions de dollars alloués par an.

Soyons francs : il s’agit de belles nouvelles. Ces sommes d’argent éviteront sans doute des fermetures massives. La COVID-19 a aggravé la situation d’organismes parfois à bout de souffle financièrement, et ne devant leur salut qu’au dévouement inconditionnel de bénévoles. Loin des grands centres urbains, ces « petits organismes » représentent trop souvent l’unique point de repère pour des centaines, voire des milliers de Franco-Ontariens.

Mais après la présentation du budget, une approche moins optimiste prévaut. Le milieu de l’éducation en général est fâché. L’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO) a tiré à boulets rouges sur un budget dont les enveloppes seraient insuffisantes pour assurer la sécurité et la distanciation physique des élèves dans les salles de classe.

Le gouvernement ne renouvellera pas la plupart des dépenses liées à la COVID-19 dans les écoles. Quelque 59 millions de dollars seront dédiés pour désinfecter les installations scolaires, déployer des infirmières et acheter de l’équipement de protection. Trop peu pour les syndicats et les conseils scolaires.

La santé privilégiée à l’éducation

Pourquoi une telle différence de ton entre les francophones? Le budget 2021 s’apparente à un gigantesque fonds de secours, qui fait clairement le choix d’aider les secteurs touchés de plein fouet par la COVID (les hôpitaux, les foyers de soins de longue durée). Mais beaucoup d’observateurs pointent tout de même un document teinté par l’idéologie fordiste. À savoir que l’éducation n’est pas une priorité.

D’ailleurs des deux portefeuilles « mastodontes », la santé et l’éducation, lesquels représentent plus de 50 % des dépenses provinciales, Doug Ford a clairement choisi le premier. Quelque 2,9 milliards de dollars supplémentaires seront consacrés à ce secteur pour 2021-2022. Pour l’éducation, on parle d’une augmentation de seulement 2,2 %… contre par exemple 4,6 % dans le budget déposé ce jeudi par le gouvernement québécois.

Ford, de l’austérité à la relance économique

La COVID-19 bouscule nos certitudes. Celles de Doug Ford n’ont pas échappé à cette tendance. Après un premier budget en avril 2019 sous le sceau de l’austérité, le premier ministre n’a aujourd’hui plus d’autre choix que de miser sur la relance, avec un déficit dorénavant à 33 milliards de dollars.

Nul doute que M. Ford fera de cette relance l’un des arguments de campagne pour les élections du printemps de 2022. Au point de convaincre l’ensemble des Franco-Ontariens?

Cette analyse est aussi publiée dans le quotidien Le Droit du 27 mars.